Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, responsable de la Fédération de France du FLN (région nord de Paris) de 1956 à 1962, a présenté, hier, son dernier essai, Droit d’évocation et de souvenance, édité par Encyclopedia et préfacé par les professeurs Jean-Luc Einaudi et Boualem Aïdoun, à la petite salle du TRB de Béjaïa. Le livre de 600 pages porte sur les événements du 17 Octobre 1961.
Invité par Brahim Tazaghart, responsable des éditions et de la librairie Tira, l’orateur a profité de l’occasion pour rendre hommage à Fatima Bedar, une collégienne de 15 ans, qui a été tuée lors de ces événements. Mohamed Ghafir a consacré, dans la trame du chapitre qui parle des femmes militantes, des passages à l’héroïne de Tichy (Béjaïa). Et ce, en présence du frère de la plus jeune victime du massacre du 17 Octobre 1961 et la seule femme qui a été citée par l’histoire dans ce massacre d’Algériens perpétré par la police française sous l’ordre de Maurice Papon, alors préfet de police de Paris.
Fatima est sortie de la maison sans le consentement de sa mère, puisqu’elle insistait pour participer à la marche pacifique. Lors de la manifestation, les policiers, avec une violence inouïe, ont chargé les Algériens en malmenant, matraquant, tuant et brûlant vifs des manifestants. Des dizaines d’entre eux ont été jetés dans la Seine, dont la petite Fatima «qui n’était pas partie avec les autres femmes», selon son frère.
«Celles-ci ont été interceptées par le service d’ordre, puis embarquées vers les hôpitaux, les casernes ou tout simplement déposées près de chez elles», indique Moh Clichy.
«Les femmes ont été violentées, mais aucune victime n’a été dénombrée parmi elles, l’administration française ayant donné des instructions dans le sens d’épargner les femmes et les enfants», ajoute-t-il.
Quinze jours plus tard, le 31 octobre, la police convoque le père de la collégienne dans le but d’identifier un corps retrouvé par les services de nettoyage du fleuve, coincé par la grille d’un canal qui se jette dans la Seine, puis repêché avec son cartable par les pompiers. Les ossements de Fatima ont été rapatriés et réinhumés dans un Carré des martyrs à Tichy, en 2006, sans compter sur le concours des autorités algériennes.
Ghafir Mohamed est revenu dans son livre sur les faits ayant marqué ces événements.
«Je raconte dans ce livre des choses que j’ai vécues», a déclaré d’emblée l’auteur, «que des faits» loin des autres «considérations» qui pourraient entacher l’authenticité de ces mémoires.
Car pour lui, «les Algériens, notamment les jeunes, doivent passer d’abord par la connaissance des faits historiques de la Révolution avant de s’intéresser à la politique et aux épisodes noirs de notre histoire. Moi-même j’ai vu des choses qui m’ont déplu, mais cela ne doit pas occulter le combat et le sacrifice de ceux qui sont morts pour l’indépendance».
Par ailleurs, le conférencier s’est étalé sur le rôle des immigrés dans la lutte pour l’indépendance en indiquant que «la Fédération de France comptait 80.000 militantes et militants. Plus de 80% du budget de la guerre provenaient des cotisations des militants dans l’immigration». Pour lui, «le déplacement de la Révolution algérienne — dont l’idée de la lutte armée a germé après les massacres du 8 Mai 1945 — sur le territoire français a été déterminant pour la suite des événements, car le 28 octobre 1961, le général Charles de Gaulle a engagé les négociations en appelant à des rounds de pourparlers entre les responsables algériens et ses représentants».
Et d’ajouter: «Par conséquent, du 10 au 17 mars 1962, il était question de parler d’indépendance sans aucun autre compromis.»
Ainsi, pour Mohamed Ghafir, «la Révolution algérienne a été entamée à Paris avec la fondation de l’Etoile nord-africaine (ENA) en 1926 par des travailleurs émigrés et s’est terminée à Paris par les événements du 17 Octobre 1961, qui ont contraint les Français à s’asseoir à la table des négociations une semaine plus tard».
En 2006, rapporte Moh Clichy, «Jean-Luc Einaudi a établi une liste de 493 victimes identifiées et une autre comptant 350 morts non identifiés et 15.000 arrestations se basant sur différentes archives des services de sécurité français et des pompiers». A ce propos, l’ancien responsable de la Fédération de France du FLN regrette que le ministère des Moudjahidine, qui dispose de plus de moyens, n’ait rien fait pour recenser les victimes et déterminer leur nombre exact.
A la fin de la rencontre, le frère de Fatima Bedar a promis de remettre le cartable de sa sœur et ses livres de littérature au Musée des moudjahidine de Béjaïa.
Photo: Le livre rend hommage, entre autres, à Fatima Bedar, tuée en octobre 1961 à Paris.
Nordine Douici
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Posté Le : 22/10/2017
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Nordine Douici
Source : elwatan.com du dimanche 22 octobre 2017