Algérie

Béjaïa - Les zones humides malmenées


Béjaïa - Les zones humides malmenées


Les zones humides de la vallée de la Soummam, à Béjaïa, qu’elles soient d’origine naturelle ou artificielle, font face à mille périls.

Outre leur rôle majeur dans l’équilibre écologique et le maintien de la biodiversité, ces écosystèmes sont pourvoyeurs de ressources naturelles, contribuant ainsi au développement socioéconomique.

Néanmoins, on doit relever, non sans amertume, que l’exploitation de ces gisements frise l’irrationnel. Sur le lit majeur de oued Soummam, il y a un tel pullulement de sablières, que des observateurs parmi les plus avertis n’hésitent pas à parler d’un massacre à grande échelle. Le constat est, en effet, affligeant.

L’extraction anarchique et inconsidérée des alluvions a littéralement chamboulé la topographie du cours d’eau, lequel est ponctué de bout en bout d’une enfilade de cratères et de monticules de sédiments. Une menace potentielle de contamination pèse sur la nappe phréatique qui alimente en eau potable une multitude de communes, par le biais de puits artésiens implantés sur le parcours du cours d’eau.

On pompe régulièrement des volumes d’eau considérables. En tout cas, bien plus que la réserve ne peut en reconstituer. Le rabattement de la nappe, qui frise l’épuisement et les remontées de sel sur la rive droite, entre Amalou et Seddouk et jusqu’à la région de Timezrit plus à l’aval, nous en donne la preuve par quatre.

Sensées réduire l’impact et les effets pervers des eaux usées sur le milieu récepteur, les stations d’épuration (STEP) d’Akbou et de Sidi Aïch sont en chantier, de longues années après le démarrage des travaux.

Le brouet diabolique d’eau résiduaire qu’on y déverse a donné au cours d’eau l’allure d’un égout à ciel ouvert hostile à toute forme de vie. Une multitude de reptiles, de poissons et de batraciens ont déjà déserté les lieux. La perte de la biodiversité se ressent aussi chez la flore endémique, à l’image de la massette, du laurier rose et du jonc qui n’y poussent pratiquement plus.

Toute l’étendue du lit majeur est un réceptacle pour les déchets solides de toute nature et provenance. Les ordures ménagères côtoient les gravats, les packagings en plastique et autres contenants en verre. Jamais l’oued Soummam n’a été si ostensiblement profané, défiguré et souillé. C’est l’acmé de la pollution. Un décor surréaliste qui peut servir à un mauvais film d’horreur, sauf que tout cela est bien réel.

Le classement de cette zone humide comme site Ramsar (convention internationale ratifiée par l’Algérie en 1982), n’a fait reculer ni la prédation, ni la pollution. Bien au contraire! La pression anthropique a atteint un niveau paroxystique. La meilleure illustration de la transgression de cette convention est le passage de la pénétrante autoroutière. Une cicatrice hideuse dont le couloir d’emprise a gravement empiété sur l’écosystème, induisant son morcellement ainsi que la perturbation de son fonctionnement par la pollution chimique et les nuisances sonores, générées par le trafic routier. Comme quoi, les accords sont ratifiés pour être piétinés.

Mis en eau depuis l’année 2005, le barrage de Tichi Haf, dont l’étendue aquifère chevauche sur les territoires des communes de Bouhamza et Tamokra, peine à se remplir et, partant, à remplir convenablement sa fonction. Deux principales menaces pèsent sur cette zone humide: la sécheresse et l’envasement issus de l’érosion des bassins versants mal protégés.

Aguelmime Ikker, dans la commune de Tibane et le Lac Noir d’Akfadou, pour ne citer que les plus connus, font face à un autre défi, celui de la pollution. Ces écosystèmes lacustres, qui font office d’espace de nidification et de reproduction pour l’avifaune endémique et de halte pour les oiseaux migrateurs, affichent une figure peu ragoûtante.

Les visiteurs qui s’y rendent à longueur d’année ne prennent pas suffisamment soins de ces sites. Inconscients ou mal intentionnés, d’aucuns abandonnent sur place ballots d’ordures, bouteilles vides et restes de nourriture. Les déchets prennent progressivement possession des lieux. Une pollution durable, en lieu et place de l’écotourisme que l’on prétend vouloir promouvoir!



Photo: Le lac Noir d’Akfadou, un beau paysage souvent souillé par ses visiteurs

N. Maouche
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