Algérie - Revue de Presse

Béni Oulmane : Même dans les décombres du séisme, on supporte les Verts



Béni Oulmane :  Même dans les décombres du séisme, on supporte les Verts
Comme tous les Algériens, les sinistrés de Beni Oulmane regardent le Mondial. A la différence que, leur maison touchée par le séisme du 19 mai dernier, ils se retrouvent sous des tentes. El Watan Week-end a suivi le match des Verts contre les Américains dans une ambiance surchauffée. Devant chaque une maison, une tente rouge et jaune. De loin, le village de Beni Oulmane ressemble à une ville aux mille chapeaux rouges. Cette localité, située à 60 km au nord de la wilaya de M'sila, a été frappée, le 19 mai dernier, par un violent séisme d'une magnitude de 5,4 sur l'échelle de Richter. Bilan : 3 morts et une centaine de blessés. Si l'actualité des Verts a éclipsé la polémique de la prise en charge des sinistrés, ces derniers ont, eux aussi, essayé d'oublier le marasme, dans lequel ils tentent de survivre, grâce à l'équipe nationale. Dans ce no man's land, on suit, en effet, avec une détermination inouïe le Mondial, malgré le choc du tremblement et les répliques parfois violentes. En ce mercredi 23 juin, alors que les Fennecs affrontent les Américains, Benabdallah, la quarantaine, père de 5 enfants, nous invite à suivre la rencontre à côté de chez lui.Dans' une tente dressée devant sa maison endommagée par le séisme. Des tapis (synthétique) et des matelas posés à même le sol plantent le décor. Au fond, une télé sur une petite table. La parabole ' Installée juste devant la tente. Le son à fond attire les voisins qui commencent à affluer vers la tente de Benabdallah. Les enfants, maquillés en vert et blanc, chantent et dansent sur les tubes à la gloire des Fennecs diffusés en boucle sur l'ENTV. Au coup d'envoi, la tente est bondée de monde. La température extérieure affiche 34°C, mais à l'intérieur de la tente, il fait plus de 40°C ! L'air est irrespirable. Le match commence, les commentaires fusent de partout, on discute les choix de Saâdane.« Pourquoi n'a-t-il pas reconduit Boudebouz ' », s'interroge un invité. Deux minutes après le début de la rencontre, une tentative de Matmour fait vibrer la tente. « Oh, quel dommage ! Il aurait pu marquer s'il s'était bien concentré », s'offusque Mouloud d'un ton expert. Et voilà que Djebbour rate une autre occasion de but. « Encore une ! Djebbour manque de précision », remarque un autre supporter. A 22 minutes, le silence s'installe avec cette tentative des Américains. « Dieu merci, M'bolhi est là ! », s'exalte un autre. Les Verts sont en difficulté, les voisins de Benabdallah souffrent du manque d'air, mais ils n'ont pas la force de sortir. Les Anglais ont marqué contre les Slovènes, les chances des Algériens sont plus que jamais réduites. « Ils doivent absolument gagner », précise Benabdallah. Les tentatives s'enchaînent de part et d'autre sans aboutir. Sous la tente, les spectateurs stressent, la chaleur accentue la fatigue. Mais pendant la mi-temps, les habitants reviennent à leur discussion du moment : le séisme et les répliques. « Avez-vous senti la secousse d'hier soir ' », interroge Boualem ses voisins. Sa magnitude est de 3,8, selon le Craag.Les habitants de Beni Oulman passent la journée dans leur maison et se réfugient le soir sous les tentes, de peur de ressentir la même panique que le jour du séisme. Autre sujet de discussion : la gestion de la crise. Les pouvoirs publics ont répondu rapidement en acheminant le nécessaire aux sinistrés. Les élus locaux, aux côtés des agents d'administration au niveau de la wilaya de M'sila, dont ils dépendent, sont montrés du doigt. « Au lendemain du départ des ministres qui se sont succédé sur les lieux, les tentes nous ont été vendues entre 3000 et 4000 DA », confie un sinistré.Problèmes sur fond de VuvuzelaSelon d'autres citoyens, le maire de Beni Oulmane est en convalescence, brûlé par un citoyen qui s'est « immolé afin de protester contre la distribution des tentes destinées aux seuls sinistrés ». Au siège de l'APC , des centaines de citoyens font la chaîne pour réclamer « leur dû ». « L'Etat nous a promis de l'aide, mais les élus avec leurs homologues de la wilaya et de la daïra de Sidi Aïssa, gèrent cette aide étatique selon leur humeur », accuse un citoyen devant la porte du maire de Beni Oulmane. « Pis encore : des gens qui n'ont rien à voir avec notre commune ont bénéficié de l'aide de 1 million de dinars, alors que, nous, avons été écartés. En plus, certains de ceux qui figurent sur la liste habitent Alger », s'insurge un autre sinistré, la cinquantaine père de 6 enfants. Sa maison a été sérieusement endommagée, mais « les experts du contrôle technique de construction l'ont classée niveau 3, sans vraiment constater les dégâts. A l'arrivée, je n'ai droit qu'à 600 000 DA environ, alors que j'ai besoin de plus de 1 million de dinars pour restaurer ma maison », révèle-t-il.Les accusations ne s'arrêtent pas là. Les habitants vont jusqu'à affirmer que les élus et les agents de l'administration « sont corrompus ». « Ils ont fait bénéficier des personnes étrangères et des habitants qui n'ont jamais été touchés par le séisme. » Il s'agit, selon certains, de « règlements de compte sur fond de bataille politico-idéologique ». « Tous ceux qui se sont opposés aux élus actuels se sont vu refuser le droit à l'aide étatique », témoigne un citoyen proche d'un parti politique sans siège dans cette APC. A la mairie, justement, l'adjoint Khouider Djadja se veut rassurant. « Nous avons recensé 1237 dossiers que nous traitons par quotas. Nous en avons déjà étudiés 68, puis 38, puis 64, énumère-t-il. Nous avons entamé la réfection des logements atteints et les citoyens doivent attendre leur tour. Les autorités ont délocalisé quelques services de la wilaya, à l'image de la direction du logement, pour que les citoyens n'aient pas à se déplacer. »Un match à l'horizonRetour à la tente, la deuxième mi-temps commence. De nombreuses cigarettes sont grillées. Devant l'écran, on est tous angoissés devant ce début rapide. Les Américains multiplient les tirs. M'bolhi, le gardien de la sélection nationale, suscite l'admiration du public présent sous la tente. On n'hésite pas à l'applaudir à chaque action. « Il est notre sauveur », atteste-t-on. Ghezzal fait son entrée, la kheima vibre. « Pourquoi Saâdane ne fait pas rentrer Boudebouz ' On va perdre, c'est sûr », lance Mouloud. Les Américains enchaînent les tentatives devant une défense algérienne fragile, comme la terre dans cette région de l'Algérie. On réclame sans relâche Boudebouz, mais Saâdane en a décidé autrement. C'est Saïfi qui rentre en fin de compte.« On va perdre, c'est sûr, ce sont des choix qui n'obéissent à aucune stratégie, c'est trop sentimental ça », lance Mourad avant de quitter la tente surchauffée. Les spectateurs fatigués à cause de la chaleur s'allongent, ils n'ont plus le souffle ni l'énergie pour supporter l'équipe. D'autres refusent de continuer à regarder le match. « Si ça continue comme ça, mon c'ur va s'arrêter », prévient Mouloud, le visage pâle. Les dernières minutes ont été dures pour les Verts comme pour les sinistrés de Beni Oulmane A l'ultime minute, les Américains marquent le but qui les qualifie pour le deuxième tour de la Coupe du monde. Les habitants de Beni Oulmane s'effondrent comme leurs maisons le jour du tremblement de mai, deviennent du coup sans voix. Le sifflet final marque la fin de la rencontre, les Verts rentrent chez eux, les citoyens vont enfin pouvoir penser à regagner leur maison. Un double choc.


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