Le cheikh Ahmed Ben Triki surnommé Ben Zengli (fils du riche) est d’origine tlemcénienne et a grandi à Tlemcen. La maison où il demeurait se trouve dans le “derb al-Melyânî ” (la ruelle de Meliani), ruelle située dans le quartier de Bâb el-Djiyâd (Porte des coursiers). Le poète lui-même l’indique dans une de ses poésies.
Il descend d’une lignée turque, plus exactement d’un père turc et d’une mère arabe. Il appartient donc au groupe des qarâghila (les Koulouglis) qui étaient nombreux à Tlemcen, en raison de la proximité de cette ville des frontières marocaines .
Il apparaît, si l’on s’en tient aux poèmes que le poète a datés, que Ben Trîkî est né à Tlemcen vers 1070 de l’Hégire, et qu’il est mort approximativement vers l’année 1170 de l’Hégire. Il aurait donc vécu environ un siècle complet, si l’on se base sur les dates hégiriennes, et 97 ans si l’on se réfère aux dates chrétiennes. Ceci découle clairement des poèmes qui portent à la fin l’indication du nom du poète et la date de composition.
Il semble bien que Ben Trikî ait gardé sa pleine lucidité jusqu’au dernier souffle de la vie, car le dernier poème qu’il ait composé, date de 1168 de l’H. , autrement dit remonte à une année ou deux avant sa mort.
Au dire de certaines personnes âgées tlemcéniennes, le premier poème composé est celui qui commence par ce vers :
« Fîq yâ nâyem ouastayqadh’ mnalmnâm
« Ouastghâ leklamî yâ khâye ouaffahmoû ( Réveille-toi, endormi ! Sors du sommeil ! Écoute mes paroles, Frère, et comprends-les !)
Autour de la raison qui a motivé la composition de ce poème, s’est répandue une légende. La voici : « Ben Trîki aurait eu un frère âgé “mgeddem” (préposé), c’est à dire conservateur d’un des tombeaux de saints de Tlemcen. Le poète qui était encore à l’âge de la puberté, se rendait régulièrement chaque jour au tombeau pour porter à son frère, qui ne pouvait aller chez lui, les repas.
Un jour, toujours selon la légende, -et vraisemblablement ce jour était celui réservé dans la semaine aux visites pieuses des femmes-, Ben Trikî se présenta devant son frère, selon son habitude, portant le repas. Il trouva le “mqaddem” endormi et vit le mausolée gorgé de femmes. Le poète fut séduit par leur beauté et, sur le champ, composa le poème -dont nous avons donné plus haut le prélude »
Ben Trîki, dit-on, fut surnommé Ben Zengli, parce qu’on attribuait à son père la rudesse, la dureté et la violence, et que le fils aurait hérité ces qualités de son père ; en conséquence il aurait reçu ce surnom qui signifie “fils du rude”. Mais à ce sujet, il y aurait une autre explication que l’on trouve dans le livre “Mots turcs et persans conservés dans le parler algérien” Alger 1922 , dont l’auteur est le professeur Mohammed BEN CHENEB. Le mot “zanguil” porte dans ce livre l’acception de “riche”. Ben Zengli pourrait alors avoir pour sens “fils du riche”. Il semble que ce sens soit plus plausible. Ben Msâyeb était contemporain de Ben Triki et il ne l’aimait guère en raison de son origine turque. Aussi disait-il de notre poète : « Un excellent génie le possède, mais ce génie a mal choisi son logis » (Entendez par là que Ben Trikî a un excellent don poétique, mais ce don loge dans la peau d’un Turc). Par ailleurs, parlant de la poésie de Ben Trikî, il dit : « le miel de Ben Trikî est extrêmement doux, malheureusement il est conservé dans une outre goudronnée » .
A la suite d’une émeute qui éclata à TLEMCEN, et qui, dit-on, a été causée par lui, Ben Trikî fut banni. Il émigra dans la ville d’Oujda où il s’établit et resta jusqu’à sa mort qui, selon certains, survint dans cette ville, et, selon d’autres, aux environs d’Oujda, dans la région des Bnî Znâten,
Les Tlemcéniens, dit-on, transportèrent son corps - sa tête seulement selon des dires - dans sa ville natale et l’enterrèrent au cimetière de Sidî Boû Djamâa qui se trouvait en dehors de Bâb Kachchoût’ (la porte de Kachchoût à l’ouest de TLEMCEN). De même on dit que l’on a découvert par hasard une stèle portant son nom gravé ; cette stèle fait partie du nombre de pierres tombales déposées dans la cour de la mosquée de Sîdî Abou Lh’asan, le musée de nos jours .
Naturellement son long séjour à Oujda, sa séparation d’avec sa famille et ses amis ont ravivé dans le cœur du poète le feu de la nostalgie et ont poussé Ben Trîkî’ à composer les poèmes où il exprime ses souffrances et ses espoirs .
B- Recension des poésies et thèmes traités
Ben Trîkî a composé ses poèmes en indiquant, pour son nom et la date de leur élaboration. Les poèmes, qui sont entre nos mains, sont au nombre de vingt et-un.
Un de ces poèmes est du genre descriptif (ouaçf) c’est le poème célèbre, connu sous l’appellation de “rabî’iyya” (poème printanier). Il se trouve dans “L’anthologie d’auteurs arabes. Les printanières ou romantisme arabe. Kitâb nafh al-azhâr oua ouaçf al-anouâr oua açouât al-at’yâr oua nighâm al-aoutâr” , TLEMCEN, 1934, du cheikh Bekhoucha et du cheikh as-Seqqâl. De même il a été reproduit dans la revue Amâl (n° 4, Novembre-Décembre 1969, Alger) avec une traduction française, oeuvre du professeur `Abdelhamîd Hamîdoû .
Dans le genre érotique, nous disposons de seize poèmes ; ils se trouvent dans les ouvrages suivants
1- “Kitâb al-djaouâhir al-hisân fi nadhm oualiyâ Tilimsân” Alger, 1394 de l’hégire = 1974 de J.C. , édité par le professeur ‘Abdelhamîd Hadjiyât
2- “Kitâb al-habb oual-malibab”, Tlemcen, 1939 de J.C. , de Mohammed BEKHOUCHA .
3- Un manuscrit appartenant à Monsieur Belkacem GHOUL, demeurant à Oran .
Certains de ces poèmes se trouvent dans un seul des livres cités ; d’autres se rencontrent dans deux ou trois de ouvrages indiqués. Par ailleurs le nombre des vers est complet dans certaines de nos sources et ne l’est pas dans d’autres. En outre il y a des variantes selon que le poème est dans l’un ou l’autre des trois livres. La dernière pièce ne se trouve pas dans les trois sources ; elle figure dans un enregistrement magnétique .
Les poèmes érotiques sont les suivants :
1-Fîq yâ nâyem ouastayqadh’ manalmnâm !
2-Lik nnachtkî bamrî yâ râfa’ as-smâ
3-Sahm fegaous achbîlyâni .
4-Anâ ballâh oua bach-chrâ yâ l ahbab maâkoum
5-Tâl adâbî oua tâl nakdî ouaç-cabr afnâni .
6-Nirân châala feknânî talhab lhîb .
7-Tâl nahbî oua dmou’i koul yoûm zarrâb .
8-Yâ l ahbeb mâlkoum alia ghadâb .
9-Al-îd al-kbir oual-fardja fi bâb al-djiyâd .
10-Anâ rabbi qdâ aliyyâ .
11-Yâ l-ouachchâm dkhîl ‘alîk .
12-Nechkor qeddek man âchouâqî oua nagoûl flâna,
13-Qalbî bel-habb çâr mefnt
14-Yâ ‘achiq a’dornî, qualbî enkouâ bedjmer
15-Yâ ochchâq az zîn, sa ‘adoû ! ouâk el-qalb hzin
16-Anâ l-madjrouh bel-mhebba, kifâch nouâsî .
Quant aux poèmes dithyrambiques en l’honneur du Prophète (madh), nous en avons quatre : deux du genre “haouzi” ( le premier se trouve dans le manuscrit cité plus haut ; le second est relevé dans le “Kitâb al-habb oual mahboub”) et deux du genre “zadjal” (ils sont donnés par le “Kitâb al-djaouâhir al-hisân”).
Ces quatre poèmes sont les suivants :
1- Yâ daou yânî, yâ l-gomrî zerg al-djenhân, djemmel ouasânî, sellem ala taha l-adnân
2- Cha’let nîrân akbâdî
3- Damî sakîb, ouan-nar fekbâdî
4- Nilta l-marâm, billâh hâdî l-qadar .
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Posté Le : 02/12/2010
Posté par : hawzi
Source : djameltari.unblog.fr