Certains déplorent les lenteurs administratives et le laxisme des pouvoirs publics, et d’autres pointent du doigt les oppositions citoyennes qui constituent un véritable casse-tête pour les promoteurs de projets.
La problématique de la gestion des déchets se pose avec acuité dans la wilaya de Béjaïa. Et pour cause, d’innombrables projets d’investissements, qui devaient remédier à une situation écologique des plus alarmantes, sont toujours en souffrance. Certains d’entre eux, notamment des Centres d’enfouissement techniques (CET), inscrits depuis une vingtaine d’années, n’ont pu voir le jour. Quelles sont réellement les raisons de tels blocages?
Le constat fait par certains élus locaux et des responsables du secteur de l’environnement a principalement fait ressortir deux facteurs majeurs qui empêchent la concrétisation des projets initiés aussi bien par des investisseurs privés que par l’État.
D’un côté, on déplore les lenteurs administratives et le laxisme des pouvoirs publics, de l’autre, on pointe du doigt les oppositions citoyennes qui constituent un véritable casse-tête pour les promoteurs de projets.
Le Centre d’enfouissement technique (CET) de Sidi Boudrahem, situé à la lisière des deux communes de Béjaïa et d’Oued Ghir, qui a coûté au budget de l’État la bagatelle de 100 milliards de centimes, reste un projet mort-né.
La mise en service de ce CET, sur décision de l’ex-wali, Ouled Salah Zitouni, avant même l’installation d’une station d’épuration, ne tardera pas à soulever l’ire des habitants des villages avoisinants qui se plaignent des rejets toxiques (lixiviats) qui proviennent de cette décharge et se déversent dans la nature.
Plusieurs actions de protestation ont été menées sur le terrain par ces villageois en colère qui exigeaient sa fermeture pure et simple. Profitant de la visite officielle effectuée le 27 juin 2018, à Béjaïa, par l’ancienne ministre de l'Environnement et des Énergies renouvelables Fatma-Zohra Zerouati, les citoyens protestataires ont réussi à “convaincre” cette dernière à satisfaire leur revendication.
En effet, la représentante du gouvernement d’alors a, aussitôt, ordonné la fermeture dudit CET. Comble des paradoxes, Mme Zerouati a également décidé le même jour la fermeture de la décharge publique de Boulimat, située sur la côte ouest de Béjaïa, sans proposer une solution alternative au problème des déchets ménagers. Sachant que la commune de Béjaïa génère, à elle seule, pas moins de 200 tonnes de déchets ménagers quotidiennement déversés présentement dans la décharge de Boulimat.
Deux années plus tard, le CET de Sidi Boudrahem, considéré naguère comme une véritable panacée à la problématique des déchets ménagers, sera jeté aux oubliettes. Et pourtant, l’APC de Béjaïa a procédé à l’acquisition d’une station de traitement des lixiviats pour une enveloppe budgétaire de 200 millions de dinars. Toutefois, son installation et sa mise en service sont renvoyées aux calendes grecques.
Pour le président de l’Assemblée populaire de la wilaya de Béjaïa, Mehenni Haddadou, la décision prise par Mme Zerouati ne relève pas de ses prérogatives, étant donné que ce CET a été créé par un arrêté du wali.
“C’est une décision arbitraire, irréfléchie et irresponsable de la part de l’ex-ministre Zerouati. C’était du populisme, ni plus ni moins”, assène-t-il. Notre interlocuteur regrette, en outre, que “depuis cette décision absurde”, rien n’a été fait pour “remédier à cette situation ou trouver une solution alternative”.
Au regard du nombre important de projets en souffrance qu’enregistre le secteur de l’environnement à Béjaïa, on se demande si vraiment les autorités locales et même centrales s’inquiètent ou non des risques de la pollution qui prend de plus en plus de proportions. Bien que les militants écologistes et les spécialistes en la matière ne cessent de tirer la sonnette d’alarme, les autorités publiques continuent à faire la sourde oreille.
La volonté de booster ce secteur mal en point semble faire défaut. C’est ce que confirme le P/APW de Béjaïa en déclarant qu’“il n’y a aucune volonté des pouvoirs publics de régler définitivement la problématique de l’environnement à Béjaïa.
Pour preuve, tous les porteurs de projets d’investissements dans ce domaine se sont heurtés à des blocages systématiques et injustifiés”. Selon lui, outre les projets inscrits par les pouvoirs publics, plusieurs initiatives émanant d’investisseurs privés, dont des étrangers, n’ont pu se concrétiser dans la wilaya de Béjaïa.
Il affirme, à ce titre, avoir reçu ces deux dernières années, pas moins d’une dizaine d’hommes d’affaires qui voulaient investir dans la gestion des déchets ménagers (collecte, traitement et recyclage). Certains d’entre eux, soutient-il, se sont engagés à régler définitivement cette problématique, dont les effets sur l’environnement et la santé publique ne peuvent être que nocifs.
Énumérant les principaux projets bloqués, il citera notamment celui de l’éradication de la décharge publique de Boulimat, inscrit au budget du ministère de l’Environnement. Il rappellera, au passage, que cette opération qui prévoit la réalisation d’une station de traitement des déchets a reçu une dotation budgétaire de 80 milliards de centimes.
“Voilà une autre promesse non tenue de l’ex-ministre Zerouati qui avait décidé de fermer cette décharge publique en vue de l’éradiquer et de permettre ainsi la réhabilitation de ce site touristique situé dans le périmètre du Parc national de Gouraya (PNG)”, s’est-il désolé.
Créée au milieu des années 1990, la décharge de Boulimat, qui s’étend sur une superficie de 20 hectares, est devenue une plaie béante qui défigure ce merveilleux site touristique donnant sur la berge de la station balnéaire de Boulimat.
Par ailleurs, on déplore également le blocage de nombreux CET qui se sont confrontés à des oppositions citoyennes, à l’instar de celui inscrit en 2001, dans la commune de Tinebdar. En effet, le projet de réalisation d’une décharge contrôlée (CET) intercommunale à Tinebdar, pour un montant initial de 25 milliards de centimes dans le cadre du Programme sectoriel de développement (PSD), demeure en stand-by.
Le blocage de cet investissement par des citoyens expropriés a fini par hypothéquer le projet d’éradication de la décharge sauvage de Sidi Aïch, implantée aux abords de la RN26. La fumée suffocante et les odeurs nauséabondes qui s’en dégagent de jour comme de nuit empestent les usagers de cet axe routier à grande circulation.
À Akbou, deuxième ville après le chef-lieu de la wilaya de Béjaïa, un autre CET qui devait être implanté dans la zone périphérique de Taharacht a connu le même sort. Bien qu’une enveloppe financière de 5 milliards de centimes, réévaluée à 15 milliards de centimes, ait été dégagée pour ce projet, la réalisation de ce dernier s’est heurtée aux oppositions formulées par les habitants des localités avoisinantes, notamment ceux du village de Biziou relevant de la commune d’Amalou.
Dans la ville côtière d’Aokas, c’est une entreprise privée “Delta Environnement”, dont le siège social est situé à Alger, qui voulait créer un centre de tri des déchets ménagers. Malheureusement, cet ambitieux projet qui aurait pu éradiquer la décharge publique implantée dans la Zone d’expansion touristique (ZET) d’Aokas a été également bloqué par une opposition formulée par la direction de l’énergie.
La raison invoquée : une partie du terrain devant accueillir ce centre de tri empiète sur la zone de servitude du gazoduc traversant cette station balnéaire, apprend-on auprès de la Direction de l’environnement de Béjaïa.
. Maison de l’environnement, une structure objet de toutes les convoitises
Inaugurée “symboliquement” par l’ex-ministre Zerouati, lors de sa visite officielle en juin 2018, la Maison de l’environnement de la wilaya de Béjaïa n’arrive toujours pas à ouvrir ses portes. Implanté dans l’enceinte du parc d’attractions de la ville des Hammadites, ce joyau architectural est tellement délaissé que les riverains se plaignent de la dégradation des lieux.
Abandonnée par les pouvoirs publics, cette structure flambant neuve est devenue au fil du temps un lieu de prédilection pour les délinquants, voire un lieu de débauche, comme en témoignent les habitants des cités limitrophes.
Renseignements pris, nous avons finalement appris que cette nouvelle bâtisse qui devait abriter le siège de la maison de l’Environnement est bel et bien convoitée par la Sûreté nationale qui voudrait en faire le siège du centre de télésurveillance en prévision de la mise en place de caméras de surveillance des lieux publics dans la ville de Yemma Gouraya.
Cette information nous a été confirmée par le P/APW de Béjaïa qui ne veut plus entendre parler d’un “quelconque détournement” de cette structure destinée au secteur de l’environnement.
“L’APW de Béjaïa a tenu à exprimer son opposition à ce que cette nouvelle structure soit détournée de sa vocation initiale. Nous avons déjà fait part au wali de notre désapprobation. Nous ne sommes pas contre le renforcement de la sécurité publique, mais nous ne pouvons pas nous taire sur cette affaire. Nous allons nous battre pour préserver cet acquis non moins négligeable dont a besoin notre région”, nous a fait savoir M. Haddadou.
Interrogé sur cette affaire, le directeur par intérim de l’environnement à Béjaïa, Saïd Boureba, botte en touche, affirmant que ce dossier dépasse ses prérogatives.
Il avoue que pas moins de sept projets de CET dont a bénéficié ces deux dernières décennies la wilaya de Béjaïa demeurent bloqués à ce jour. Néanmoins, il se montre optimiste quant à la concrétisation de certains projets d’investissements qui sont en cours de réalisation.
Selon lui, l’un des projets qui avancent à grands pas dans le secteur de l’environnement est celui du complexe de traitement des ordures ménagères, initié par l’entreprise Mehelleb, spécialisée dans les travaux hydrauliques, en partenariat avec des Français, à El-Kseur. Dotée d’un incinérateur des déchets non recyclables, cette unité industrielle est en cours de construction dans la nouvelle zone industrielle d’El-Kseur.
À Tazmalt, un autre investisseur privé qui a bénéficié d’une assiette foncière d’environ un hectare a obtenu son permis de construire pour la réalisation d’un centre de tri des déchets ménagers, nous a indiqué M. Boureba. C’est un projet qui sera réalisé par l’entreprise “Delta Environnement”, en partenariat avec un investisseur espagnol, a-t-il précisé. Et d’ajouter que “cette unité sera opérationnelle en H24 et permettra la création de quelque 300 postes d’emploi”.
Enfin, l’entreprise publique Naftal de Béjaïa s’est, quant à elle, lancée dans la collecte des huiles minérales (lubrifiants et huiles moteurs…) pour les recycler, a-t-il ajouté. Quoi qu’il en soit, la réalisation de ces projets demeure insuffisante face aux besoins urgents de la région de Béjaïa qui accuse un retard incommensurable en matière de développement local.
Par : KAMAL OUHNIA
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 01/09/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par KAMAL OUHNIA
Source : liberte-algerie.com du lundi 31 août 2020