Algérie

Béjaïa



Béjaïa
L'esplanade de la Maison de la culture de la ville de Béjaïa a encore une fois été, dans la matinée d'hier, le théâtre d'un affrontement féroce qui, pour une fois, n'a pas impliqué forces de l'ordre et émeutiers.Des dizaines de personnes, dont quelques barbus, ont pris à partie un groupe de dix à quinze non-jeûneurs qui s'étaient donné rendez-vous sur l'esplanade pour manifester, par le moyen d'un déjeuner public, «contre le jeûne obligatoire». Peu avant 10h, les non-jeûneurs, essentiellement des militants du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK), s'apprêtaient à entamer leur troisième action publique du genre dans la wilaya après celles, qui se sont déroulées sans incident, d'Aokas et d'Akbou. A peine s'affairaient-ils à déployer leurs banderoles que des personnes, dont des riverains qui s'étaient apparemment préparés pour la riposte, ont surgi de nulle part pour s'y opposer de la manière la plus forte. Pour tuer la manifestation dans l'?uf, les assaillants ont déchiré et brûlé les banderoles. Des affrontements ont vite éclaté entre les deux parties.Beaucoup moins nombreux pour pouvoir se défendre, les non-jeûneurs, dont certains ont été blessés, ont été lynchés à coups de poing, de pied et de bâton sous les cris de «Allah Akbar» repris même par des jeunes insoupçonnés de relents islamistes. Une jeune fille, parmi les déjeuneurs, n'a pas échappé à la furie des assaillants. Une atmosphère de panique s'est installée, sous les regards ébahis des passants. Les hostilités ont débordé de l'esplanade de la Maison de la culture pour continuer en course-poursuite ; la chasse aux non-jeûneurs a fait rage aux alentours du rond-point d'Aâmriw. L'un de ces derniers a dû courir pour se réfugier à l'intérieur d'une entreprise, sur la RN24, où il a été rattrapé.«C'est un carnage ! C'est cela la tolérance '» s'écrie un témoin ayant observé la scène de loin. «J'ai tenté d'appeler le numéro vert de la police, personne ne répond» ajoute-t-il, tout en émoi.Une fois les non-jeûneurs dispersés par la force, les assaillants, dont les rangs ont grossi, sont revenus vers la Maison de la culture pour exiger, cette fois-ci, l'annulation des festivités du Festival du rire qui devait s'y dérouler en soirée. «Ils veulent revenir en soirée pour accomplir salat tarawih sur l'esplanade», nous dit un citoyen rencontré sur les lieux. «Ils n'ont rien voulu savoir, ils nous ont demandé d'annuler nos activités» nous dit la directrice de la Maison de la culture.Depuis le 15 juillet dernier, le comité des fêtes de la ville de Béjaïa organise un Festival de rire, un rendez-vous annuel jamais inquiété auparavant. A cause de la proximité de la mosquée d'Aâmriw, le coup d'envoi du festival est décalé jusqu'après la prière de tarawih. Ce qui ne semble pas satisfaire des opposants que d'aucuns classent dans le courant salafiste qui s'est déjà manifesté par le passé contre ces activités culturelles, notamment nocturnes. Hier, ils ont marqué un point en réussissant à faire annuler le Festival du rire, l'écourtant ainsi de deux jours. L'intervention de quelques imams et du directeur des affaires religieuses, qui se sont déplacés sur les lieux pour ramener à la raison les «insurgés», n'a servi à rien.Au moment de notre passage, la scène du festival avait été démontée, signifiant cette annulation après que des policiers aient informé le responsable du Comité des fêtes, Malek Bouchebah, et la directrice de la Maison de la culture de la décision prise par le wali. Une réunion est prévue aujourd'hui à la wilaya pour discuter des suites à donner à ce précédent. En attendant, la Maison de la culture, qui se prépare à lancer le 9 août une nouvelle édition du Festival de la chanson amazighe, est sommée de se mettre en off.




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