Algérie

Behja Traversac. écrivaine et éditrice : L'audace au féminin



Ou l'histoire d'une naissance, celle d'une maison d'édition, Chèvre-feuille étoilée, racontée par l'une des quatre femmes à l'origine de cette création : Behja Traversac se livre ici, avec passion et affection pour la littérature et la créativité?
Le désir d'accueillir et créer des livres est l'un des plus beaux métiers et l'un des plus beaux actes de l'humanité.
Cela fait 20 ans que nous avons décidé de faire nôtre ce bel objectif du domaine de la création. Editer, c'est redonner vie à ce qui resterait mort s'il n'y avait pas tous ces confectionneurs et faiseurs de pages. Le livre tisse d'inaliénables liens, quels que soient les autodafés.
En novembre 1999, nous, quatre femmes de la rive sud et de la rive nord de la Méditerranée, nous nous sommes lancé un défi fou : créer une maison d'édition pour que la chaîne de nos relations, de nos affections, de nos solidarités, de nos naissances, ne s'interrompe pas. L'idée est donc née en 1999 et le 18 janvier 2000 elle s'est matérialisée.
Nous avions toute une relation d'histoire et d'amour avec cette Afrique du Nord dont la dimension subsaharienne est incontestable. Cela fait donc 20 ans d'enthousiasme, de ténacité et de constance malgré les obstacles nombreux et toujours surmontés.
Selon Mme Traversac, il existe trois moments de réflexion et d'émotion qui les avaient portées vers ce projet : l'Algérie, qui vivait une tragédie dans les années 90' et avec laquelle nous avions des liens indissolubles. Ensuite, la littérature qui avait, en grande partie, éclairé nos chemins, façonné notre vision du monde. Et puis et surtout, le statut des femmes dans les sociétés patriarcales et post-patriarcales. C'est pour cette dernière raison que nous avons créé une édition destinée aux femmes.
Trois moments de réflexion et d'émotion?
Nous avions une pleine conscience de leur exclusion séculaire de la sphère publique, l'exclusion de leur parole, de leur écriture, de leur visibilité et donc la dépossession de leur corps physique, individuel et social. Nous nous sommes jetées à l'eau et avons affronté les mille et une arcanes juridiques et financières pour que cet espace de parole et d'écriture voit le jour.
Un lieu où le corps des femmes reconquiert sa place, devient présent, sonore, créateur. Ecrire et accueillir l'écriture des autres, c'est exorciser la violence. C'est aussi la raison de notre choix éditorial.
Nous avons espéré que cet espace contribuerait, même modestement, à transformer ? ou du moins à atténuer ? les distances entre les femmes et les hommes, entre l'étranger et l'indigène, entre soi et l'autre, entre soi et soi. On sait que la littérature est un vecteur important dans le rapprochement des êtres et des sociétés, qu'elle est un facteur de fraternisation et de connaissance du monde.
Cependant, elle tient à citer deux livres qu'elle qualifie d'au moins emblématiques à plus d'un titre, de leur aspiration à faire reculer la fragmentation des destins féminins «puisque ces deux livres disent l'inacceptable intrusion dans le plus intime de l'intime de la vie des femmes.
Ce sont le livre sur l'excision, cette terrible violence physique et psychique et celui sur l'interdit des unions entre musulmanes et non musulmans, un interdit qui est une injure contre l'amour, contre la fraternité, contre le rapprochement des peuples, contre la liberté de décider de son destin».
Et d'expliciter : «Ce ne sont là que des exemples qui m'ont paru les plus signifiants, les plus infamants, de la volonté d'asservissement des femmes. Bien entendu et la diversité de nos collections (fictions, essais, récits, poésie, biographies, polars, théâtre, poche, beaux livres) nous le permet, nous publions des livres d'une grande qualité littéraire et poétique, écrits par des femmes et qui racontent parfois des souffrances mais embrassent à bras-le-corps toutes les facettes de l'aventure humaine, ses révoltes et ses joies infinies?»


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