Algérie

Bénéficiant d'un non-lieu dans une affaire de malversation: Sept employés d'Algérie Télécom attendent toujours leur réintégration


Suspendus de leurs fonctions à titre de mesure conservatoire après des poursuites en pénal engagées à leur encontre par Algérie Télécom, unité opérationnelle d'Oran, sept employés de cette entreprise publique n'ont pas été réintégrés, à ce jour, malgré un non-lieu total rendu par la justice en leur faveur. Ils font partie d'un contingent de 101 accusés dans l'affaire à multiples rebondissements des malversations commises à l'Actel Abane Ramdane, dont les faits remontent à 2005, mais qui est pourtant loin de connaître son épilogue. Si, pour la majorité écrasante des mis en cause, l'action judiciaire s'est achevée - du moins jusque-là - par une relaxe pure et simple confirmée par la cour, pour ces sept employés, quant à eux, elle s'est carrément stoppée dans le bureau du juge d'instruction. Ils n'ont même pas été renvoyés devant le tribunal. Et s'ils ont été cités à la barre par la suite, c'était pour témoigner. Uniquement. Bref, pour leur cas, le dossier a été classé en cours de procédure. Munis des documents judiciaires attestant leur écartement irrévocable de l'affaire après extinction de l'action publique, ils espéraient donc leur réinsertion au travail, d'abord comme suite logique à la disparition du motif à l'origine de leur suspension et ensuite comme mesure de réhabilitation. Toutes leurs démarches administratives dans ce sens ont échoué devant le refus constant de la direction opérationnelle des télécommunications (DOT) d'Oran - sur avis de son juriste - de les réintégrer.De tous les cas des agents poursuivis et suspendus à tort, celui de A. Aziza, 55 ans, est le plus singulier. Cet agent de saisie ne figurait pas sur la liste nominative des 101 suspects à la première plainte déposée, fin 2009, par la DOT d'Oran auprès de la BEF du commissariat central, et ce pour, en substance, malversations dans la comptabilité et détournement de fonds de la recette de recouvrement des factures téléphoniques. Elle n'a pas été convoquée par la police, ni par le juge d'instruction de la 9e chambre près le tribunal d'Oran chargé de l'affaire, ne serait-ce qu'à titre de simple témoignage. Après la relance de l'affaire, en décembre 2010, suite à une seconde plainte, avec constitution de partie civile auprès de la 6e chambre d'instruction cette fois-ci, à la faveur d'un arrêt de la chambre d'accusation invalidant le non-lieu décerné par le (précédent) magistrat instructeur pour les mis en cause, en bloc, le nom de cette employée ne figurait pas non plus. Mais pour mettre en branle à nouveau la mécanique judiciaire, il fallait des arguments légaux pour justifier le retour à la charge, et donc la réouverture du dossier.
Ainsi, pour assurer la recevabilité de son action complémentaire à la principale, la DOT d'Oran d'Algérie Télécom s'est appuyée sur un supplément d'enquête de l'inspection générale de AT, ficelé le 17 juin 2010, visant la comptabilité du mois de février 2005. Là encore, le mode d'emploi des malversations relevé par les inspecteurs consiste en la falsification des pièces comptables dites dans le jargon «bandes de frappe» ou «37 A», et ce en sur-déclarant les montants perçus à la recette principale (RP), sise la Grande Poste, relatifs aux factures téléphoniques des abonnés simples et professionnels, notamment les KMS, avec la complicité de certains clients. Alors que ces fameuses «37 A» étaient censées être strictement identiques aux quittances de paiement correspondantes au niveau de l'agence commerciale Abane Ramdane - qui fait également office de centrale de comptabilité de AT Oran -, les inspecteurs ont mis à nu des différences d'un total de l'ordre de 5,6 millions rien que pour le mois de février 2005. Sept agents de saisie ont été alors mis en cause par Algérie Télécom. Ce n'est que dans le bureau du juge d'instruction que A. Aziza a appris qu'elle en faisait partie. Le 29 décembre 2010, elle reçoit par fax la décision de sa suspension par la DOT d'Oran, au motif de «détournement et malversation de documents». Elle est donc la dernière à rejoindre le cercle des éléments suspendus, soit trois ans plus tard par rapport aux premiers.
N'ayant rien trouvé contre eux, le juge d'instruction accorde un non-lieu total pour les sept employés en question, abandonnant toute poursuite contre eux. La DOT en fait un énième appel. Le 15 janvier 2012, la chambre d'accusation tranche : non-lieu total confirmé pour tous. Dans les motivations de sa décision, on lit : «La justice a déjà tranché sur les faits de la présente action en vertu du jugement daté du 31 mai 2011 sous le n°12283-11 et les responsabilités pénales des détournements de fonds ont été déterminées sur la base d'une expertise comptable ayant balayé tout l'exercice 2005, fait affirmé d'ailleurs par la partie civile dans son mémoire-requête daté du 5 janvier 2010. Les faits de la présente action ayant fait l'objet de deux plaintes, la principale sous le n°3309-06 et une complémentaire sous le n°068092-10, qui ont été fusionnées, comme l'atteste l'acte joint au dossier donné par le greffier en chef de la cour d'Oran daté du 14 juillet 2011. Le juge d'instruction ayant eu raison d'ordonner un non-lieu pour les sept individus en question.»
De plus, les sept employés concernés ont pu obtenir un acte attestant que cet arrêt de la chambre d'accusation n'a pas fait l'objet de pourvoi en cassation par le parquet général, ce qui lui confère un effet exécutoire immédiat, indépendamment du fait que la partie civile, Algérie Télécom, l'ait ou pas cassé devant la Cour suprême. Mieux, dans le cas propre à A. Aziza, un jugement a été rendu par la chambre sociale, compétente des contentieux de travail, en date du 11 décembre 2011, sous le n°11-10513, réhabilitant celle-ci dans ses droits socioprofessionnels, en annulant la décision de la suspension de sa relation de travail prise par son employeur en date du 29 décembre 2010 sous le n°26-2010, et en ordonnant ce dernier à la réintégrer dans son poste de travail.
Pour sa part, la direction d'Algérie Télécom d'Oran indique, par la voix de sa chargée de communication, que «la question de réintégration de ces sept employés a fait déjà l'objet d'une demande de révision de leur situation adressée par nos soins à la DG d'Algérie Télécom à Alger, seule instance habilitée à statuer en pareils cas. Au cas où nous aurons un avis favorable de la DG, les concernés passeront par un conseil disciplinaire, qui décidera en dernier lieu, et ce conformément aux statuts d'Algérie Télécom et à son règlement intérieur». Sur ce point, les sept déclarent que «la procédure de réintégration se fait localement, sans devoir passer par la direction centrale». Ils en veulent pour preuve que trois autres employés suspendus, dont deux pour des raisons similaires à leur propre cas, ont été réincorporés sur simple décision de l'administration territoriale locale. Confirmant la réintégration de trois employés, dont deux qui étaient impliqués dans la même affaire avant d'être mis hors de cause par la justice, la chargée de communication de AT d'Oran tient à préciser que «ces derniers avaient fait, eux aussi, l'objet d'une demande de réexamen de la situation adressée à Alger suivie d'un conseil disciplinaire local. La seule différence, c'est que ces derniers n'ont pas fait l'objet de pourvoi en cassation par notre direction, contrairement aux sept autres.»
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