Algérie - Beni Saf

BENISAF : L’histoire d’un quartier historique oublié



BENISAF : L’histoire d’un quartier historique oublié
À mesure que les années, passent, chaque quartier, chaque rue d'une ville, évoque un souvenir, une rencontre, un chagrin, un moment de bonheur.
Le transcendant petit quartier historique qui a fait la gloire et le mérite de la ville de Beni saf, il avait été baptisé par quatre sobriquets ( Quartier « Darb-El Abid »-quartier » « Zenzella »-quartier « Chinois » et quartier « ‘Fillage Cartonne ». Chacun de ces pseudonymes porte en lui une jolie romance et une belle histoire, qui sont issues du terroir Beni safien .La consécration historique de ce quartier étant la suivante :
*1- le quartier « Darb El Aabid » (rue des esclaves), les colons benisafiens l’appelaient « quartier des négres », la nuance est minime, mais en réalité, il y avait une partie de la population assez importante de couleur noire parait- t- il venue du Soudan et dont le nom Soudani( figure symbolique) faisait allusion au pays su-cité . Dans ce faubourg, tout le monde vivait onctueusement bien en famille, voisins -voisins et en compagnie, au milieu de phénomènes incroyables, une bonne ambiance et aussi des histoires extravagantes. A commencé par les « Aïssâwas »( Karkaybous) ,C’était une troupe culturelle d’Ain Temouchent qui venait souvent animer des soirées chaudes dans El « Haouch » de Rahma khadem dite « Blanchette » sœur de Ahmed El Goumerdi( percepteur communal pour les doits de place du marché Hebdomadaire), il est cousin de Soudani A.E.K le glorieux basketteur. Les« Aïssâwas » supposés apporter la bénédiction « baraka », l’organisation d’une telle cérémonie, sont divers : célébration d’une fête musulmane, d’une circoncision, d’une naissance, d’un exorcisme,….. C’est aussi une forme de contact avec le divin via l’extase. La cérémonie avec les « Aïssâwas » met en scène des danses très particulières amenant les participants à la transe, une forme d’hypnotisme ou de catalepsie.
Les Aïssâwas au nombre de huit ou dix, se tiennent les mains et dansent en se balançant le buste de l'arrière vers l'avant et latéralement de gauche à droite, de façon très synchronisée avec le rythme et la cadence de la « Ghaita » ,le « mizmar » ( flute) et « El Bandir »( tambour). Ils répètent en cœur leur propre refrain. La cadence s'accélère et la mesure augmente, et enfin l’atmosphère devient de plus en plus festive et chaleureuse. Hommes et femmes frappent des mains et dansent, les "youyous" de ces dernières ponctuent davantage l'ambiance par l'invocation et les louanges adressées à soit disant des démons. Ces derniers sont des esprits qui vivent, mangent, boivent, dorment et meurent comme les êtres humains. La différence avec ces démons est qu'ils sont immatériels et peuvent incarner un être vivant ou un objet et vivent dans le même monde que les êtres humains mais dans une dimension parallèle. Cette culture populaire est très controversée dans le sens où elle présente de nombreuses contradictions sur le plan culturel et religieux. En effet, les pratiques telles que les rituels de transe, le fait de manger la chaire crue de l’animal et de boire son sang (le veau) ou de se faire de l'automutilation. les cérémonies des « Aïssâwas » sont des rituels domestiques nocturnes des récitations, de litanies mystiques, des chants de poèmes spirituels, un rituel d’exorcisme et une séance de danse de transe collective. Ces cérémonies se déroulent également au niveau de la mosquée de Gar El Baroud, au marabout de sidi Brek ainsi que celui de sidi Boucif. Les aspects ludiques des soirées sont courants au niveau de la ville et revendiqués par les participants (chants, danses et les rires) de même que les manifestations corporelles extatiques (cris, pleurs) . Les invités de la soirée « Ayssaoua » chez « Blanchette » avaient droit au plat de la fête à base de blé appelé « Rouina » .
*2- quartier « E-Zenzella » (tremblement de terre) ; l’existence de tunnels aux environs du quartier édifiés pour le passage du train servant à transporter uniquement le minerai de fer de Sidi Safi vers le port de Benisaf. Le passage des trains faisaient vibrer les parages géographiques du quartier par de petites secousses qui se ressentent vivement et ressemblent à un tremblement de terre de très faible intensité.
*3- quartier « EL- Fillage Cartonne » village Carteau, il est signifié par l’administration coloniale et les colons aussi semblables à un petit village et non comme un quartier ; le nom « carteau » doit être une présumable grande personnalité française de surcroit de l’armée coloniale. Le quartier était très bien surveillé par l’armée d’occupation. Face au quartier à moins de 200m, se situe un grand hôtel « Hôtel Robert » de Benisaf, au milieu de sa terrasse située dans au deuxième et dernier étage ; une garde permanente de l’armée française dont un fusil « 12/7 » genre DCA pointé à longueur de journée et de nuit sur le quartier « El Fillage Cartonne » ainsi qu’un grand projecteur lumineux balayant le quartier pendant toute la nuit.
Ceci pour vous dire que ce quartier était très chaud pendant la guerre de libération. En 1957, le quartier « Al Fillage carteau » a été criblé de balles suite à une attaque du commissariat de police situé prés de l’Hôtel Robert , c’était pendant le mois de ramadhan : avril 1958 .Ce quartier était tres souvent encerclé par l’armée française, la légion faisait la permanence , plusieurs fois notre maison située dans ce quartier , celle de Si El Missoum Benallal (Allah yarmah) a eu de la visite très musclée des paras et de la légion d’honneur de l’armée française pour son arrestation.
Surveillance continue du quartier fait que des histoires folles submergent les enfants.
La surveillance armée continuelle faisait naitre une nouvelle culture basée sur la peur, nos parents représentaient en nous ce que la télévision fait de nos enfants aujourd’hui. Nos parents nous racontaient bonnement des histoires « M’Hagyates » à dormir debout, des histoires de fantômes qui faisaient leurs apparitions dans les parages du quartier , une façon de nous dire qu’ il n’est pas permis de sortir le soir après le couché du soleil. Des histoires de « Targou »cachée au milieu des figuiers et d’ « ElGhoula » une femme mangeuse d’homme, des « djeniates » dangereuses qui surveillent la nuit les fontaines publiques…. Par conséquent, la nuit, la « TV parentale » était destinée à nous narrer des petits contes qui nous faisaient trop peur et enfin dormir un peu trop tôt.
*4-« Le Quartier Chinois » : le taux de fécondité des familles habitants ce quartier était considérable d’où le terme chinois pour insinuer l’importance de la forte densité humaine. La forme des habitations était celle des « Haouch » ou plusieurs familles habitaient ou vivaient ensemble avec une même cour. Une tradition existait aussi chez la famille Soudani, elle faisait le rôle ce que la crèche assume actuellement, cette famille gardait les enfants d’autrui de bas âges moyennant un petit prix en liquide ou en nature, une tradition qui date des temps anciens.
Ce quartier aux quatre noms spécifiques, était, hier imposant et impressionnant, aujourd’hui, il est oublié, délaissé, négligé et même soustrait de la commune de Beni-saf peut être même du terroir de la culture quotidienne de Beni-saf. C’est toute une rupture consommée entre ce patrimoine historique d’une part, la société civile qui fait que l’absence criarde de l’état, pour au moins penser à la sauvegarde de ce patrimoine qui a assisté et contenu en lui toute une histoire locale et représente même l’histoire nationale.
Dans les années 1970, ce quartier a été baptisé officiellement par l’état algérien « Bentalha Driss », sans écriteau indicatif, actuellement c’est rare qu’un Beni safien reconnait ce nom su-cité ?
Ce quartier composé d’une vingtaine de bercails, ressemblant à des fermettes à « toiture en tuile rouge », ce « Fillage »(quartier) fixé sur le flanc de la montagne, fait la jonction entre le plan- II- un autre grand quartier populaire . Ce dernier avait bénéficié au temps de la colonie du plan de Constantine du 03octobre 1958 et la ville proprement dite ; et le centre ville même de la ville de Beni-saf.
Ce petit quartier à appellations diverses su-citées ; de la ville de Benisaf, en géographie urbaine, il se caractérise de façon générale de part sa contenance et son originalité qui lui est singulière, car elle le discerne de son environnement. La physionomie de ce quartier fait ressortir différentes types de particularités à savoir:
-*de part sa situation : un genre de bourgade accrochée sur le flanc de la montagne, sur son coté gauche, une superbe pinède de sapins marins genre « cyprès touffus » qui commence à calancher. Par-dessus le quartier, un sentier de rail ou jadis passé un train tirant des wagonnets pleins de minerai de fer, il transportait le minerai de fer vers son lieu le port et sa destination l’étranger. Le quartier culmine l’ex. Compagnie « Mokta El Hadid », nationalisée et devenue « Sonarem », lors de son tarissement en 1979 elle porte le nom de « Ferphos » à ce jour et fait front au centre de la ville.
*. De part de son bâti non urbanisable, le quartier ressemble à une cité-dortoir ; point de commerces, point de lieux ou place de détente, ni espaces de rencontres, de petites ruelles de passage non carrossables ; il faut dire qu’à un jet de pierre se trouve le plus beau et merveilleux jardin public aujourd’hui, ce jardin ne peut être qualifié aujourd’hui d’espace vert sinon de dépotoirs. Ce jardin devenu vestige est mitoyen au marché hebdomadaire qui fonctionne informellement au quotidien. Il abrite des symboles de la révolution discrédités par le laxisme d’incompétents responsables locaux.
*de part son accointance, ce quartier fait un trait d’union entre le centre ville et le plan-II- mais aucune activité commerciale, culturelle ou autre n’existe tout se faisait dans la clandestinité. Ce n’était pas un quartier mort mais un grenier de révolutionnaires rebelles et vivants face à la colonisation.
* de part son image d’hier et d’aujourd’hui, la différence se cristallise en ce nouveau vestige, ou le malheur s’est abattu sur lui, car pas un centime du budget communal n’a été investi dans ce haut lieu historique pour ne pas dire quartier. L’ingratitude des responsables locaux n’a point de limite… Il faut dire et le répéter plus fort que ce quartier à enfanter des personnalités qui ont fait l’histoire de Beni-saf dans sa douleur comme dans sa joie, mais aussi l’histoire de l’Algérie .Ce quartier mérite par conséquent, une considération à la hauteur de la ville, mais aussi du pays.
*SOUDANI l’international joueur de basketball qui a fait sortir Beni saf de son anonymat mériterait au moins que son lieu de naissance et son quartier soit un endroit, un lieu d’attention, de méditation et de recueillement et pourquoi pas un musé sportif. Pour tout touriste, visiteur qui transite par Beni saf, ils sauront que SOUDANI ; une figure Beni safienne, était une grande star internationale qui su par son art et son savoir-faire fait venir de loin les basketteurs Américains, Chinois et Russes. Ces touristes ou visiteurs connaitront certainement par les parages l’histoire de ce grand quartier (symbole) de la ville. Il est aussi important de reconnaitre, de se remémorer et de se ressouvenir que la composante principale soit 90% de l’équipe de basket de Benisaf , celle qui a remporté le championnat d’Algérie était composée de joueurs issus et natif de ce grand quartier à savoir Doukali Boucif dit « Boubou », Keir Mustapha, Soudani Fatah,Gherbaoui Mohamed, Bendjabour H’Mimed. Toute ces ressources représentent une richesse pouvant alimenter la collectivité locale via une économie et une nouvelle culture issue même de cette ressource humaine et urbanistique mais….
Dis-moi dans quel quartier tu es mort et je te dirai comment tu vivais.
*De ce quartier ont émergé également beaucoup de moudjahidines, qui ont accomplit leurs missions convenablement et complètement ; comme les prestigieux chouhadas dont chacun avait fait de ses gestes ,de son amour, de sa conception, de son être une subsistance pour le recouvrement de la liberté de ce pays et de ce peuple tels : Chahid Benallal Si El Missoun membre de l’OCFN porté disparu à ce jour – Chahid Sidi Yacoub Moulay Kadour et sa femme disparus également à ce jour, les frères « Carlo » ( Sidi Yacoub Mohamed qui a été exhibé mort devant la place de Sidi Boucif- Chahid Sidi Yacoub Mohamed, Ouled El Fatmi , Chahida Fatma bent Zoulikha morte par la torture en prison…. Ces noms sont gravés sur une stèle mal entretenue, située au milieu même du jardin public trop délaissé.
Ainsi que des moudjahidines qui viennent de quitter la vie juste après l’indépendance tel : les Brahim Kada Benkhaled, Zenasni Kouider dit « Tarzan », Aicha Ben Zouaoui qui avait rejoint son mari, qui faisait parti du groupe de Soudi Boucif mort enseveli dans la grotte de Sidi Yacoub( Oulhaca) , …..Et bien d’autres, n’oubliant pas que beaucoup de femmes faisaient partie de la révolution. Chaque moudjahid que je viens de citer possédait en lui une bibliothèque sur des événements qui se sont produit dans la région. Malheureusement nous les avons oubliés et ils nous en quittés.
Que de ruines déjà, dans ce quartier, où ce matin je me promène ! Maisons éventrées, effondrements informes, écroulements. citation
Ce quartier rebelle était un réservoir riche et digne de moudjahidines de l’ALN, du FLN et de l’OCFLN. La première cellule FLN, ALN et l’OCFLN était issue de ce même quartier. Le quartier subissait quotidiennement durant la période de guerre, le calvaire des visites musclées et carabinées de l’armée française par des ratissages ou les légionnaires que nous appelions nous qui étions encore petits( témoignages de beaucoup de personnes qui vivaient dans ce quartier)* , à l’époque « Lalijou », les tirailleurs sénégalais « Saliganes », les blousons noirs qui mettaient des bombes( plastics) un peut partout ( OAS)… Les opérations de ratissage et de contrôle pendant le temps des colonies se faisaient régulièrement et spécialement dans ce quartier à la recherche des moudjahidines. Aujourd’hui, les anciennes maisons (patrimoine) sont presque toutes détruites sinon ensevelies, aucune mesure à la hauteur de ce que quartier qui a tant enduré, n’a été avancée. L’absence de l’état, de la société civile, de l’organisation des anciens moudjahidines et des enfants de chouhada est une insulte à ce patrimoine historique et à tous ceux qui ont fait cette belle et douloureuse histoire.
Ce quartier historique est bien menacé, de même que la mémoire collective de la révolution qui est en train de s’effacer en face de la matière que la rente nous a déshonorée, avilie et diffamée…
BENALLAL Mohamed- Fils de Chahid : natif de ce quartier-
*certains chahids et chouhadyates ; moujahids et moudjahidates n’ont pas été cités dans ce bref récit je m’en excuse vivement, les lecteurs du voisinage géographique et amicaux les reconnaitrons certainement.



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