Algérie

Bernard Coutaz. Fondateur d?Harmonia Mundi



« Un large fossé entre les communautés » Bernard Coutaz ? une des sociétés de disques qui marche le mieux aujourd?hui en Europe et dans le monde entier ? fut en 1958 un des premiers soutiens de la cause algérienne. Qu?est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la question de l?Afrique du Nord au début des années 1950 ? Et pourquoi l?Algérie précisément ? Ce voyage en Algérie était par rapport à un organisme qui s?occupait des enfants, avec lequel j?avais décidé de m?engager. J?ai fait un séjour à Oran, à m?occuper des enfants des quartiers populaires. Là, j?ai découvert avec beaucoup d?ingénuité la situation et les relations entre les Européens et les Arabes et j?ai été un peu choqué de voir quel fossé il y avait. Je me souviens, par exemple, m?occupant d?enfants européens (parce qu?ils n?étaient pas tous Français, il y avait des Italiens, des Espagnols et des Maltais) ; j?avais monté une équipe de foot et un jour j?ai suggéré que l?on fasse un match avec des Arabes. Qu?est-ce que je n?avais pas dit là !!. Je me suis fait engueuler par les parents qui voulaient me manger tout entier, parce que c?était dangereux de fréquenter des petits Arabes. Après j?ai cherché à mieux comprendre. Et j?ai vu quelles différences de traitement il y avait entre la population arabe et la population européenne. A savoir qu?on a fait des routes mais elles allaient d?Oran à Alger. Et elles ne passaient pas beaucoup dans les bleds. Lorsque dans un niveau très modeste il y avait deux personnes, employées toutes deux comme cantonniers, l?Arabe gagnait deux fois moins que l?Européen qui faisait le même boulot, etc. Cela m?a amené à fréquenter davantage les Algériens et à prendre parti pour eux. L?injustice vous a-t-elle frappé ? Oui. Je me souviens aussi avoir fait une balade en vélo dans la région oranaise à la recherche d?un village qui, m?avait-on dit, était assez caractéristique de la vie d?un village arabe. Je ne le trouvai pas. Je me suis arrêté chez un propriétaire agricole qui avait un immense domaine et je lui ai demandé où se trouvait ce village. Il me dit : « Je ne sais pas, mais si vous passez la colline en face, il doit y avoir des Arabes car j?en vois passer de temps en temps ». J?y suis allé et je suis tombé sur un village où il devait y avoir trois mille habitants. J?ai été bien reçu, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que j?étais le premier Européen à y débarquer. Et puis, en rentrant, je suis allé voir ce monsieur qui disait ignorer ce village alors qu?il était là depuis trois générations. Je lui ai dit qu?ils étaient nombreux dans ce village, avec une mosquée, une école, etc. Il me dit : « Ce n?est pas prudent, vous auriez pu vous faire égorger ». Plus j?apprenais, plus je constatais que le fossé était immense. En France aussi. Je travaillais pour Témoignage chrétien. On allait chercher des Algériens car on avait besoin d?eux, et on les considérait comme des bougnoules. J?ai fréquenté à mon retour un immense bidonville à Nanterre. Les gens y vivaient dans des conditions qu?on n?imagine pas. Des baraques en carton et en tôle. On ne pouvait pas se taire.


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