Algérie

Béjaîa - Auberge Soumari: Devenir incertain pour les sans-abri



Béjaîa - Auberge Soumari: Devenir incertain pour les sans-abri


Les SDF (sans domicile fixe) accueillis au niveau de l’auberge des jeunes Frères Soumari pendant la pandémie Covid-19 s’inquiètent pour leur sort après avoir eu vent de leur expulsion.

En mars 2020, des SDF ont été regroupés, par la Direction de l’action sociale (DAS), dans le cadre d’une mesure préventive prise par la wilaya de Béjaïa, dans cette auberge située sur les hauteurs de la ville de Béjaïa. Une convention a été signée entre le Croissant-Rouge algérien et la DAS dans le but de prendre en charge cette frange de la société, en dotant l’organisation humanitaire de moyens financiers pour nourrir et subvenir aux besoins de plus de vingt personnes sans abri, dont des personnes âgées, des femmes et des enfants.

Selon un bénévole rencontré devant le siège de l’auberge, «au début, la wilaya assurait, selon les termes d’une convention, le financement de cette action humanitaire, mais depuis quelque temps on ne reçoit plus de budget ce qui a conduit le Croissant-Rouge à puiser de ses ressources et de ce qu’il sait faire, c’est-à-dire solliciter les bienfaiteurs pour assurer la nourriture quotidienne à ces personnes».

Et d’ajouter: «Malheureusement, l’administration a suspendu le budget en même temps que l’arrêt de la prise en charge médicale de ces SDF et on croit savoir que même la direction de la jeunesse et des sports (DJS) s’est manifestée dans le but de récupérer son infrastructure.»

Ceci dit, ajoute notre interlocuteur, «rien n’est encore officiel». Si l’aide de l’Etat ne vient pas, ces sans-abri retourneront d’où ils sont venus, c’est-à-dire dans la rue pour certains et à la maison des vieux et des maisons d’accueil dans les wilayas limitrophes pour d’autres, notamment les femmes.

Cette situation pose le problème de la prise en charge institutionnelle des sans-abri dans la wilaya. A Béjaïa, il n’existe aucune structure étatique pour l’accueil, dotée d’un personnel qualifié afin de pendre en charge cette catégorie de personnes. En général, «le procureur de la République s’intéresse aux enfants, ces derniers sont placés dans les pouponnières lorsque leurs mamans n’ont pas les moyens de les protéger», dira le bénévole, qui ajoute que «quant aux femmes, elles sont orientées vers les centres d’accueil basés à Sétif, Mostaganem ou à Alger et les personnes âgées vers les maisons de vieillesse».

- Des sdf désorientés

Les quelques SDF que nous avons rencontrés sont tristes à l’idée de quitter ce foyer des jeunes qui les a accueillis le temps d’une pandémie sans savoir quelle sera leur destination après sa restitution à sa véritable vocation. Certains d’entre eux sont programmés pour des opérations chirurgicales qui exigent un séjour post-opératoire dans des conditions adéquates, pendant que d’autres cherchent tout simplement une adresse permanente où ils pourront reconstituer un semblant de chaleur familiale.

Sans cela, ils ne pourront compter que périodiquement sur le CRA qui, dans le cadre de ses actions, offre des repas chauds, des vêtements et une assistance médicale de base au SDF dans la rue. Confirmant la suspension du budget alloué à ce centre provisoire, Aïssat Safia, chef de service de la famille et de la cohésion sociale, assure que «les SDF et toutes sortes de cas sociaux qui sont rassemblés dans ce foyer sont pris en charge grâce aux dons».

Elle affirme que 45 personnes (SDF et autres familles en difficulté) ont été prises en charge depuis le confinement à ce jour.

«Aujourd’hui, le foyer compte une vingtaine de personnes auxquelles la DAS tente de venir en aide à travers ses programmes et missions», dira la responsable, avant de conclure qu’un «centre d’accueil doté des moyens matériels et d’un personnel multidisciplinaire qualifié est vivement souhaité pour mieux organiser et maîtriser la prise en charge institutionnelle de cette frange de la société».

- Initiative associative pour la création d’un centre d’accueil

Partant du constat de l’absence d’une structure d’accueil pour les sans domiciles fixes et les femmes en détresse, la section locale de l’association algérienne pour la promotion de la citoyenneté et des droits de l’homme a initié, en collaboration avec d’autres associations, le projet de création d’un centre d’accueil pour cette frange vulnérable de la société.

Pour Lynda, membre de l’association, «à Béjaïa, la prise en charge institutionnelle de cette catégorie se limite à l’accueil et l’accompagnement des enfants et des filles en difficulté jusqu’à l’âge de 18 ans. Souvent, ces adultes se retrouvent sans foyer et en proie à tous les dangers, d’où l’idée de leur donner un espace en attendant qu’ils puissent voler de leurs propres ailes».

Elle ajoute que malheureusement, «on propose aux femmes, qui sont souvent de la région, le transfert au niveau des centres d’accueil de Sétif, Constantine ou Alger. Certaines sont séparées de leurs enfants». Revenant au projet du centre, notre interlocutrice indique qu’il «a été suffisamment mûri et réfléchi».

«Nous avons déjà un plan et une étude initiale qui s’est intéressée à tous les aspects fonctionnels de ce genre de centre d’une capacité de 60 places, une initiative saluée par le wali qui a promis de se pencher sur ce programme», précise-t-elle, avant de rappeler que le programme bute toujours sur un problème d’assiette de terrain.

- Tarik Tabti. directeur de la DAS: «Nous adhérons à ce projet»

Avec la conjoncture exceptionnelle de la Covid-19, la prise en charge des SDF et autres familles en difficulté a été entamée très tôt, car il n’était pas question pour les services de l’Action sociale de Béjaïa «de les laisser dehors, exposés à la pandémie».

«En l’absence d’un SAMU social à Béjaïa, c’est la DAS et le Croissant-Rouge algérien qui ont assumé cette responsabilité, avec l’aide de la wilaya qui nous a fourni un lieu, à savoir l’auberge des jeunes Soumari, pour rassembler et nourrir ses personnes en situation vulnérable», dira le directeur, Tarik Tabti.

Ceci dit, la DAS ne s’est pas contentée d’abriter les SDF, car elle œuvre aussi à l’insertion sociale, en comptant sur la médiation, et professionnelle «afin d’aider ces personnes à sortir de la précarité», dira le directeur de la DAS. Et d’ajouter: «Quant aux malades et les vieilles personnes, nous les orientons vers des centres spécialisés en attendant la concrétisation d’un projet associatif portant la création d’un centre d’accueil.»

Il soutient que sa direction «adhère à ce programme et ne ménagera aucun effort pour appuyer cette démarche associative auprès des autorités locales».



Photo: L’auberge des jeunes Frères Soumari où des SDF sont pris en charge

Nouredine Douici


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