La population de Béni Saf garde toujours en mémoire l'image effroyable de mutilation du corps du chahid Benslimane Mohamed dit "Khider", tombé au champ d'honneur le 12 février 1958.
55 ans après, les habitants de la ville de Béni Saf continuent de rappeler, aux générations montantes, les affres du colonialisme à travers l'épopée héroïque de ce chahid symbole, présenté comme un exemple de courage et de sacrifice.
Pendant qu'il accomplissait une mission de solidarité au profit de veuves de chouhada, Si Khider appelé également "Kebdani" est entré dans un accrochage avec l'armée coloniale qui effectuait un ratissage le 12 février 1958 à Sidi Mehdi, un lieu mémorable situé aux abords de la Tafna à une dizaine de kilomètres de Béni Saf.
En représailles, les mains du chahid furent clouées sur un half-track et son corps trainé à travers toutes les rues de la ville afin de terroriser la population locale musulmane.
Une lettre trouvée en sa possession dévoila l'important rôle qu'assumait le chahid Benslimane qui servait d'agent de liaison avec un certain docteur Jean Shatz, médecin suisse-allemand proche du Front de Libération Nationale(FLN) qui fournissait des ordonnances, de l'argent et des médicaments, évoque son fils Abdelhamid Benslimane exhibant un rapport dupliqué des services spéciaux de l'époque.
"La haine déchainée qui s'en est suivie a poussé l'administration coloniale à intenter un procès contre le médecin Shatz qui fut emprisonné durant six mois à Tlemcen avant d'être expulsé en France. Dr jean Shatz n'était autre que le frère du Dr Raoul Shatz, médecin personnel du Général Massu", a-t-il souligné.
"L'image du corps du chahid Benslimane exposé sur la place publique durant trois jours est restée gravée dans mon esprit", déclare Boudali Benaada, un ancien fidaï ajoutant "c'est une journée mémorable, où nous avions senti de la répugnance de la barbarie coloniale et en même temps la fierté pour un grand héros qui s'est sacrifié pour l'indépendance du pays".
"La scène était obscène, barbare. Un certain Bensoussan a même craché sur le cadavre", se souviennent des Béni-safiens rappelant que ce geste inhumain a soulevé même l'indignation d'un curé.
"Le corps du chahid fut emmené ensuite à Djebel Skouna sur les hauteurs de la ville de Béni-Saf dans un lieu parsemé de bombes pour en faire d'autres victimes", ont-ils encore évoqué ajoutant "cet acte barbare n'a fait que renforcer le patriotisme et le sens du devoir national chez la population terrorisée".
"Les moudjahidine qui se sont déplacés plus tard sur les lieux ont su éviter le piège sans le moindre dégât et à déterrer le corps pour l'inhumer dans un endroit sûr", ont-ils encore souligné.
Sa femme, une moudjahida de la première heure et mère de sept enfants confie avoir subi les pires humiliations et la torture. "Le jour de la mort du chahid, j'étais à l'hôpital d'Ain Temouchent où j'ai accouché trois jours après. Ce n'est que plus tard que j'ai appris la nouvelle".
"Je savais qu'il était activement recherché et par prudence j'avalais les documents secrets, à chaque fois que je sentais le danger", a-t-elle ajouté.
Le chahid Benslimane Mohamed est né le 1923 à Béni-Saf. Mineur de son état, il était chef de la région de Béni Saf au sein de l'ALN en 1956.
Il avait organisé plusieurs opérations dont celle de "la poudrière" où il était un des principaux instigateurs. Lors de cette opération, il s'est embusqué avec ses compagnons d'armes au quartier "Boukourdan" où il livra une mémorable bataille à l'ennemi et réussit avec art à charger une voiture "Simca 1100" de munitions.
Un autre fait marquant dans la vie du chahid, qui activait au sein de l'association des ulémas musulmans algériens, est le passage à Béni Saf du cheikh Réda, frère du cheikh Abdelhamid Ibn Badis qui s'était refugié dans la wilaya de Tlemcen.
"Cheikh Réda avait alors proposé à mon père de rejoindre le Maroc, mais il a refusé lui signifiant que son combat est à l'intérieur du pays", a souligné la fille du chahid Benslimane.
Après l'indépendance, la dépouille du chahid "Khider" fut exhumé et enterré au carré des martyrs à El Hennaya, un village situé à une dizaine de kilomètres de Tlemcen.
Ce héros de la guerre de libération nationale assurait la collecte, la logistique et autres opérations de liaisons, selon ses compagnons d'armes Ahmed Hadbi, ancien collecteur de fonds, Benyoucef Mohamed, ancien responsable local, de Chehbouni Safi Ould Kada, chef de nahia, Naoum Ould Hadjadj et Daïri Ahmed Ould Miloud, un ancien commissaire politique, qui témoignèrent de son courage et de ses actes de bravoures dans un document.
Pour la mémoire, Dr Jean Shatz était l'ami de André Mandouz, tous deux ont été reçus par le président Feu Ahmed Ben Bella en 1963, a souligné Abdelhamid Benslimane citant les propos de l'Abbé Alfred Bérenger, représentant du FLN, qui témoigne de l'engagement du Dr Jean Shatz pour la cause algérienne, à titre posthume.
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Posté Le : 19/02/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Le Temps d'Algérie
Source : www.letempsdz.com