Algérie

Béjaïa : Désarroi chez les aviculteurs



Les professionnels de la filière subissent les conséquences de l'indisponibilité et la cherté des aliments, ajoutées aux promesses d'accompagnement sans suite des autorités.Les opérateurs de la vallée de la Soummam activant dans la filière avicole sonnent le tocsin de la colère et crient leur désarroi. «Nous sommes abandonnés à notre propre sort, sans aucune aide ni même une oreille attentive des autorités. Il y a de l'iniquité et de l'ingratitude envers notre filière», clament-ils en ch?ur. «Les aviculteurs étaient, avec les autres acteurs de l'agriculture, les rares agents économiques à continuer d'approvisionner le marché, en dépit de la pandémie du coronavirus et bien d'autres aléas, sans avoir rien réclamé en retour. Maintenant que nous avons besoin de mesures d'urgence pour dépasser la crise, personne ne répond à notre cri de détresse», râle un aviculteur de Chemini.
«Nous avons saisi toutes les instances de l'Etat, comme la direction des services agricoles et le ministère de tutelle. Des promesses nous ont été données pour nous accompagner dans cette épreuve difficile, mais rien n'a été concrétisé à ce jour», déplore un membre du conseil interprofessionnel de la filière avicole.
L'infortune de ces aviculteurs, ont-ils souligné, découle de l'indisponibilité et de la cherté des ingrédients entrant dans la composition de l'aliment du cheptel avicole. «75% de la ration alimentaire de la volaille est composée de maïs et de soja, lesquels sont tous deux importés», informe un opérateur d'Ouzellaguen, exploitant un bâtiment de poules pondeuses. «Le maïs que l'on achetait il y a quelques mois à 2500 DA le quintal se négocie autour de 4000 DA. Quant au soja, il est passé de 6500 DA à plus de 10 000 DA le quintal. Même au prix fort, ces produits sont rares. Des transporteurs font le pied de grue au port de Béjaïa durant des jours, avant de rentrer bredouille, ou alors avec un chargement tronqué», s'indigne un exploitant de la région de Tazmalt. Comme tout produit sous tension, le maïs et le soja font l'objet d'une spéculation à grande échelle, révèle-t-on.
Le poids des charges
Malmenés, les aviculteurs sont trop peu résilients pour pouvoir absorber le choc de l'offre de ces denrées, eux qui sont déjà fragilisés par le poids écrasant des différentes charges qui pèsent sur leurs frêles épaules.
Du coup, ils se retrouvent devant un scabreux dilemme : se reconvertir ou disparaître. «Pour limiter la casse, certains aviculteurs ont envoyé précocement une partie de leur cheptel à l'abattoir, sachant pertinemment qu'à l'arrivée ils essuieront une perte sèche. D'autres ont agi par anticipation en mettant leur activité entre parenthèses, en espérant une improbable amélioration de la situation», a confié un éleveur avicole de M'cisna, sur les hauteurs de Seddouk.
Activant dans la filière depuis une dizaine d'années, un aviculteur d'Akbou avoue que la crise l'a poussé à se séparer d'une partie de ses employés. «Ils étaient huit. Il n'en reste plus que trois. C'est triste et dramatique d'annoncer à un agent avicole qui collabore avec vous depuis des années qu'on doit se passer de ses services, sachant que derrière chaque ouvrier, il y a une famille à nourrir. Des familles, il y en a par milliers dans la filière, en comptant le transport, la distribution, l'abattage et le commerce. Cela donne un aperçu des retombées sociales désastreuses de la crise actuelle», dira-t-il.
Le paradoxe auquel nul dans la corporation ne donne la moindre explication, c'est le prix du cheptel vif, cédé à seulement 90 DA le kilo. «C'est moins cher qu'un kilo de pâte alimentaire», ironise un aviculteur de Chellata. Seul l'?uf, vendu à la source 300 DA le plateau, est pris dans la spirale du renchérissement.
Dépendant, dans une moindre mesure, de l'aliment du bétail, les éleveurs bovins disent, eux aussi, subir les contrecoups de la crise. «Les spécialistes en nutrition animale recommandent de fournir à la vache 25% de sa ration quotidienne en aliment concentré. Le reste des apports vient du fourrage. Or, tous ces aliments sont soit introuvables ou hors de portée», se désole un éleveur de vaches laitières installé à Ait Rzine. La majorité des exploitations étant en hors sol, les éleveurs sont étroitement dépendants des cours du fourrage, lequel est affecté par une flambée sans précédent.
«La sécheresse et la spéculation ont fait grimper la botte de foin à 1200 Da et la botte de paille à 700 DA. A ce rythme, on va droit dans le mur», subodore notre interlocuteur.
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