Abdelhak Benchikha est un homme de caractère. Un atout pour rétablir la
discipline, à condition de ne pas basculer vers l'arrogance et la mégalomanie.
Autant Rabah Saâdane était un homme réservé, à la limite de la timidité,
autant son successeur Abdelhak Benchikha est rempli de certitudes, à la limite
de l'arrogance. Comme si le président de la Fédération Algérienne de Football,
Mohamed Raouraoua, avait voulu passer d'un extrême à l'autre en désignant le
nouvel entraîneur de l'équipe nationale, compensant l'excès de modestie de
Saâdane par une assurance qui frise la suffisance chez Benchikha. Cette
différence de tempérament chez les deux hommes n'a pas de signification
particulière sur les compétences techniques des deux hommes, mais elle influe
sur un aspect fondamental de leur tâche : leur manière de gérer le groupe. En
fait, sur le plan technique, Saâdane et Benchikha sont assez proches l'un de
l'autre, avec une filiation assez marquée à l'ISTS, où l'un a été professeur,
le second étudiant. Dans le jeu, ils prônent aussi des conceptions très
proches, basées sur une solidité défensive, une organisation sans faille et peu
de marge laissée à la fantaisie. C'est dans les rapports aux joueurs et à
l'environnement de l'équipe nationale que la différence entre les deux hommes
est importante. Saâdane était conciliant, voire laxiste. Il lui arrivait de
fermer les yeux sur des évènements que d'autres entraîneurs auraient considérés
comme très graves, notamment dans le domaine de la discipline. Parfois accusé
de laxiste, il lui arrivait de perdre le contrôle de l'équipe à des moments
cruciaux. Cette mésaventure lui était arrivée au moins à trois reprises. En
1986, les ingérences externes avaient déstabilisé une formidable équipe montée
par Saâdane. En 2004, il avait accepté de composer avec les dirigeants de FAF,
ce qui avait eu pour effet la destruction de son plan de travail et son départ
de l'équipe nationale. Enfin, après Oum Dourmane, il avait peu à peu cédé aux
influences externes, pour perdre complètement la gestion de l'équipe au profit
de M. Raouraoua. Benchikha se présente, quant à lui, sous un visage radicalement
opposé. «Je ne laisserai personne me dicter mes choix», a-t-il dit d'emblée,
comme s'il voulait faire allusion à d'autres - suivez mon regard - qui se
faisaient dicter leurs choix. L'homme donne la nette impression de vouloir
tracer son territoire. Pourra-t-il le faire ? Difficile à dire quand on connaît
la formidable capacité de manÅ“uvre des dirigeants du football algérien. Mais
toujours est-il que Benchikha fait preuve d'une très grande assurance. Il se
montre autoritaire, à l'excès, ce qui lui a valu le sobriquet de «général». Il
veut tout contrôler, mais il semble ignorer que c'est la meilleure manière de
ne rien contrôler. Ainsi, a-t-il gardé l'équipe A' tout en entraînant l'équipe
nationale. C'est une première, mais l'homme ne veut rien lâcher, alors que le
simple bon sens lui dictait de faire un autre choix. «C'est un homme
prétentieux, imbu de sa personne», dit de lui un dirigeant qui reconnaît ne pas
le porter dans son cÅ“ur. «Sa compétence technique n'est pas en cause, mais son
comportement pose problème. Un peu de modestie lui ferait beaucoup de bien»,
dit-il avec un sourire, tout en reconnaissant pourtant qu'une «dose de
mégalomanie n'est pas inutile pour occuper un tel poste».Ce trait de caractère
semble se confirmer à travers les déclarations de Benchikha. Dans sa conférence
de presse, la semaine dernière, il a montré qu'il aimait bien parler de
lui-même, à la troisième personne. Et ce n'est pas pour insister sur ses points
faibles. «Les larmes de Benchikha sont précieuses», a-t-il dit, ajoutant que
lui veut tout gagner. Il veut inculquer aux joueurs la «rage de vaincre». Bien
sûr, Benchikha aime les défis, et, vis-à-vis des joueurs, il veut jouer un rôle
de provocateur, pour les pousser à la révolte et à se surpasser. Une telle
démarche peut donner des résultats. Mais une fois étalée dans les journaux,
elle perd de son effet. Et à force de trop parler, l'entraîneur des équipes
nationales risque de rapidement lasser. Et comme beaucoup de gens trop sûrs
d'eux, Benchikha est convaincu qu'il a raison, et qu'il a juste besoin de
transmettre son projet aux autres pour qu'ils y adhèrent. A ce rythme, il
oubliera rapidement que pour un entraîneur, seul le résultat sur le terrain
compte. De plus, en Algérie, même cela risque de ne pas suffire. Car le public
sportif est versatile et sans mémoire. L'exemple de Saâdane est là : l'homme
qui a donné le plus grand élan de bonheur aux Algériens depuis des dizaines
d'années a été remercié comme un malpropre moins d'une année après son exploit.
Et quels que soient ses résultats, Benchikha sera contraint, au moment du
bilan, de supporter la comparaison avec Saâdane. Benchikha a parfaitement le
droit de rêver d'être le héros d'un nouveau Oum Dourmane ou d'un autre
Algérie-Allemagne. Mais ces opportunités s'offrent une fois tous les vingt-cinq
ans. Le reste du temps, un entraîneur national doit surtout gérer les pénibles
déplacements au fin fond de l'Afrique et les frasques de dirigeants de la FAF
et des clubs algériens. A trop l'oublier, le «général» Benchikha risque de redevenir
simple adjudant.
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Posté Le : 15/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com