Algérie

BENI YENNI (Tizi Ouzou) La débrouillardise face au chômage


BENI YENNI (Tizi Ouzou)                                    La débrouillardise face au chômage
Chacun se débrouille à sa façon, en touchant à tout. La spécialité est une barrière qu'il faut transgresser dans ce cas de figure.
à l'instar de la plupart des localités rurales, les jeunes des villages des trois communes d'Iboudrarène, Yattafène et Ath Yanni souffrent d'un fort taux de chômage atteignant des proportions alarmantes et qui les contraint, ainsi, à la débrouillardise dans des conditions parfois insupportables.
Si donc certains n'aspirent qu'à 'partir" pour tenter leur chance sous d'autres cieux, d'autres, pour ne pas dire la grande majorité, s'adonnent parfois à des tâches ingrates pour survivre. Si aux yeux des quelques diplômés insérés dans le cadre des contrats de pré-emploi ou du filet social, ce mode de recrutement ne constitue pas, de par la précarité qu'il offre, ce qu'il y a de plus ingrat, après tant d'années d'études et de sacrifices, d'autres n'ont même pas cette chance.
'Le filet social n'absorbe malheureusement que la demande majoritairement féminine, car les filles se contentent de sortir de leur ghetto quotidien, après des années d'études supérieures et des diplômes qui ne leur permettent que de glaner une minable bourse de 10 000 à 15 000 DA", nous apprend Hakim, un universitaire en quête d'emploi stable depuis 3 ans déjà. Tenant compte de la situation sociale alarmante, certains entrepreneurs ' ils ne sont pas nombreux ' tentent tant bien que mal d'embaucher des jeunes qui donnent une certaine satisfaction pour la réalisation de leurs projets, mais cela reste insuffisant. Un jeune de 30 ans qui peine encore à se prendre en charge doit susciter pas mal d'interrogations aux yeux des responsables locaux qui sont habilités à se pencher sur ces problèmes.
'C'est pour ça que je ne crois plus au changement dont on parle pendant les campagnes électorales, et par conséquent je ne voterai plus jamais pour qui que ce soit", nous confie Aziz, un célibataire de 36 ans qui se débrouille dans le commerce informel, histoire de gagner son pain. Des jeunes filles travaillant sans répit depuis plus d'une décennie ne perçoivent qu'une minable allocation chômage d'environ 3 000 DA. Elles sont contraintes de résister.
'C'est mieux que d'attendre la paie de mon père qui n'arrive pas à subvenir aux besoins de la famille, la scolarité des enfants, la santé de ma mère et de ma grand-mère, auxquels il doit impérativement faire face", nous dira une fille travaillant dans le cadre de l'IAIG dans un CEM. Elle garde espoir après huit années de service que demain sera mieux.
Salima, 34 ans rêve tout simplement d'une stabilité dans cet emploi qu'elle exerce à plein temps sans en tirer profit. "Mon frère aîné ne veut pas de ce travail qu'il considère comme de l'esclavage et des va-et-vient interminables, n'était ma mère qui m'en encourage, je resterais probablement cloîtrée entre quatre murs", soutient-elle désespérée. Avec un niveau universitaire, Yahia, 43 ans n'a jamais travaillé dans le formel.
'La Fonction publique, ce n'est pas mon genre, j'ai commencé par trouver l'artisanat comme solution à mon problème de chômage, et je me suis rendu compte que j'ai passé plus de 12 ans de ma vie dans le travail de la bijouterie que je partage avec mes parents", avoue notre interlocuteur. 'Si seulement les autorités concernées avaient favorisé cet art en accordant des facilités à ceux et celles qui l'exercent, la communauté en tirerait des profits considérables, mais il faut alléger les procédures et faciliter l'accès à d'autres potentialités !", déplore-t-il. Ici, on ne peut pas toujours compter sur les diplômes, car pour exercer dans sa spécialité, il faut parfois beaucoup de concessions. 'Ma s'ur jumelle est aussi ingénieure de formation, mais... elle a eu la chance de se reconvertir en enseignante dans un lycée ; elle avait d'ailleurs beaucoup galéré dans l'éducation pour se faire enfin admettre à temps plein", ajoute l'artisan bijoutier. Il est très difficile à une fille du village de travailler en déplacement, si elle ne doit pas crécher en ville, vu le manque de moyens de transport.
La stabilité dans la Fonction publique, même si elle ne génère pas pour autant de gros revenus, permet de garder le moral au beau fixe pour des dizaines de femmes qui ont dû abandonner leurs diplômes pour un 'petit travail tranquille de proximité".
Dans un autre village des collines oubliées, Nassima, une jeune femme ayant quitté l'école au niveau de la 3e année du lycée, nous révèle son expérience : 'J'étais dans une entreprise privée et je n'arrivais même pas à couvrir mes frais ; j'avais l'espoir que cela changerait un jour, mais quand j'ai su que cela ne valait pas la peine de continuer, j'ai opté pour la couture que j'ai héritée de ma mère, et là je gagne quatre ou cinq fois mieux avec, en plus, ma précieuse liberté de travailler sans contrainte."
En effet, la création d'emplois faisant défaut dans nos zones rurales, c'est l'informel qui absorbe la population active.
'Les aides des dispositifs étatiques ne nous ont pas vraiment favorisés, car avec tous les risques et les difficultés que nous courons, nous devons aussi faire face aux impôts, à l'usure de notre matériel et aux différentes charges que le relief difficile nous inflige", justifie M. A., électricien du bâtiment.
Tout compte fait, chacun se débrouille à sa façon, en touchant à tout. La spécialité est une barrière qu'il faut transgresser dans ce cas de figure.
L B.
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