petite ville de 20.900 hab. étagée sur le flanc oriental d'une vallée étroite, centre minier et important port de pêche, principalement peuplée par les marins pêcheurs et par le perrsonnel de la Cie Mokta-El-Hadid. La rue principale descend en lacets jusqu'au débouché de la vallée encadrée de falaises.
Quand parfois la Méditerranée est calme comme un lac, les hautes falaises rocheuses âpres et dénudées, grises ou ocres à reflets fauves se dressent entre le bleu de la mer et celui du ciel.
C' est une impressionnante suite de dents de scie, de caps ou de promontoires déchiquetés de failles curieusement découpées que gardent des îlots bizarrement dressés ou des rochers tortueux plus ou moins immergés. Parfois le continent tombe en murailles continues et abruptes jusqu'à cent mètres sous l'eau ; parfois il s'ouvre en prodigieux culs-de-sacs où les àŽlots s'engouffrent entre de hautes parois d'un aspect saisissant ou bien il s'évase en petites criques que bordent des plages souvent difficiles d'accès aux terriens, faute de route et même de sentier, mais que les barques des marins peuvent atteindre sans peine. Pour les géographes, cette côte est considérée comme inhospitalière ; sans port naturel, elle est, comme ils disent, une "façade sans fenêtre". Pourtant au point de vue humain les multiples criques, aussi peu pratiques soient-elles, dangereuses même pour la navigation moderne en raison des fonds et des vents, ont connu une activité humaine continue et cela dès la Préhistoire.
Une longue histoireLes côtes oranaises avec l'île de Rachgoun, ont abrité, depuis les périodes les plus éloignées, bien des peuples comme les Acheuléens, les Ibéromaurusiens, les crétois, les Mycéniens, les Phéniciens, les Numides, les Carthaginois, les Masaesyles, les Massyles.
Les Romains créeront Siga, localité très importante selon Pline avec acropole, temple dédié à Saturne, aqueduc, thermes...
Comme ailleurs les Vandales ravagèrent tout en 428.
Les Arabes, lors de leur conquête foudroyante aux VIIè et VIIIè siècles se battirent contre les Berbères qui professaient l'idolâtrie, le judaïsme ou le christianisme. Ils s'y établiront donnant Honaïn comme nom à ce lieu. Les Espagnols les en chasseront et détruiront tout, laissant le lieu inhabité pendant trois siècles. LesTurcs s'installeront en 1518. Le système d'administration des Turcs n'allait pas audelà de la collecte d'impôts. On rapporte qu'une colonne escortait chaque année un Qadhi juriste et juge à l'embouchure de la Tafna.
Le 20 octobre 1835, les Français installent une garnison dans l'île de Rachgoun pour empêcher les Anglais d'amener leurs armes
En 1835, l'Émir Abd-el-Kader soulève 12 000 hommes dans la région contre les Français.
En 1837, le Traité de la Tafna signé avec le Général Bugeaud consacre l'extension du territoire acquis par l'Émir Abd-el-Kader à la région du Titteri de Médéa. Il faudra la déclaration de la guerre sainte de l'Émir en 1839, la prise de la smalah par le Duc d'Aumale à la source de la Taguine et sa reddition en 1847, pour que la France apporte sa paix dans cette région.
Un coin paradisiaqueLa côte où va s'implanter Beni-Saf sur 1200 mètres, s'étire en ligne brisée depuis la plage Ouest du Puits jusqu'à la plage Est de Sidi-Boucif.
En arrière, sans discontinuité avec les falaises abruptes, c'est un enchevêtrement de collines de 90 à 150 mètres d'altitude qui tombent dans de profonds ravins creusés par des oueds torrentiels.
Sur les pentes des ravins dévalant vers la mer s'accrochent les "Safs-Safs" à feuilles blanches veloutées qu'un léger vent fait frémir et que les français appellent des trembles ou des faux peupliers. Près des oueds poussent les tamaris, les lauriers-roses et les sentiers sont bordés de thuyas tordus par le vent. Les coupeurs d'alfa parcourent ces collines désertiques recouvertes de chardons, de lentisques où se dressent des caroubiers, des oliviers sauvages, des chênes verts, des faux poivriers.
Les hommes ramassent des blettes sauvages, de délicieuses petites asperges vertes, ils taillent les palmiers nains pour en déguster le caeur, ils cueillent les délicieuses figues noires ou vertes et les rugueuses figues de barbarie. Sur ces étendues presque désertiques, les chasseurs débusquent les lapins, les lièvres, les sangliers, font lever les perdrix, les pigeons sauvages et les alouettes. Dans les fermes, en bordure des villages, il faut défendre les poulaillers contre les renards et les chacals.
Parfois, les enfants trouvent des tortues ou des caméléons et en soulevant les pierres découvrent des scorpions blancs ou noirs qu'ils s'amusent à affoler en les encerclant de brindilles enflammées.
Béni-Saf ! Béni-Saf ! Marie-Louise Véra-Ariza nous conte avec beaucoup d'émotion l'épopée de ses aïeux qui ont tant fait sur ces côtes de l'Ouestalgérien.
"Nos arrière-grands-pères sont arrivés à Béni-Saf vers 1870, avec leurs "capacicos", leurs couffins de mineurs, leurs pioches d'agriculteurs et leurs espadrilles de pêcheurs. Ils ont fait leur pays en même temps que leurs gosses et c'est ainsi que, nous, Béni-Safiens ne faisons qu'un avec la terre, avec la mer, avec la mine, avec le sable, avec les pins et les platanes, les orangers et les figuiers.
Aussi loin que ma mémoire me ramène, je n'arrive pas à me penser en dehors de ma famille, de ma rue, la calle de la rue Bugeaud, de ma ville bien-aimée. Je crois et tout ce que mes grands-parents m'ont raconté (que mes parents me racontent encore), me le confirme, qu'à Béni-Saf les gens ont toujours vécu ensemble.
Chacun a toujours su, non seulement tout sur la vie de son voisin, mais aussi tout ce qui concernait les problèmes de la quasi totalité des habitants de la ville et des environs, Sidi-Safi y compris, que l'on fût jeune, d'âge mûr ou vieux. C'était sans doute un peu par esprit de commérage. Mais je crois que, dans ce pays neuf, nous nous sentions un peu en famille et nous nous portions un intérêt réel, nous partagions tout.
Il faut dire que, même à mon époque, l'intimité était difficile. Les cours de tous ceux qui habitaient à la calle de la rue Bugeaud communiquaient et n'étaient séparées que par un mur de briques. C'était de vraies cages de résonance et comme on y passait une bonne partie de la journée, on savait tout du voisin et celui-ci n'ignorait rien vous concernant. Les murs n'avaient que 2,5 m de hauteur. Nous nous aimions bien. Cela signifiait-il un accord parfait ! Certes non. Le climat n'était pas éthéré
Ça se traduisait du temps de mon grand-père par des batailles rangées du Sourco contre la Marine ou du Sourco contre le Filtre, et de mon temps à moi par la rencontre de la calle de la rue Bugeaud et de la calle de la rue Chanzy. Cela se passait souvent à la "Corria", vaste clairière réservée d'habitude aux fantasias, en plein milieu des pins de Sidi-Boucif où les "blocazos" servaient de langage. Les blocazos sont ni plus ni moins que des coups de cailloux gros comme le poing que les garçons échangeaient.
Vie de communauté, cela voulait dire un tas de lieux où tout le monde se retrouvait pour le plaisir, ou le travail : le marché, le souk, la plage de Sidi-Boucif ou celle du Puits, la place du Vilaje Carton, le boulevard, le cimetière, l'école, l'église, la marine, l'infirmerie, la compagnie, le port... Quelle vie pleine ! Mineurs et pêcheurs, commerçants ou fonctionnaires, tout le monde se retrouvait le soir pour faire de la musique, du sport ou de la politique, pour monter et descendre le boulevard ou boire un coup chez Luiso, Marinette Pastor, Aneta, Bienvenue, Nizzoli ou Robert, pour manger un délicieux "gastofré" chez Chimili... On adorait le cinéma et Labouze et Ranéa ont donné bien des joies à nos Béni-Safiens. On aimait danser et tout était prétexte à bal, de la salle des fêtes à la plage du Puits chez Millon ou Mario.
J'ai gardé de ma vie l'impression d'une succession de fêtes ; j'ai la mémoire chargée de mille souvenirs de défilés, de comparsas, de réunions politiques, de concerts, de bals. de combats épiques ... Tous, ces événements vécus ensemble. Je me suis souvent interrogée sur la source d'un tel dynamos me.
Ce pourrait être d'abord une rencontre privilégiée d'hommes forts, d'intelligences lucides, d'esprits riches et aventureux, de gens venant de partout avec les spécialités de leur terroir. Tous ces hommes arrivaient jeunes ou mûrs, portant chacun son expérience, son ingéniosité, son coeur.Ils avaient eu le courage de quitter leur patrie, de s'embarquer vers des terres vierges à défricher, de mines inconnues à exploiter. Parmi eux des aventuriers certes, mais aussi des hommes de cran, audacieux, imaginatifs.
Ayant tout à créer, il n'est pas étonnant qu'aient pu surgir en même temps que des maisons ou des jardins, des poètes et des musiciens, des artistes en tout genre. Avec un pays neuf, pas de tricherie possible. C'est à la vérité qu'on se heurte chaque jour, à la souffrance. Celui qui voulait une maison, au début, devait se la faire...
L'homme vrai a besoin de beauté pour survivre, de beauté et d'amitié. Je pense que de là ont pu surgir et la fraternité et la richesse artistique. Il y avait chez nous de vrais trouvères, tel le Tio Pancho, qu'on appelait Trobadores, qui ont été capables de s'exprimer en musique et en vers. Mes grands-parents et mes parents m'en ont dit des centaines, tous en espagnol, chantant la vie quotidienne.
La création et l'art peuvent mal se passer de la souffrance. A Béni-Saf les hommes travaillaient dur : la mine, la pêche, la terre et la subsistance à assurer. Plus un peuple est pauvre et plus il a besoin de fêtes pour s'équilibrer.
A cause de tout cela, notre coin de terre retient, nous garde. Nous sommes rivés, attachés à tout jamais par la colle forte de la sueur, de la joie, de la peine, de l'amitié, du travail de tous ceux qui nous ont précédés. Le temps a tissé des liens d'éternité entre la terre et les hommes et nous resterons, quoi que nous fassions, plus BeniSafiens que Pieds-Noirs et plus Pieds-Noirs que Français. Oui ! Nous sommes les prisonniers du passé !"
Un magnifique album-souvenir est en vente à l'association présidée par Madame Marie Yvanès-Gonzalez toujours disponible et heureuse de vous parler de Béni-Saf.
Cette association admirable a comme objectif l'entretien du cimetière européen de Béni-Saf et malgré les aléas politiques du moment a réussi à maintenir en l'état ses sépultures.
Pour tous renseignements
Madame Marie Yvanès-Gonzalez
BP 12
28702 Auneau
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Posté Le : 07/03/2007
Posté par : hichem
Ecrit par : pnha, n°84, nov 1997
Source : alger-roi.fr