Algérie

Béjaïa - La production d'olives en crise



Béjaïa - La production d'olives en crise
Un taux d’humidité inhabituel, vague de chaleur et oliviers abandonnés… Les raisons ne manquent pas pour expliquer la baisse considérable de la production d’huile d’olive. Les oléiculteurs s’inquiètent fortement et veulent des solutions.

«La production de l’huile d’olive a baissé de 70% cette année», affirment tous les oléiculteurs que nous avons rencontrés à Béjaïa. S’ils ont conscience de la catastrophe économique que cela implique pour plusieurs familles de la région, peu de solutions sont trouvées pour l’instant.

L’humidité causée par un nouveau barrage de la région a favorisé l’apparition de plusieurs champignons. La pluviométrie et la cueillette traditionnelle mettent l’olive en danger.

Cette année, un litre d’huile d’olive sera vendu à 500 DA ou plus, alors que l’an dernier il était cédé à 350 DA.

Les 12 et 13 janvier prochain, alors que la fête de l’olive sera célébrée à Béjaïa, les experts vont donner de nouvelles consignes aux agriculteurs qui viennent juste d’entamer la cueillette.

Pourquoi une telle baisse de production ?

Les oléiculteurs et les experts évoquent plusieurs facteurs.

La pluviométrie est le premier facteur. «L’olive a séché. De juin jusqu’à décembre, il n’y a pas eu de pluie. La vague de chaleur exceptionnelle a trop duré», explique Rachid, oléiculteur et patron d’une huilerie à Tazmalt. Yazid, lui aussi oléiculteur de profession, se demande pourquoi ses oliviers ne bénéficient pas de l’irrigation à partir du nouveau barrage de Tichihaf, opérationnel depuis une année.

«Il est nécessaire de réfléchir à un plan d’irrigation. Il ne faut pas seulement compter sur la pluviométrie», indique-t-il.

Une exigence qui ne peut visiblement pas être satisfaite, selon Hocine Oussalah, secrétaire général de la Chambre d’agriculture de la wilaya de Béjaïa.

«La majorité des oliviers se situe en montagne et on ne peut donc pas parler d’irrigation. La solution serait de mettre en place des cuvettes pour emmagasiner les eaux de pluie. Il est vrai que nous avons eu des précipitations tardives par rapport à la période de fleuraison. Ce qui a engendré une baisse de production dans toutes les cultures. Il faut ajouter à cela les fortes chaleurs prolongées et les incendies qui ont causé la chute des fruits.»

Les oléiculteurs parlent également du changement de climat dans la région suite à l’ouverture du nouveau barrage.

L’olivier dérangé

Un climat qui devient de plus en plus humide.

«Nous sommes donc appelés à changer notre méthode de travail, notamment pour le stockage et la cueillette. Nous devons le faire plus tôt pour suivre le climat marin», suggère Rachid.

«L’humidité n’a pour le moment pas d’impact désastreux, mais elle pourrait provoquer des maladies», explique Yazid. Car l’olivier, comme le rappelle Madjid Medjkoun, agronome, est un arbre qui n’aime pas avoir le pied dans l’eau.

«Si on irrigue, il faut que cela soit sur des sols qui absorbent rapidement et il est déconseillé d’avoir des feuilles saturées d’eau et d’humidité», développe-t-il, en expliquant que ce nouveau barrage va changer toute la donne suite au changement de l’écosystème.

Solution ?

«Il faut intervenir en amont avec des pratiques nouvelles pour mieux s’adapter. On travaillera en protégeant l’olivier avec des traitements biologiques», ajoute l’agronome.

«Personnellement, je ne vois pas l’impact de ce changement de climat sur la production, mais je suis convaincu qu’elle va changer le goût de l’huile. D’un point de vue scientifique, l’humidité crée des maladies pour les olives», affirme de son côté Moncef Hamimi, oléiculteur et président de l’association des agriculteurs Tazaracht de la daïra de Tazmalt.

Un fait confirmé par des experts : l’humidité engendrera l’apparition de champignons qui n’épargnent aucun arbre fruitier, selon Rachid.

«Il s’agit d’une mouche qui a déjà causé des dégâts aux oliviers. Et comme c’est un parasite nouveau pour nous, il est tout à fait normal que nous soyons inquiets, car le fruit tombe avant la période propice», explique Yazid.

L’erreur humaine

Moncef Hamimi parle d’une multitude de problèmes qui risquent d’être dévastateurs si on ne traite pas.

«Dans quelques années, si on ne traite pas, on perdra définitivement nos oliviers», s’alarme-t-il.

Madjid Medjkoun confirme : «La teigne, l’œil de paon, la mousse de l’olivier… il y a plein de champignons maintenant. Le milieu est devenu favorable à leur développement, car les champignons aiment l’humidité.»

A ceux qui prétendent que cette année, les oliviers n’ont pas produit, car ils ne «donnent» qu’une année sur deux, les spécialistes de la région répondent : «C’est une idée reçue. L’homme est également la cause de cette alternance. La date de cueillette est en effet trop tardive et quand l’olive au mois de mars n’est toujours pas cueillie, l’arbre est déphasé et ne peut se préparer pour l’année d’après. En Europe, par exemple, la cueillette est précoce, de telle façon à permettre à l’olivier de se préparer pour la saison d’après. Il existe un cycle naturel qu’on ne peut pas réduire.»

Selon notre interlocuteur, on devrait finir la cueillette au mois de décembre.

Pourquoi alors ne pas adopter la mécanisation de la récolte ?

Au niveau de l’association qu’il préside, une réflexion est justement menée sur cette option, car c’est la solution adéquate pour réduire les délais. Mais c’est une option qui ne peut pas s’adapter aux oliviers géants de la Kabylie.

Du changement

«Nous pouvons le faire pour les nouvelles plantations. Actuellement il y a une solution, c’est la plus pratique : le peigne mécanique dont l’acquisition est subventionnée par l’Etat. Nous sommes en train de travailler sur ce dossier.»

Selon Oussalah, «il faudrait en principe récolter à la main pour ne pas blesser l’olivier. Il faut respecter rigoureusement l’arbre. Il faut essayer de le blesser le moins possible pour lui permettre de se reproduire dans les délais.»

Les saisonniers de la cueillette sont donc peu formés… Une faiblesse à laquelle l’association et la chambre d’agriculture tentent de remédier en organisant des cycles de formation et des séminaires au profit des agriculteurs.

«Comment irriguer, tailler, récolter et ramasser, la connaissance des sols, des outils… Nous avons regroupé les agriculteurs pour une formation afin d’éclaircir certains points et de sensibiliser les agriculteurs pour mettre en valeur ce trésor. Un atelier de formation de trois mois est lancé depuis le 1er octobre», précise Moncef Hamimi.

Hocine Oussalah explique également que des communications et des rencontres sont organisées annuellement, lors de la fête de l’olive, sur le greffage, la plantation, l’irrigation, la taille…

«Mais les concernés n’écoutent pas toujours et n’appliquent pas tous les conseils.»

«La plupart des agriculteurs négligent la nature des arbres et l’irrigation. S’il n’ y a pas de réserves d’eau dans le sol, ils n’apportent pas une goutte à leurs oliviers en juin ! Dans le passé, il y avait des hivers pluvieux, mais la donne a complètement changé. Les 92 % de l’alimentation de l’arbre doivent être apportés par l’eau et l’oxygène. L’entretien est donc mal fait par ignorance», explique Madjid Medjkoun.

Commercialisation : La machine n’est pas encore bien huilée

Béjaïa, Tizi Ouzou et Bouira représentent 80% de la production nationale de huile d’olive. En dehors de la Kabylie, l’huile n’est pas commercialisée et peu consommée, selon les experts.

«Il y a un sérieux problème de commercialisation et de promotion», précise Oussalah qui incombe la responsabilité aux médias.

Béjaïa est retenue comme ville pilote pour l’application d’une approche intersectorielle afin de promouvoir ce produit.

«Nous avons réellement besoin d’une bonne commercialisation», appelle Hamimi.

En plus, l’huile d’olive va être déménagée au Sud. De grands investissements sont lancés à Oued Souf et dans d’autres wilayas du Sud. Ce qui ne remettra jamais en cause la culture en Kabylie compte tenu de son savoir-faire et de son expérience.

«Nous pouvons même être utiles et opérer des échanges et faire partager notre savoir-faire», développent Oussalah et Hamimi qui insistent sur la mutualisation des efforts.

Commentaire de la photo: Un savoir-faire à protéger.

Nassima Oulebsir


bsr a mes amis oleiculteurs,je vais essayer d'apporter ma contribution sur certains cas et principalement:1)l'humidité favorise effectivement l'apparition et l'evolution de dacus dont les consequences sont desastreuses,2)les oleiculteurs doivent bien comprendre que la recolte mecanisé doit d'abord repondre au port de l'arbre,la varieté relativement au degré d'attache du pedoncule;3)l'irrigation qui est effectivement un probleme tres serieux relativement aux oliveraies situeés sur les hauteurs(terrains arides...)4)la chose la plus essentielle et tres importante pour moi est la taille completement negligéé dans votre article,que mes amis sachent l'alternance/saisonement n'est pas une fatalité,professionellement parlé du fait que l'olivier fructifie sur le bois de la 2eme anneé et une tres grande difference entre les modes de culture(irrigué ou en sec)et je termine en disant que l'olivier est appelé a donner des fruits chaque anneé lorsqu'il recoit la taille qui lui faut et merci.
madjdi madjid - specialiste de la taille de l'oilivier et agrumes - tazmalt/bejaia, Algérie

30/12/2011 - 24566

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