Algérie

Béjaïa, Retrouvailles entre anciens compagnons d’armes au pied de l’Akfadou



Dans le cadre de la commémoration du 50e anniversaire du Congrès de la Soummam, quelque 300 moudjahidine, enfants de chouhada et citoyens de la région, se sont retrouvés à Adekar (Béjaïa) afin d’assister à la réinhumation des restes d’un valeureux combattant de l’ALN, tombé au champ d’honneur lors de l’Opération jumelles.

Il s’agit en fait de Azirou Mohand Ouidir, né le 3 octobre 1925 à Tizi El Korn, commune d’Adekar (Béjaïa) ; dès le premier trimestre 1955, il prit le maquis et fut parmi les premiers à être enrôlé au sein des moudjahidine. Quelques mois plus tard, il fut rejoint par Mohand Arezki et Mohand Améziane. Les trois frères ont donc rejoint le maquis et chacun d’eux a eu un rôle important dans le combat libérateur, au même titre que tous les autres combattants, mais Mohand Ouidir a eu un parcours tout à fait particulier, ce qui a fait dire de lui, qu’il était exceptionnel. Déjà, vers début 1956, il était aux côtés de Krim Belkacem et d’Amirouche : c’est dire qu’il était un combattant respecté, d’autant que par moments, il était leur garde du corps et leur agent de liaison ; en un mot, il était l’homme de confiance des grands responsables. Pour montrer son parcours, il faut remonter à ses débuts dans les maquis où il fut d’abord moussebel, puis responsable du village Tizi El Korn, avant son incorporation dans le groupe Salem Titouh dit Mlikchi. C’est là qu’il révéla ses qualités, notamment son courage extraordinaire, allant jusqu’au mépris de la mort. Flegmatique, doublé d’un esprit humoristique, il n’arrêtait pas d’étonner ses camarades, tel Zene Boualem qui deviendra son chef. Au moment de la formation de la compagnie de la Région 4, il fut parmi les premiers ; en réalité, il retrouva la plupart des anciens de son groupe. Cette compagnie fut le fleuron de l’ALN, avec des officiers, tels Aïssa Blindé, Madani Begtache, Smaïl Azzoug… et enfin Zene Boualem, leur dernier chef, jusqu’au cessez-le-feu. Des actions foudroyantes furent réalisées tout au long du cheminement de cette unité, considérée parmi les meilleures. Il y en eut plusieurs, comme l’embuscade d’Achelouf, d’Akfadou, du pont de Sefayah,… où plus d’une centaine d’armes ont été récupérées par les hommes de cette compagnie, qui furent considérés comme des lions ; Azirou Mohand Ouidir était l’un d’eux. A lui seul, et pendant son passage au sein de cette prestigieuse compagnie de la Région 4, de la Zone 2, il a récupéré 7 armes et avait armé presque un groupe de moudjahidin. Il en était fier, au point où il n’y a pas une embuscade où il ne rapporte pas une arme, une tenue ou un quelconque objet des soldats. Il méprisait la mort ! Lorsque l’Opération jumelle est arrivée, les choses ont changé ; la tactique, les effectifs et toute la stratégie de l’ALN devaient suivre. Devant cet enfer, quelle est la force qui était en mesure de résister ? Qui pouvait endiguer ce rouleau compresseur qui a déferlé sur la Kabylie ? Quelque soit le courage des combattants, ils ne pouvaient qu’enregistrer des pertes. Dans la nuit du 10 novembre 1959, Si Mohand Ouidir Azirou fit un rêve : « Amirouche est venu me dire qu’il avait besoin de moi… » Personne parmi ses compagnons n’avait fait un lien avec ce qui allait suivre. Le lendemain, dans l’Akfadou, une section de la compagnie se dirigeait vers un refuge situé au niveau de la borne 11. Comme tout le massif était investi par les soldats, les moudjahidine prenaient toutes leurs précautions pour parvenir à l’endroit qui était à proximité. Subitement, un compagnon lui montra du doigt le canon d’une mitrailleuse sur un rocher. Le refuge était déjà investi par les soldats ! Aussitôt, Mohand Ouidir Azirou faucha le servant de la 30 Robuste, avant même de lui laisser le temps de tirer un seul coup avec sa mitraillette Thompson américaine, il cribla de balles, le chargeur et le chef de pièce qui accoururent afin de secourir leur camarade. Alors, tout l’endroit s’embrasa. Quelqu’un cria à Mohand Ouidir de se méfier, car il était sur le point de mire d’un soldat. Avant même de réaliser ce qui allait lui arriver, il reçut une balle sur la tempe droite ; projeté à gauche, il reçut deux autres balles au niveau du cou. Azirou Mohand Ouidir, le brave, le courageux et l’intrépide venait de s’affaler. Avant de sombrer dans la mort, il eut encore la présence d’esprit de jeter sa mitraillette à son camarade. Les éléments de la compagnie de région se retirèrent sans avoir réussi à le soustraire aux soldats qui ont fini par encercler le refuge. Quelques jours plus tard, des habitants du village Oulmaâdi, près d’El Flaye, racontèrent que les soldats du poste avaient ramené avec eux, à bord d’un hélicoptère, un moudjahid tué dans l’Akfadou. Après que le corps fut exposé pour le traditionnel discours, l’officier ordonna à un groupe de soldats de lui rendre les honneurs ; c’est ainsi qu’ils lui présentèrent les armes dans la pure tradition militaire ! Après quelques mots reconnaissant sa valeur militaire, l’officier ordonna aux civils de procéder à son inhumation selon le culte musulman. Par son courage, Mohand Ouidir Azirou a forcé l’admiration de ses ennemis ! En ce mois d’août 2006, et 47 ans après sa mort, les restes de ce héros ont été exhumés pour les réinhumer au cimetière de chouhada de l’ex-Lambert sur la piste menant vers l’Akfadou et à l’orès de la forêt. Et ce fut un moment plein d’émotions, lorsque le cercueil, recouvert du drapeau vert et blanc, fut déposé pour son enfouissement. Un grand nombre d’anciens compagnons étaient présents, certains en larmes. Parmi eux, il y avait Zene Boualem, Brarti Arab, Mazouzi Tahar, Ahmed Chemam… Un détachement de l’ANP, digne héritière de l’ALN, lui rendait les honneurs, toujours dans la pure tradition militaire. Debout près du cercueil, son unique fille émue, mais stoïque, suivait l’oraison funèbre prononcée par deux responsables de l’ONM et les témoignages poignants de quelques compagnons d’armes du chahid. Mohand Ouidir Azirou a connu enfin de vraies funérailles en présence des siens, de ses anciens compagnons et de nombreux citoyens de la région ; ses restes reposent désormais, non loin du village Tizi El Korn qui l’a vu naître, et à l’orèe de cette forêt de l’Akfadou où il est tombé les armes à la main un certain jour de novembre 1959. Il a rejoint ses compagnons morts dans les combats, pour que l’Algérie retrouve son indépendance.




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