Interdire le port du foulard islamique dans les services publics ne peut
se faire sans référence à la première loi du pays, la Constitution, qui elle
garantit les libertés, toutes les libertés. C'est toute l'impasse juridique et
politique dans laquelle est enfermée la société belge.
De nouveau, la question du port du voile (foulard) fait irruption dans le
débat politique national belge. Il aura suffi que la justice donne raison (à
porter le voile) à une enseignante de mathématiques de la ville de Lodelinsart,
dans la région de Mons, pour que tous les états-majors des partis politiques se
mobilisent pour en faire une affaire de survie de la démocratie et des libertés
publiques. Justement, et c'est sur cette garantie des libertés, toutes les
libertés, par la première loi du pays, soit la Constitution du royaume, que la
justice belge, ici la cour d'appel de Mons, s'est basée pour ne pas interdire à
l'enseignante en question de porter un foulard (et non un voile, car la
sémantique employée prête à confusion). Il y a bien le décret du 17 décembre
2003 de la communauté française qui laisse la liberté aux établissements
d'enseignement public d'autoriser ou non le port du foulard à ses élèves comme
aux enseignants. Seulement, son interprétation est très large et les partisans
comme les adversaires du foulard ont une infinité d'arguments qui leur donnent
raison. Autant dire que le décret en question prête plus à la polémique qu'au
consensus.
En plus, un décret quel qu'il
soit ne peut surseoir ou contredire la première loi du pays, soit la
Constitution, qui, elle, garantit les libertés, y compris celle d'affirmer
publiquement ses convictions relieuses, philosophiques ou politiques (art 19).
Mieux, la Constitution précise dans son article 11 que «la jouissance des
droits et libertés reconnues aux Belges doit être assurée sans discrimination.
A cette fin, la loi et le décret garantissent, notamment, les droits et
libertés des minorités idéologiques et philosophiques».
Nous voilà donc face à un
véritable dilemme juridique et politique. Comment interdire à une enseignante
d'afficher ses convictions religieuses ou autres sans être accusé de
discrimination, de stigmatisation ? Comment «pondre» un décret ou une loi qui
ne remet pas en cause les libertés garanties par les article 11, 19 et suivants
? C'est tout le problème. Et c'est sans doute pour cela que les associations
civiles, comme les militants des partis politiques, sont divisés sur la
problématique du voile islamique dans les lieux officiels publics. Parmi les
«contre», on retrouve le Centre d'action laïque, les Femmes prévoyantes
socialistes, le Centre communautaire juif, l'association Ni p… ni soumises,
l'association Insoumise et dévoilée, etc. Dans le camp des «pour», il y a le
Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, le Mrax, le
Collectif neutralité, etc.
Chez les partis politiques, ceux
de gauche avaient une position modérée jusqu'à ce dernier prononcé de la cour
d'appel de Mons. Depuis deux jours, l'ensemble des partis politiques de droite
et de gauche confondus estiment qu'il faut une loi indiquant clairement
l'interdiction du voile à l'école. Et nous voilà repartis pour un tour sur
l'adéquation du sens entre la Constitution et les lois et décrets qui en
découlent. Pourtant, la Communauté flamande, elle, n'a pas hésité à franchir le
mur de la légalité pour interdire clairement le port du voile ou tout autre
signe religieux dans les écoles dès 2003. Et personne n'a trouvé à redire ou à
contester. Aussi, les responsables politiques de la Communauté francophone
(Wallonie et Bruxelles) manquent-ils de courage pour franchir le pas et
interdire ouvertement le port du voile dans les écoles ? Et tant pis pour la
première loi du pays, la Constitution, qui sacralise la démocratie et les
libertés. Le seul risque est qu'un jour ou l'autre, d'autres lois viennent
remettre en cause d'autres libertés garanties par la Constitution. Ma «foi», la
démocratie occidentale n'est pas à son premier sacrilège. En Europe et surtout
ailleurs, en Palestine par exemple...
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Posté Le : 14/03/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com