Algérie

Belgique: Peur sur la ville


Face à la tragédie qui a frappé Liège, mardi dernier, les explications n'arrivent toujours pas. Mais peut-on expliquer un geste fou ? C'est l'impasse à laquelle mène le discours du « tout sécuritaire » qui domine dans l'Europe d'aujourd'hui.

Le terrible drame qui a frappé, mardi dernier, la ville de Liège a révélé un autre drame aussi terrifiant qui ronge l'Europe d'aujourd'hui : le désarroi d'une société nourrie au discours raciste et xénophobe. Le tueur fou qui, avant de se suicider, a assassiné froidement un bébé, deux adolescents et une septuagénaire et blessé plus de 120 autres, n'est pas un désespéré, un fou. C'est un Arabe. L'explication du crime abject par l'origine ethnique. C'est la triste réalité qui a dominé les forums sur la toile du Net et celle de la rue. Lorsqu'un jeune Flamand de 20 ans, Kim de Gelder, a abattu en 2009, deux enfants et une puéricultrice, dans une classe de maternelle, il fût qualifié de fou et interné. Lorsque Hans Van Themsche, un autre Flamand, a abattu, en 2006, en pleine rue, la petite «Nina» et sa nounou, une Malienne, il fût qualifié de fou et de désespéré. Lorsque mardi dernier, Nordine Amrani, un Marocain de 33 ans a semé la mort sur la place de Liège, il est identifié «arabe», «maghrébin», «fils d'immigré». Le crime et l'horreur sont consubstantiels à l'origine ethnique… à la race, disent les racistes. L'accusation était si ciblée que des Marocains se sont obligés à des excuses publiques sur le Net et dénoncé l'ingratitude des immigrés et Belges d'adoption, envers la Belgique.

Le drame de Liège a découvert l'immense solitude de pans entiers de la société belge : chaque soir, fixé face à l'écran de télévision, le Belge moyen subit le déluge des faits divers mis, par la forme et le fond, en lien avec une hypothétique menace sécuritaire, chez lui. Et puis des images de violence des révolutions arabes; ensuite les menaces de la crise financière et économique sur son avenir… «Le climat d'insécurité» a fini par s'installer dans le conscient des plus fragiles, des plus faibles socialement et des désespérés de la modernité.

Le «filon» de l'insécurité fait courir médias et politiques, dans une surenchère calculée qui a fini par un deal politico-social, aux visées mercantiles pour les premiers et de conquête de pouvoir pour les seconds. En Belgique, les plus hauts responsables du pays, du couple royal aux élus locaux et jusqu'aux membres du gouvernement qui se sont rendus, quelques heures après, sur les lieux du drame, avaient l'air désemparés et ne trouvaient pas les mots pour manifester leur douleur, leur soutien aux victimes et leurs familles et encore moins pour expliquer l'inexplicable. Précisément, peut-on expliquer la folie meurtrière, la démence, l'horreur d'un tel carnage ? Jusqu'à ce vendredi matin, les interventions dans les médias de témoins, criminologues, psychiatres, policiers et même philosophes n'ont pas répondu et encore moins expliquer l'horreur du geste du tueur de la place Saint Lambert.

Reste alors la rue et les forums sur le Net : des flots de haine et de mépris envers les autres, «ces étrangers que l'on accueille chez nous et qui sont à l'origine de ce sentiment d'insécurité, si utile aux médias et aux politiques. Tel est pris celui qui croit prendre : médias et politiques multiplient, depuis deux jours, les appels à la raison pour éradiquer la récupération du drame par les plus extrémistes. Malheureusement, le discours politique et médiatique dominant qui surfe sur les peurs et inquiétudes des citoyens, ne peut provoquer une autre réaction que celle de la méfiance, du repli sur soi et de l'intolérance.


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