Publié le 07.04.2024 dans le Quotidien l’Expression
Les habitants y tiennent jalousement et les perpétuent des années durant.
Un attachement infaillible aux pratiques ancestrales
Il y a des traditions qui ne risquent pas de se perdre à Béjaïa et plus largement en Kabylie. Les habitants y tiennent jalousement et les perpétuent des années durant. C'est encore le cas cette année. Si on parle souvent du sacrifice collectif, il y a une autre pratique, qui passe souvent sous silence mais que les villageois de Kabylie ne ratent jamais durant le mois sacré. Il s'agit du nettoyage des cimetières. Connaissant les traditionnelles visites rendues le jour de l'Aïd aux aïeux et autres personnes décédées au sein de la famille, les villageois entreprennent durant les jours du mois sacré, des actions de volontariat ciblant les cimetières des villages. Jeunes et moins jeunes organisent des nettoyages, qui consistent à désherber tous les alentours des tombes, une manière de faciliter aux visiteurs l'accès au cimetière mais également de retrouver facilement la tombe d'un parent et de s'y recueillir. Cette pratique ancestrale, pratiquée par les villageois relèvent d'un respect voué au mort, mais également aux visiteurs, qui sont nombreux aux premières lueurs du jour de l'Aïd à se rendre aux cimetières dans un élan de recueillement un peu spécial, car intervenant après un mois de jeûne fait de prières et de souhaits. «Nous nettoyons le cimetière de notre village pour faciliter l'accès aux tombes aux familles nombreuses qui ont coutume de rendre visite aux leurs le matin de l'Aïd», explique ce villageois, qui venait de quitter le cimetière de son village. Nous l'avons rencontré par pur hasard, habillé d'une tenue de travail et muni d'une pioche. Avec son compagnon, qui portait une pelle sur son épaule, il formait une équipe parmi des dizaines de jeunes débordant d'énergie mais n'ont pas beaucoup d'occasions de la dépenser pour l'intérêt commun. Ici pas d'autorisation au préalable pour entamer des travaux sur n'importe quelle partie du village, cimetières, ruelles, mosquées et fontaines connaissent des rafistolages à chaque fois que cela est nécessaire.
«Nous préparons le cimetière aux familles, car elles seront nombreuses, très nombreuses, à visiter les leurs trépassés le matin de l'Aïd à la levée du jour plus profondément nous nettoyons les demeures éternelles de nos aïeux», voilà l'explication que vous donnera n'importe quel villageois de la Kabylie. Dans ces contrées, le cimetière, la mosquée, la fontaine, les ruelles et les alentours de chaque village est une affaire des habitants, qui se prennent eux-mêmes en charge.
Y a-t-il un village kabyle où les villageois s'abstiennent de visiter les cimetières le matin de l'Aïd? Personne ne peut répondre par l'affirmative tant ce rituel, qui n'est pas propre aux Kabyles mais à tous les Algériens, est ancré dans les traditions de la société. Quand bien même les nouveaux «savants» du coin qui jureraient, sans preuves que «la visite est prohibée le jour de l'Aïd», la majorité des habitants n'en ont cure.
Si certains, plus jeunes, se sentent conformés au respect d'un iman tout aussi jeune, la majorité des habitants estiment qu'il n'y a même pas lieu d'aborder ce sujet et que l'heure est plutôt aux autres sujets qui menacent dangereusement la masse juvénile. Le matin du jour de l'Aïd El- Fitr, le cimetière du village se remplit. Des familles honorables entrées aux villages pour célébrer la fête de l'Aïd en famille, rendent visite dans la dignité et le silence à leurs parents partis pour l'Au-delà. Au cimetière, on se reconnaît, on se salue, on se rencontre, et on partage les souvenirs des nôtres quand on se tient sur leurs tombes. D'autres retrouvailles succèderont à la mosquée du village juste après la prière de l'Aïd El- Fitr. Des moments magiques de recueillement où l'on laisse de côté les vanités du monde à une époque qui ne nous laisse aucun répit.
Arezki SLIMANI
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Posté Le : 07/04/2024
Posté par : rachids