Il y a tout lieu
de rester prudent quant à l'issue trouvée après le départ précipité de Ben Ali
vers une destination quasi évidente, l'Arabie saoudite.
Pourtant, il y a
quelques jours et par la bouche de Michèle AlliotMarie, le gouvernement
français a proposé le savoir-faire à la police tunisienne pour «régler les
situations sécuritaires», ce qui a soulevé quelques indignations en France mais
aussi en Tunisie. La France démontre ainsi et après le refus catégorique de
recevoir le maître de Carthage diplômé de Saint Cyr et de la Senior
Intelligence School que l'amitié a des limites et que les intérêts français
passent avant tout. Mais, pour les Tunisiens de l'intérieur, là n'est pas la
question. Le problème c'est que le remplaçant de Ben Ali, qui est natif de la
même région que lui, est aussi l'un des patrons de son parti politique, le
Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD). La mise en Å“uvre de l'article
56 de la Constitution est dangereux pour la suite des évènements si l'on considère
que la rue a exprimé le vÅ“u de changer le régime et pas seulement un homme par
un autre, comme de coutume dans les pays arabes et africains. Il édicte qu' «en
cas d'empêchement provisoire, le Président de la République peut déléguer par
décret ses attributions au Premier ministre à l'exclusion du pouvoir de
dissolution de la Chambre des Députés». Monsieur Ghanouchi gère donc par
délégation et n'a même pas le droit de dissoudre la chambre des députés à
majorité RCD. Il reste ainsi constitutionnellement dépendant de Ben Ali. Une
confusion règne pour le moment alors que les collectifs d'avocats à la tête des
révoltes continuent son action pour passer à l'article 57 de la même
Constitution qui énonce le cas de la vacance du pouvoir. La Tunisie se trouve dans
une situation qui n'est ni un coup d'état militaire ni un changement
révolutionnaire par la rue. L'armée reste muette ou n'a probablement pas encore
trouvé le leader qu'il faut, celui qui fait consensus. Il s'agit de savoir
jusqu'à quand. Le peuple tunisien veut de la démocratie et il en a payé le prix
ces derniers jours, et lourdement. Notons que la société civile tunisienne
s'est développée et s'est organisée à l'ombre des projets de développement
introduits par des instances internationales durant de longues années. Est-ce
que les Tunisiens vont se suffire du départ du président et de son remplacement
par son collaborateur le plus proche mais aussi le plus fidèle ? Certainement
pas.
Les ondes de choc de l'aventure tunisienne se
feront certainement ressentir dans d'autres pays arabes où l'Europe et les USA
souhaitent voir s'instaurer de véritables démocraties. En témoignent les
félicitations adressées par Obama au peuple tunisien une fois assuré du
changement. En témoigne la déclaration à Doha de la Secrétaire d'État
américaine Hillary Clinton qui a appelé les dirigeants arabes à «promouvoir les
réformes» et déclaré que «les peuples de la région étaient lassés de la
corruption, au moment où la Tunisie et l'Algérie voisine sont secouées par des
troubles sociaux». Déclaration lourde de conséquences et qui en dit long sur
les intentions des puissances occidentales de mettre à exécution les stratégies
du projet d'un GMO, qu'on croyait tombé dans les oubliettes.
Si les Tunisiens ont remporté la bataille contre
une famille au pouvoir et brisé le mur du silence, il leur reste à présent à
remporter une bataille constitutionnelle contre le champ de mine qu'a laissé
Ben Ali après sa fuite. La rue reste le seul moyen et le plus efficace pour le
moment, car il faut retenir que même si les dictatures se sont trouvé des
formes de démocratie sur mesure qu'elles peuvent opposer aux rappels à l'ordre
des Européens et Américains durant ces vingt dernières années, elles restent
dans le fond des dictatures.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 16/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Saifi Benziane
Source : www.lequotidien-oran.com