Algérie - Organisation Urbanistique

Béchar : Et après le toilettage infrastructurel ?



« Béchar, ô sourire de nos espoirs…» : il s’agit du début d’une chansonnette assez récente qui connaît un franc succès, où un chanteur du cru, loue avec une voie qui se veut enchanteresse autant que convaincante, cette ville qu'il adule. Il ne manque pas de titiller par la même occasion l’ego collectif de ses habitants. C’est dire que la vieille cité oasienne peut susciter encore quelques sentiments passionnels et de l'optimisme malgré ses airs dantesques de mégalopole lourdement envahissante. En effet, après avoir phagocyté au sud les agglomérations de Bidon II (devenu Béchar – Djedid) et de Ouakda au nord, la ville continue à s’étaler « à l’infini » à l’est vers Béni-Ounif et au sud-est vers Kénadsa et Abadla. Sur le plan urbanistique, quand bien même des efforts aient été faits pour le tracé des rues (après des tracés fantaisistes du passé on est revenu fort heureusement au type « damier » beaucoup mieux maîtrisé). Mais dans quelle urbanisation, dans quelle architecture ou plus exactement dans quel style architectonique et quelle finition pour l'avenir proche et lointain ? Cet état d’esprit qui consiste chez beaucoup d’autoconstructeurs à ne jamais achever leurs constructions, donne à la ville cet aspect d'éternelle clochardisation.

Depuis un peu plus d’un an la cité connaît une certaine frénésie sur le plan physique, du moins en ce qui concerne le centre de la ville. Par la réfection de ses trottoirs, l'aménagement de nouveaux ronds-points périphériques plus ou moins verdissants, le goudronnage de quelques rues, la capitale du sud-ouest ne fait pas tout à fait peau neuve, loin s’en faut, mais essaie de se donner des apparences d’une grande cité avec un zest forcé de modernité. En fait, elle se serait tout juste « lavée les pieds ». A la recherche d’une mise avantageuse, comme une vieille dame qui ne supporte pas l'outrage des ans, elle s’est appliquée quelques "fards infrastructurels" qui cachent mal les stigmates d’un enlaidissement sui generis. La réfection des trottoirs crée des « petits boulots », (ersatz des vrais), qui donnent l’illusion - pour un temps - de résoudre très partiellement un chômage endémique, qui perdure dans une situation subliminale de mécontentement entre émeutes à fleur de peau et accalmies sociales précaires.

Comme les chantiers sont en majorité au centre ville, (dans les faits, une mosaïque de mini-chantiers), cela donne à croire que la ville toute entière est en chantier. Trêve d’illusion ! Le grand toilettage superstructurel qui serait à faire, entre autres, le ravalement des façades reste donc aléatoire. Encore que la logique aurait voulu que l’on commençât par le haut, ceci nonobstant le choix d'un urbanisme adéquat et le diktat d'une architecture harmonieuse surtout à mener à bon terme. En parallèle, l'entreprise d'une action prophylactique permanente contre l'agression des immondices, des déchets divers et autres sachets plastiques (noirs dans un passé récent, multicolores maintenant) qui "ornent" désormais et fatalement le décor ambiant dans lequel évoluent les bécharis.

Sur ce chapitre, et pour l’équité, ces bécharis stoïques n'ont rien à envier aux Algériens des autres villes du pays à quelques exceptions près : il existe quand même des quartiers privilégiés jouissant d'un certain standing où luxe et propreté semblent faire bon ménage, du moins extérieurement. La même et urgente action s'imposerait en ce qui concerne les décharges sauvages qui dénaturent et polluent de façon exponentielle, la périphérie. En effet, la rocade qui contourne l'agglomération, supposée soulager celle-ci des inconvénients d’une circulation contraignante, semble avoir facilité la besogne aux déchargeurs – pollueurs qui l’empruntent pour commettre leurs forfaits. Le regard du voyageur qui passe par ladite « contournante », ne doit pas voir se profiler à l’horizon, la désagréable image d'une ville qui se dessine à travers un immense champ de décharges de toutes natures, de gravats et autres décombres de démolitions jetés çà et là, sans autre forme de procès.

Par ailleurs, dès la sortie de la ville du côté sud-est, vers Abadla et Kénadsa, au piémont de la colline granito-calcaire, on est accueilli par l’image désolante d’un "champ" d’une herbacée épineuse couverte de déchets divers. Il s’agit de la launaea-arborescens dite dans le parler local « oum elbina » (du fait de sa sève blanche qui ressemble au lait mais très amère), cette plante, très répandue dans la région, capte par ses épines acérées, tout ce que le vent lui apporte au hasard de son souffle : sachets plastiques, chiffons, papier, et autres déchets…. Comme toutes les plantes du Sahara, cette herbacée a le mérite de résister à la soif et pousse donc en quantité dans les zones très arides. Elle sert surtout en pharmacopée traditionnelle à guérir certaines diarrhées enfantines et même des maladies de la peau. Des études sérieuses en médecine semblent être entreprises pour l’utilisation rationnelle et scientifique de cette plante. Dès lors, ne devait-elle pas être protégée des agressions directes et indirectes de l'homme ?

La salubrité d'une ville étant un tout, la seule réfection de trottoirs ne saurait aucunement faire illusion d'une propreté au demeurant fragmentaire et hypothétique qui ne dépend pas des trottoirs. Ah ! La propreté d'une ville ! C’est tout un programme. Et avant d’être ce programme, il s‘agirait d’abord d’un savoir-vivre avant d’être un savoir-faire auquel on adhère, une vertu à laquelle il faut croire à défaut de l'avoir, et aussi une éducation, voire un sacerdoce dont l'office parait ô combien simple a priori et cependant si difficile à concrétiser. Vouloir ne suffit pas. Le proverbe arabe ne dit-il pas que : « celui qui n’a pas une chose ne peut la donner » ? Comme quoi cette affaire n’est pas simplement un problème de moyens. Il est évident que les services municipaux, qui ne sont pas exempts de toute critique, ne peuvent à eux seuls assurer la propreté et l'hygiène indispensables à la cité qu’ils ont l’obligation et le devoir de servir dans le sens noble du terme : « Sayidou ennassi khadimouhoum ».

Ce serait une lapalissade de plus s'il faut encore réaffirmer que si la vie urbaine implique des droits, elle implique également des devoirs. Celui qui se débarrasse du contenu de sa poubelle en dehors du bac prévu à cet effet ; celui qui froisse et jette son paquet de cigarettes vide dans la rue ou n'importe quel autre papier ; celui qui crache sur le trottoir ou y vide le contenu de ses narines, celui qui, d'une chiquenaude envoie se coller son chewing-gum au sol ; celui qui se débarrasse de ses gravats devant chez lui parce qu'il vient de refaire sa salle de bain ou sa cuisine et qui attend que les services municipaux se chargent du nettoyage ; celui qui, après avoir fini les travaux de construction de sa maison "oublie" d'enlever le gravier et le sable restant devant sa porte ou couper les fers qui dépassent de son toit, celui qui... (la liste est évidemment sans fin). Tous ces comportements asociaux inadmissibles, ne sont en premier lieu, que les conséquences d'un manque avéré d'éducation en général, et d'éducation civique en particulier. Nos villes, nos villages, nos campagnes, nos côtes maritimes et nos plages sont envahis par les déchets de toutes sortes que nous y jetons consciemment ou inconsciemment. Et ça va en augmentant. Jusqu'à quand ? Il faut donc y remédier et sans attendre. Le civisme s’apprend par la répétition. Les enseignants savent que la répétition est la base de toute pédagogie.

Nos populations ne sont ni plus bêtes ni moins intelligentes que les autres populations. Néanmoins elles sont pour la majorité d'origine rurale ou nomade. En quelque sorte tout le monde vient de la campagne ! Aussi, la cravate ou le costume trois pièces n'ont jamais fait l'homme civilisé. Ils en sont peut être et seulement la caricature. Les gens se comportent donc en ruraux et/ou en bédouins, les conséquences comportementales étant voisines. Devenus rurbains et urbains en très peu de temps, ils conservent encore des mimétiques rurales, des réflexes et des comportements inhérents à la bédouinité. Contre ces travers et pour la civilisation moderne, une lutte s'impose. Une lutte de tous les jours et sans merci. En d’autres termes, il y a lieu d’apprendre aux individus, la conduite qu’il est convenu d'avoir dans la vie en société urbaine. D'aucuns diraient ironiquement : "qui va éduquer qui ?". Nous avons l'habitude de ce genre de question où se mêlent beaucoup de fatalité et de défaitisme. Nous disons tout simplement que c'est possible. Nous n'avons pas la naïveté de croire atteindre à "la propreté suisse" maintenant et tout de suite, mais par l'obstination, la résolution, la persévérance et le temps, on peut s'y approcher et ce serait un grand progrès.

Ce qui pousse le jeune, ou le cadre ou le "harrague" …à émigrer ce n'est pas tant une hypothétique fortune qui l'attendrait de l'autre côté de "la mer blanche du milieu" mais bien le mode de vie "évolué" de la société occidentale. C'est-à-dire la qualité de la vie, une certaine idée du confort, de la démocratie, une manière d’être, le respect supposé des droits de l'homme qui fait que l’on vit dans un "Etat de droit", par conséquent dans une société de toutes les facilités et partant de toutes les possibilités. En quelque sorte, c’est ce qui aurait séduit il y a un siècle Mustapha ATATURK et ses amis, ceux qui sont à l'origine de la Turquie contemporaine. Sous le charme de la société occidentale, un des conseillers de ce même ATATURK, laissera cette boutade à la postérité : "nous devons importer la civilisation occidentale avec ses roses et ses épines". Force est de constater que depuis tout ce temps, si la société turque n'est pas devenu pour autant une société laïque stricto sensu, la Turquie est sans conteste devenue un Etat moderne, et même, l'Etat musulman le plus moderne.

Nous ne disons pas comme ce Turc qu'il "faut importer la civilisation occidentale avec ses roses et ses épines". Cette métaphore est évidemment excessive. Nous n'avons rien à faire avec les épines d'aucune civilisation. Mais importer ce qu'il y a de mieux, ce qu'il y a de bon, oui ! Et chez toutes les organisations sociales humaines selon nos besoins. En somme, est éligible à l'importation tout ce qui est utile et n’est pas en contradiction avec notre culture et à nos traditions positives et nobles. Il n'y aurait aucune honte à copier ce qui est bon en Occident et ailleurs. Sur tous les continents. L'Occident a déjà copié chez nous par le passé : il en est ainsi de l'osmose des civilisations et non pas de leur « choc » comme certains le croient ou le suggèrent de part et d’autre de la Mare Nostrum et au-delà de l'océan atlantique.

Aussi, dans cette lutte fondamentale pour la modernité, pour l’amélioration de la qualité de la vie, tout le monde devrait s’y mettre : les médias lourds, la presse écrite, l's universités, l'école, les associations de défense de l'environnement, les mosquées, les associations religieuses, les partis politiques, etc. Tout ce beau monde qui rêve d'une Algérie moderne devrait s'impliquer impérativement dans l'éducation des individus (voire s'impliquer dans sa propre éducation !). Ceci, pour que cette population apprenne non seulement à instruire et à éduquer ses enfants, mais aussi à gérer sa propre vie, la propreté de son environnement et celle de son milieu. Un exemple de civisme très simple : ce n'est pas tout le mode chez nous qui traverse les rues au niveau des passages piétons. En plus il arrive que les gens se disent bonjour et restent debout à papoter sur le chaussée : tout juste si l'on n'oblige pas l'automobiliste à emprunter le trottoir pour passer. Par contre, celui-ci au lieu de ralentir au niveau des passes piétons, il a tendance à appuyer sur le champignon de son accélérateur. Si pour changer tout cela il faut faire une propagande intensive, pourquoi pas ? Seront donc les bienvenus : spots télévisuels éducatifs cognitifs et récurrents, tables rondes, flashs publicitaires, rencontres radiophoniques, émissions de sensibilisation, affichages sur les lieux publics, pancartes etc. L'expérience a démontré que les campagnes irrégulières de nettoyage de quartier étaient inefficaces et n'avaient aucune emprise durable sur les mentalités. « Mentalités » est le mot clé. Celles-ci doivent changer. Et nous n’allons pas attendre deux siècles et demi comme la France après sa Grande Révolution ! L'Espagne, un pays voisin ressemblait beaucoup au nôtre dans les années soixante. Par la persévérance et la volonté, le visage de l'Espagne a changé du tout au tout aujourd'hui. Ce pays n'a pas de pétrole. C'est l'homme qui fait la différence.

Il est à tout jamais indispensable d'utiliser à plein et positivement tous les moyens d’information et de communication de masse. Il faut massifier la propreté. Un pays maghrébin voisin vient de lancer une campagne télévisuelle contre l’utilisation des sachets et des emballages plastiques. Jetés dans la nature, ces derniers mettrent 400 ans pour se biodégrader, pour se dissoudre dans la nature. Il n’y a aucune honte à imiter des actions sociétales et civilisationnelles qui améliorent la vie de tous les jours et le confort de l'Algérien, qu'il faut d’ailleurs cesser de percevoir à travers le prisme déformant de "l'homo algérianicus" qui n'est pas encore sorti de sa caverne, autrement dit irrémédiablement inéducable. Il faut un début à tout.

Il nous a été permis dans ces mêmes colonnes d'évoquer la réfection des trottoirs de Béchar, "un toilettage infrastructurel segmental" (A. AZIZI Le Q.O. des 13, 14 ET 15 août 2007). En effet, des carreaux granitos striés flambant neufs, peuvent aujourd'hui chatouiller les semelles d'une foultitude de passants, qui souvent, n'y prennent même pas garde car ayant d’autres préoccupations à l'esprit, en rapport avec les difficultés du vécu au quotidien. Difficultés de joindre les deux bouts à cause de la cherté de la vie (pour ne prendre comme exemple que le bidon d'huile de table de 5 l. celui-ci est passé de 320 DA à 600 DA en très peu de temps, tout comme la pomme de terre est passée du simple au quadruple). Difficulté de trouver un emploi, de trouver un logement décent, de dénicher un médicament vital ou simplement de l'eau pour boire. De l'eau : élément vital s'il en est ! En effet, Le citoyen lambda n'arrive pas à comprendre qu’il puisse y avoir tant de souffrances dans un pays si riche où petits et grands peuvent vivre décemment. Le Béchari subit stoïquement les coupures d’électricité répétitives, les coupures d'eau à longueur d'année et qui durent pendant plusieurs jours, plus d'une décade, alors qu'il se trouve à proximité d'une mer d'eau douce de 360 millions de mètres cubes ! (Retenue du barrage de Djorf-Torba qui alimente la ville). Toutes "les raisons" lénifiantes qui lui sont serinées par la voie des ondes locales et colportées par "radio – trottoir", ne justifient pas à ses yeux ces affligeantes autant que contraignantes épreuves. Les éternelles ritournelles, ces « pilules » supposées anesthésiantes qu'on s'escrime à lui administrer à longueur d'année, n’ont plus de prise sur lui. Leur longue et récusable chronicité enlève tout crédit aux responsables du secteur. Les pompes qui tombent en panne, le réseau pourri, les canalisations qui éclatent à tout bout de champ, les coupures paradoxales (quand l'oued est en crue : c'est quand il y a beaucoup d'eau dans le lac artificiel qu'il n'y en a pas dans les robinets !), les coupures du courrant électrique évoquées, le chlore qui manque pour la verdunisation de l'eau etc. Toutes ces insuffisances récurrentes, cauchemardesques qui handicapent la vie de tous les jours du citoyen, relèveraient pour lui désormais d'une fatale gestion irrémédiablement ubuesque, qui se résumerait à des incompétences incurablement rédhibitoires. A ce stade, le stoïcisme légendaire de ce citoyen blasé, se trouve dès lors, désespérément affecté.

Fait-il bon vivre à Béchar ? Après ce qui vient d’être dit, cette question peut paraître quelque peu saugrenue et faire sourire (jaune). Une ville du Sud : mille Kms au sud d'Alger, 750 Kms au sud d'Oran. Béchar fait partie néanmoins de ce pays souverain qu'est l'Algérie, un immense pays, un « continent ! » pour reprendre un qualificatif qui gonfle l'ego de tout Algérien. Il serait superfétatoire d’énumérer ici tous les atouts (tant de fois évoqués !) dont dispose « ce continent » pour réussir, pour que ses habitants vivent sinon dans le confort, du moins décemment. D'aucuns qui feraient dans l'excessif, renverraient la question autrement : fait-il bon vivre - pas spécialement à Béchar - mais dans cette Algérie qui a tant de privilèges et d'occasions ratées pour briller dans le monde ? Il faut croire que si ! En tous cas quelques 34 millions d'Algériens s'y "exercent". Beaucoup s'y trouvent bien. D'autres un peu moins. Les tenants du "pas du tout" sont déjà partis ou espèrent le faire dès que l'occasion se présente. D'autres, qu’on appelle « les harraga », (littéralement : ceux qui brûlent (les frontières)) n'attendent pas et tentent le tout pour le tout sur des embarcations de fortune, pressés de rejoindre cet "ailleurs mirifique", préférant même le cas échant et comme l’a dit l’un d’entre eux "donner son corps en pâture aux poissons que de vivre ici".

En tout état de cause, face à une adversité sans précédent et des plus féroces, à une sauvagerie inqualifiable, inusitée, le peuple algérien a fait preuve d’une résilience à la hauteur de sa grandeur légendaire. Malgré les traumatismes profonds qu'il a eu à subir dans sa chair et dans son âme, ce peuple, surmontant stoïquement son malheur, a fait montre d'une volonté farouche pour tourner à jamais cette page noire de son histoire. Ceux qui sont partis sans retour, ne nous disent pas s'ils sont heureux dans "cet ailleurs" onirique, dans "ce paradis" assidûment, ingénieusement édulcoré et magnifié par les chaînes satellitaires occidentales et celles non moins affriolantes, de nos « frères » Arabes du Moyen-Orient.

Par contre tous les étrangers y compris les Arabes (en une quasi-unanimité à peine croyable), tous se plaisent à nous dire que nous avons "un très beau pays". Cependant les plus futés omettraient d’ajouter tout en le pensant, que « c’est bien dommage ! ». Car en effet, derrière cet antinomique encore que perfide "compliment" (parce qu'il faut croire que s'en est un) se cacherait en filigrane une sentence terrible : si notre pays présente toutes ces qualités, ce serait donc nous autres qui sommes récusables, pas notre pays. Nous serions donc de ce fait, inaptes à être les citoyens de "cet éden" dont le Bon Dieu nous aurait gratifié, avec toutes les richesses que beaucoup de monde nous envie et que nous nous sommes révélés incapables de faire fructifier et donc d’en profiter. Comme dit l’adage populaire : « le Bon Dieu aurait donné des pois chiches (plutôt des pralines aux amandes) à des édentés».

A Béchar ce que l’on appelle « la malvie » n’est pas vécue différemment qu’ailleurs, mais les préoccupations diffèrent quelque peu par rapport aux villes du Nord. Béchar compte environ deux cents milles habitants. La proportion de jeunes est équivalente à quelque chose près, au ratio national, à savoir que c’est la frange de population la plus proportionnellement élevée, disons 70 à 75 % de moins de trente ans. Aussi, lorsque les collégiens, lycéens et étudiants envahissent les rues « aux heures de pointe », cette foule compacte, immense, fait froid dans le dos. Non pas parce que ces jeunes seraient dangereux ou agressifs, mais parce que leur existence même, force inéluctablement à penser à leur avenir. Parce que beaucoup sont déjà sur le marché du travail sans la moindre chance d’en dégoter un, du moins cette chance est-elle infinitésimale. D’autres le seront dans le court terme et il n’y a rien de préparé pour eux ou très peu. Le problème est d’autant plus inquiétant qu’il s’agit de vagues qui se succèdent sous une poussée démographique féroce. Des dizaines d’universitaires sinon des centaines sont à la recherche d’emploi, pendant que leurs parents se morfondent dans le désespoir pour s’être sacrifiés afin que leurs rejetons fassent des études supérieures, et qu’ils constatent amèrement que cela n’a servi à rien. Par ailleurs, du fait de la quantité incompressible de ses vagues estudiantines, le niveau scolaire a dramatiquement baissé, la qualité de l'enseignement s'en ressent à tous les niveaux. C’est ce qui a fait dire à un haut responsable du Centre Universitaire de Béchar, cet tragique aveu, à travers une boutade qu'il voulait humoristique mais qui néanmoins reste emblématique d’une situation plus qu’alarmante : « Notre centre universitaire est une garderie pour grands enfants ».

L’INDUSTRIE, L’AGRICULTURE, L’ENVIRONNEMENT, LA CULTURE, LES TIC ET LE TOC…

Dans les secteurs supposés générateurs d’emplois, le marasme est complet. Ici, les débouchés sont quasi-hermétiques. Le peu de postes de travail dégagés parcimonieusement chaque année, tous secteurs confondus y compris dans la Fonction Publique, seraient distribués par le biais du népotisme ambiant. Il n'y a pas d'industrie. Il existe cependant une direction de l’industrie, comme il en existe une pour la pêche (pas un seul petit tilapia n'a pu être pêché dans l'élevage expérimenté dans le lac du barrage de Djrof-Torba). Une direction pour la petite et moyenne industrie : quelle PMI ? On se demande par exemple ce que peut gérer la direction de l'industrie d’autres sinon des relations formelles avec certaines unités locales du secteur qui jouissent traditionnellement de l’autonomie financière et de la responsabilité civile. Celles-ci, entre autres, NAFTAL, EDIMCO, SONELGAZ etc. écoulent en l’état, les produits qu’elles importent du Nord. La SONELGAZ qui produisait du courant localement, s'est vu désormais son réseau relié au réseau national. Cependant les coupures continuent toujours à être pratiquées.

Ici, nous nous permettons une petite digression pour passer de l'économique à l'écologique à savoir l'occupation de l'espace par certaines entreprises dont le comportement en ce domaine laisse perplexe. En effet, on se demande si les EPE sont concernées par l’environnement ambiant ou bien ont-elles carte blanche pour disposer à leur guise de la nature ? Ainsi la SONELGAZ a réalisé dernièrement un projet dont la nécessité ne fait peut être pas de doute mais le choix du site de son installation peut prêter à réflexion. Cette entreprise qui a pour habitude de transformer le courant électrique, s'est mise à transformer un important site écologique, pour y mettre un transformateur : tout ce qu'il y a d'antinomique. Pour installer cet équipement (on ne sait pas si c’est le dernier !?), en partenariat avec une firme allemande, elle a dû déplacer une partie immense d’une dune de sable historique. La question qui vient à l’esprit est : pourquoi on est allé déplacer autant de sable, un morceau d'erg, pour mettre à la place un équipement électrique et en plein milieu des sables ? Comme si, à Béchar il y avait pénurie d’espace vital, à l’instar de Tokyo ou de Singapour ? Combien cette opération a-t-elle coûté (celle de déplacer la dune) ? Parce que ce n’est pas rien. Il est à noter que toute la périphérie de la ville est espace vide : nous sommes au Sahara ne l’oublions pas ! Par ailleurs, on se demande pourquoi les responsables concernés par le site (APC, Tourisme, Environnement, associations de défense de la nature, riverains etc.…) ont laissé faire ? Qu'a fait dans ce cas, l'antenne locale de l'ANN (Agence Nationale de Protection de la Nature) ? Par ailleurs, il semble même qu'une ONG canadienne (ou américaine) a octroyé une subvention à une association locale pour la protection de cette dune. Qu'est devenue cette subvention ? Pourquoi cette association n’a pas réagi ? A moins que nous ayons affaire ici à une conspiration pour faire disparaître "L’erg de Gourray » (c'est le nom de la dune), un site écologique historique et un patrimoine naturel qui est là depuis la nuit des temps.

Mitoyen à la palmeraie de l’oued de Béchar, cet erg a toujours fait avec ses palmiers dattiers, partie du visage pittoresque de la cité et partant, de son ex-charme naturel. Nous ne connaissons aucune ville au monde qui possède en son milieu un pareil atout. Qui plus est, se trouve à proximité du plus grand hôtel touristique de la ville. D’autres établissements touristiques auraient pu voir le jour dans son voisinage, pas un transformateur électrique. Pourquoi donc cherche-t-on à tout prix à détruire ce patrimoine ? Par ailleurs, devenu une carrière de sable fin depuis des années, tout le monde y vient se servir avec une facilité incroyable et l'erg continue à baisser sous les agressions quotidiennes au vu et au su de tout le monde, et donc avec la complicité de tout le monde. Dans quelques années cet erg majestueux, qui dressait fièrement ses pics d’or fin vers un ciel d’azur, va disparaître à jamais. Les responsables de la SONELGAZ qui ont installé leur transfo en plein milieu de la dune, ont-ils prévu un budget spécial pour le débarrassage du sable qui recouvrirait fatalement leurs appareils après chaque tempête de vent ? Il faut se préparer à une lutte sans merci car l'erg se vengera ! La nature est sensée ici reprendre ses droits.

Pour la préservation de cette zone, il était même question d'installer un jardin botanique à proximité du site et y créer une forêt phoenicicole avec un arboretum regroupant les espèces forestières acclimatées dans le sud ouest et des carrés de plantes médicinales. Ce jardin a connu un début de préparation dans le lieu dit de "Jardin de Janvier". Y a-t-il eut des suites à cet important projet ?

L'agriculture dans le vrai sens du terme est quasi-inexistante à Béchar. Ou plutôt se complait-elle dans un éternel et obscure état embryonnaire. D'ailleurs, cet état de fait s'est révélé au dire de tout le monde un gouffre pour milliards de dinars, un malstrom budgétivore sans les résultats escomptés.. Il semble qu’une enquête est en cours pour connaître les tenants et les aboutissants de cet échec patent. Le paradoxe est que cette wilaya qui compte quelques 13 000 fellahs, continue toujours à s'approvisionner dans les wilayas du nord ouest. En effet, la région a failli connaître la "famine" lors des dernières pluies diluviennes d’octobre 2007 qui se sont abattues sur la région, qui ont emporté un pont et quelques radiers au niveau de MOGHRAR dans la wilaya de Naama. De ce fait, tout le Sud-Ouest du pays s'est trouvé coupé du monde par la voie terrestre pendant plusieurs jours. Des pénuries de toutes sortes ont commencé à montrer le bout du nez et notamment des produits alimentaires. Effectivement, les transporteurs - grossistes qui alimentent Béchar et Tindouf en fruits et légumes n’allaient pas prendre le risque de contourner Moghrar, par les wilayas d’El Bayadh et d’Adrar pour atteindre Béchar et Tindouf par le Grand Sud ?! Ce qui reviendrait à faire des milliers de kilomètres. Dans de pareilles conditions, à combien leur reviendraient leurs produits rendus dans ces contrées ? Les habitants des wilayas de Béchar et de Tindouf, pris de court par les étals vides des marchands de fruits et légumes, ont commencé à faire des provisions de légumes secs, d’huile etc. Cela confirme si besoin est, que ces wilayas dépendent du Nord pour leur survie alimentaire et non pas sur l'agriculture locale et qu’elles continueront pour longtemps encore à être « nourries par le pneu » pour utiliser une expression ici consacrée. "Le pneu" cette mamelle noire ici tant choyée.

Nous avons vu que la majeure partie de la population de la wilaya de Béchar vit au niveau du chef-lieu de wilaya, c'est-à-dire environ 180 à 200 000 habitants. Si ces habitants devaient compter uniquement sur l’agriculture locale, ils vivraient de terribles disettes. Dernièrement, sur la voie des ondes de la radio locale, un haut responsable du secteur prétendait que OUAKDA approvisionnait en légumes plus de 50 % du marché local. Cette affirmation bizarre - pour ne pas dire une " incroyable aberration" - est plus que surprenante dans la bouche d'un responsable de ce niveau ! En entendant cela, la question qui viendrait à l’esprit est la suivante :

primo : soit que le responsable en question serait complètement déconnecté des réalités de son secteur pour ne pas réaliser qu’il existe à Béchar un marché de gros en fruits et légumes qui alimente la ville et que c’est grâce au dit marché que la ville survit et non pas grâce à l'agriculture locale. Et nous avons vu plus haut qu’il a suffit de l’écroulement du pont de MOGHRAR en octobre 2007, pour voir apparaître une quasi-pénurie de fruits et légumes dans tout le sud-ouest. Par ailleurs, les étals des marchands de légumes et fruits sont quasiment vides lors des fêtes nationales et religieuses et tous les samedis que le Bon Dieu fait, parce que le marché de gros est fermé pour cause de repos hebdomadaire des marchands de gros.

Secundo : soit que le responsable en question aurait voulu flatter sur les ondes de la radio locale, l’ego collectif des Ouakdis, habitants de Ouakda, braves fellahs de pères en fils et fiers imazighen depuis la nuit des temps. Dans ce cas ce serait pratiquer un populisme au rabais qui est d’autant plus inutile. L’honorable lecteur qui ne connaît pas Béchar, est en droit de savoir pour la compréhension du texte, que OUKDA (citée plus haut) est une agglomération périphérique au nord de la ville. Les gens de Ouakda, fellahs besogneux qui méritent toute notre considération, pratiquent sur de petites parcelles individuelles ou familiales une agriculture potagère intensive, principalement des condiments (persil, coriandre, menthe, radis, salade, blettes, gombo (mloukhia)… qui sont des appoints pour le marché local. Dès lors, prétendre qu’ils approvisionnent plus de 50 % ou même 50 % du marché, c’est carrément surréaliste ! Comment la petite minorité de fellahs de Ouakda peut-elle faire ce que les 13 000 agriculteurs de la wilaya n’ont pu réaliser ?

La wilaya de Béchar compte en tout et pour tout environ 22 000 ha de terre utilisée pour l'agriculture. Cette superficie se répartie ainsi : 5 300 ha pour l'agriculture traditionnelle, autrement dit oasienne : ksour du nord (Ouakda compris) et oued Saoura ; 5 400 ha pour le périmètre irrigué d'Abadla et le reste soit 12 300 ha constituent les parcelles de terres distribuées à des particuliers pour toutes les nouvelles mises en valeur dans le cadre des différents programme de l'Etant (FNDRA et autres).

Béchar a cessé depuis longtemps d'être cette merveilleuse oasis qu'elle a été jusqu'à la moitié du siècle dernier, lorsqu'elle se suffisait à elle-même. Actuellement, sa palmeraie, qui était dans le temps sa principale source vivrière et son poumon, est en pleine décrépitude et s'achemine vers une disparition certaine. On n'y pratique plus de cultures : les épandages des crues de l'oued Béchar qui nourrissaient ses vergers d'antan n'existent plus. Quelques palmiers poussiéreux et rabougris par la soif, abandonnés à eux-mêmes, survivent sur des terrains asséchés, vestiges pitoyables de ce que furent les prospères et luxuriants jardins de jadis. Actuellement, seule OUKDA (qui ne faisait pas partie de Béchar à l'époque) continue à produire quelques légumes et condiments d'appoint que nous avons évoqués plus haut. Mais pour combien de temps encore ? Car cette bourgade qui connaît quelques nouvelles parcelles cultivables, est déjà envahie par le béton.

La "malvie" ne concerne pas uniquement hélas, le tube digestif, bien que celui-ci soit la principale préoccupation d’une bonne partie de la population. Nous avons cité les coupures de courant, les coupures d’eau drastiques alors que l’eau existe, les réseaux défectueux, les pannes diverses à répétition etc. Il y a depuis ces dernières années un nouveau type de pénurie qui est venu s'ajouter aux autres : le manque d’argent liquide. Il est inimaginable ailleurs, que quelqu’un se présente à sa banque ou à un tout autre établissement financier teneur de comptes courants, pour retirer son argent légitime et s’entendre dire « qu’il n’y a pas d’argent » (liquide s’entend parce que la provision souvent existe bel et bien). C’est vraiment se moquer du monde ! Un tel mépris des gens de la part des services publics concernés devrait connaître un traitement sévère par leurs hiérarchies respectives. Il s'agit là d'un droit inaliénable qui est bafoué : celui de pouvoir disposer de son bien à sa guise. Le client doit être en mesure de poursuivre en justice ces établissements qui sont « en état de cessation de paiement » non seulement pour « rétention » de fonds de tiers qu’ils ne peuvent rembourser en temps voulu, et en plus, pour réclamer des dommages et intérêts pour le temps que ces établissements font perdre à leurs clients. Un temps qui souvent se compte non pas en heures mais en jours ! Le temps c'est de l'argent. Sa perte doit donc être chiffrée et payée par celui qui en est la cause.

S’il y a pénurie de ce genre, c’est qu’il y anomalie dans le circuit et s’il y a anomalie dans le circuit, c'est qu'un maillon (ou plus) de la chaîne est défaillant. Autrement dit, c’est que quelqu’un n’a pas fait son devoir à un niveau ou un autre du circuit et doit être sanctionné. Le circuit monétaire obéit à une certaine fluidité dont la Banque d’Algérie est la cheville ouvrière. Un ministre a accusé dernièrement cette institution d’être à l’origine de ces pénuries d’argent. Cette polémique entre organismes étatiques n’honore pas les services publics parce qu'elle n’a pas sa raison d’être. Qu’est-ce que cela apporte-t-il au citoyen lambda qui a un besoin urgent de son argent ? Par exemple s’il ne peut retirer celui-ci de son compte CCP ? Il ne connaît pas la Banque d’Algérie mais l’établissement qui tient son compte courant : il s’agit d’un contrat tacite. C'est à cet établissement de faire de telle sorte que l'argent soit disponible. Le Compte qui est supposé être "courant" ne l'est plus ! Aussi, de quel droit prive-t-on son titulaire de son bien ? Pourquoi doit-il être puni de l'incompétence des autres ?

LES BUREAUX DE POSTES, LES BANQUES, AIR ALGERIE… ET LES PANNES DE RESEAUX

Malheureusement les souffrances du citoyen qui a à faire à ces établissements financiers ne se limitent pas, uniquement au manque épisodique de liquidités, tant s’en faut. Si par chance ces liquidités existent ou "reviennent » comme par enchantement dans les caisses, ce pauvre citoyen taillable et corvéable à merci, doit affronter aussi, "le temps des pannes" des réseaux d’ordinateurs, ces machines dont se sont dotés presque tous les établissements financiers. Parce que les pannes de réseaux sont monnaie courante aussi ! Quand les réseaux sont en panne tout le monde se croise les bras de part et d’autres de nos guichets. Les employés ont un alibi pour ne rien faire, bénéficient ainsi d'un congé accessoire et une occasion pour papoter, aller au café ou faire leurs courses. Les clients eux, ont "le droit" de se morfondre, à faire les pieds de grues avec à la clé des fourmis dans les jambes, debout à attendre un dénouement hypothétique de leur calvaire. Si "par bonheur" le réseau revient, ils peuvent espérer d’être servis. Dans ce cas, ils sont "contents" d’oublier tout le supplice enduré par l'attente inique qu'on leur a fait subir. Par contre, si le réseau ne revient pas, on les fera revenir le lendemain. Ce qui ne veut pas dire que "le lendemain" ils seront servis car la panne peut durer un temps indéterminée.

Ce qui est grave c’est que les fonctionnaires des dits « services publics » semblent avoir perdu pour beaucoup, toute conscience du sens justement du « service public ». Aussi, penseraient-ils, consciemment ou inconsciemment, que c’est le public qui est à leur service et non l’inverse : d’où le mépris affiché avec lequel sont traités beaucoup de citoyens qui ont affaire à eux.

Néanmoins, au niveau de certains services, des efforts méritoires pour l'accès à la modernité sont visibles. A l’ère de la globalisation – mondialisation, cela ne peut être que louable. D'ailleurs cette mise à niveau est une mutation impérative : c’est « être ou ne pas être ». ALGERIE POSTE et ALGERIE TELECOM par exemple, se sont dotés de bureaux flambants neufs où l’on peut se mirer au sol, tellement les planchers sont rutilants. Il en est de même des lambris muraux et des comptoirs qui rivalisent en éclat avec les moulures, décors et autres arabesques des faux plafonds et bien d'autres belles choses encore. Derrière ces comptoirs on a installé des réseaux d’ordinateurs qui sont sensés soulager l’employé et le client, de par leur rapidité d’exécution et leur efficacité.

Or, force est de constater hélas, que c’est souvent le contraire qui arrive et ce, à cause des fréquentes pannes du réseau. D’où des chaînes sans fin qui perdurent. Un temps considérable est ainsi gâché et pour le service et pour l’usager. Le client est dans ce cas, victime de la modernité mal gérée, victime d’une technologie mal maîtrisée, victime de machines électroniques supposées traiter une opération en moins de temps qu'il faut pour le dire. La technologie informatique, numérique, est la technologie de l'instantanéité, de la spontanéité, c'est plus que de l'automatisme : celui-ci semble être dépassé ! Si ce n'est pas cela, il vaut mieux revenir aux vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves en attendant une autre génération de technicien qui serait capable de maîtriser toutes ces innovations !? Jusqu'à quand devons-nous supporter toutes ces pannes ? Pendant que quelqu'un est supposé en train de réparer quelque part une panne invisible, tout le monde est immobilisé et croise les doigts. Tout le monde perd son temps au lieu de vaquer à ses occupations, des travaux ne sont pas faits et des affaires ne sont pas traitées ou sont irrémédiablement perdues. Cette relation directe de cause à effet est génératrice de graves inconvénients sur l'économie et sur la vie sociale en générale voire sur la santé. On peste contre la technologie, on ronge son frein, on retient sa colère, en regrettant "l'ancien système". En effet, au risque de nous répéter, si l’on n’est pas en mesure de maîtriser ces systèmes informatiques, il n'y aura pas de honte à revenir aux anciens procédés, du moins, prévoir une reprise du système manuel en parallèle et ce, chaque fois que l'ordinateur "refuse" de fonctionner. L’on doit être en mesure de palier à de pareilles insuffisances pour soulager et le public et le service. Le client n'a pas à subir les avatars et les carences d'un système quelconque, mais doit être servi dès que les guichets sont ouverts aux horaires affichés officiellement à la devanture de l'édifice.

Il nous est arrivé de nous présenter au guichet "CNEP" de la Recette Principale d'ALGÉRIE – POSTE (Centre ville Béchar – place de la république), à des dates différentes : par trois fois l'ordinateur était à l'arrêt. Par trois fois il fallait partir et revenir, sans excuses ni même un brun d'explication autre que "panne de l'ordinateur !" avec une préposée au dit guichet qui vous ignore carrément : vous devenez pour elle transparent. Cette chose inique que l’on appelle ici « panne de l'ordinateur » est en passe de devenir "une normalité". Et dans les mentalités c’est devenu comme un droit, une fatalité qui dédouane le service de ses obligations. Il y eut une quatrième fois et dernière en date, cela s’est passé dans une après-midi de ce mois de février de l'an de grâce 2008. D'abord nous étions plusieurs à subir une différence d'horaires du guichet en question par rapport aux autres. Il se trouve que les horaires différèrent d'un guichet à l'autre. En effet, quoique le bureau de poste était ouvert à 13 heures, le guichet CNEP ne devait fonctionner qu'à partir de 14 heures 30. Des gens y faisaient la queue depuis longtemps. Vers quinze heures, "panne de l'ordinateur". Donc attente indéterminée. En trois heures, la préposée au guichet n'aurait pas réalisé plus de quatre opérations : quoi de plus simple qu'un versement à un compte CNEP ? Cette opération aurait duré presque une heure, montre en main ! On se demande alors où sont les critères de rentabilité pour un service qui aspire à la privatisation et qui ambitionne de mettre un pied dans l’économie de marché par le biais d'une éventuelle ouverture de son capital, un marché où la concurrence est souvent féroce ?

Dans cette affaire tout le monde perd : et le service intéressé et le client ! Mais en dernier ressort, c'est le service public qui serait le gros perdant. En effet, en ce qui concerne le SERVICE CNEP dont sont chargés les bureaux d'ALGÉRIE – POSTE, celui-ci recueille l'épargne des titulaires des comptes CNEP. Or ces derniers, souvent versent à leurs comptes plus qu'ils n'en retirent autrement la CNEP n’existerait pas. Dès lors, les difficultés qu'ils rencontrent au niveau de ce service les font fuir et c'est autant de liquidités de perdues pour ALGERIE – POSTE, et par voie de conséquence pour les caisses de l'Etat. Car pour le profane, il serait bon de savoir que les caisses des bureaux de postes sont partie intégrante des caisses de l'Etat et par voie de conséquences du Trésor Public. Les épargnants vont se diriger à l'avenir, non seulement vers les établissements qui leurs offres le plus d'avantages mais aussi, là où ils seraient le mieux servis et le plus rapidement. "Time is money". Ce phénomène de la non maîtrise de l'outil informatique n'est pas propre à un service particulier mais concerne pratiquement tous les établissements financiers, banques et autres, qui gèrent les comptes du public. A titre d’exemple, un établissement bancaire a fermé pendant trois jours consécutifs à cause d’une panne de son réseau informatique. Comme la panne a débuté un mardi après midi, la banque a fermé les jours suivants, plus le week-end. Cela lui a fait pratiquement 06 jours de fermeture : du mardi au dimanche suivant. Un congé technique comme il existe le chômage technique, sauf que le premier est payé ! Et c'est le pauvre public qui en subit en premier les avanies.

Quant aux connexions à Internet, il faut avoir les nerfs solides pour supporter les fréquentes disparitions du réseau. Vous vous dites : « je vais aller de ce pas demander la résiliation de mon contrat et changer de provider ». Puis vous vous dites que chez les autres c’est du kifkif au même. Cependant ces providers détaillants devraient être obligés de rembourser ou de défalquer du prix de l'abonnement tout le temps perdu par les pannes de leur réseau. Pour ce qui est de la ligne fixe, il ne faut pas simuler l’étonnement si vous n’avez pas de tonalité : soit il s’agit d’une panne soit que votre ligne a été coupée. Dans ce dernier cas, l’on vous dirait que vous n’avez pas payé. Si vous protestez en disant que vous n’avez pas reçu la facture on vous rétorquerait que le service n’est pas responsable de la distribution du courrier ! C'est tout de même incroyable ! Vous remarquerez que par cette réponse lapidaire, on vous indique-t-on indirectement contre qui il faut que vous vous retourniez. Le facteur c'est qui ? C’est-à-dire ce n'est contre personne que vous devriez vous retourner parce que ça ne sert à rien. Moralité : il faut avoir la patience de Job (Ayoub) !

Mais certaines contraintes sont délibérément imposées au titulaire du compte courant. Exemple : Algérie-Poste vient d'adjoindre au réseau financier de ses bureaux de poste, un distributeur automatique de billets au niveau du guichet des retraits CCP. Dès que l'agent saisit le chèque de retrait sur sa machine, par un simple clic, une caisse automatique débite en billets le montant du retrait. Formidable ! C'est fabuleux ! On ne peut être qu'ébahi devant une telle merveille. Le client dispose de son argent instantanément. Compté par la machine. Le préposé ne fait que vous le tendre. Tout cela bien sûr s’il n’y a pas de panne ! Cependant quand bien même celle-ci est absente le bât peut blesser en effet. Comment ? Si par hasard le client veut retirer de son compte plus de 200 000 DA et bien qu’il ait la provision suffisante, il doit essuyer un "niet" catégorique : il se verra répondre que le débit en billets de banque de la machine est limité à 200 000 DA ! Eh alors ? Et si le client a besoin de retirer une somme qui dépasserait le seuil imposé par la machine ? Il doit certainement y avoir une autre gymnastique procédurière. Mais bonjour la nouvelle perte de temps. Il faut encore invoquer la patience de Job dans l'espoir qu'elle sera au rendez-vous. Wa ya sabra Ayoub !

Re-moralité de la chose : il est grand temps que les banques et les établissements financiers subissent les réformes en profondeur tant attendues, (et aussi des réformes dans les mentalités) afin que cessent ces systèmes archaïques générateurs d'une bureaucratie non seulement ankylosée et ankylosante, mais quasi-suicidaire pour l'avenir de ces mêmes établissements. Ils devraient se défaire rapidement de leurs errements et agissements actuels qui sont en complète contradiction avec la modernité et par voie de conséquence, en opposition avec les exigences de l'économie de marché et de la mondialisation, laquelle mondialisation (globalisation), telle une araignée géante, a déjà tissé sa toile-réseau sur la planète. Sinon, ils seront condamnés à regarder les trains des autres passés qui sont des TGV.

Quant à AIR ALGERIE elle continue toujours à faire la sourde oreille en pratiquant des horaires de nuit impossibles sur Béchar- Alger et vice versa. Pourquoi des 00 H 15 ? Des 01 H 10 ? Des 02 H 00 ? Des 03 H 20 même des 22 H 45 ? Pourquoi oblige-t-on les gens à voyager de nuit quand on sait pertinemment qu'Alger est fermée la nuit ceci nonobstant du problème de la sécurité ? Pensez un peu aux femmes, aux vieillards, aux malades, aux bébés et enfants des autres ! Cela fait trop de mépris qui dure et qui perdure.

DE LA CULTURE

A Béchar, on confond souvent culture et folklore. Aux manifestations dites culturelles on a souvent affaire à des groupes folkloriques locaux surtout de musique. Ils sont mis au devant de la scène dans le sens propre et dans le sens figuré. Bien sûr cela ne diminue en rien de leur importance sociétale ni de leur rôle festif et distractif auprès de la population. Mais ils ne peuvent constituer à eux seuls toute la culture locale. La majorité des dictionnaires donnent des définitions de la culture qui se rejoignent, mais ne font même pas allusion au folklore comme spécifiquement culturel. Celui-ci figurerait tout au plus dans le large éventail contenu dans le vocable "Arts et traditions populaires". Mais d’aucuns aiment à soutenir mordicus que le folklore est de la culture à part entière, au lieu de n’être que ce volet accessoire voire marginal dans la vastitude de la culture. Soit. Ainsi, nous aurons éternellement des groupes folkloriques qui vont faire du remplissage, palier à l’indigence culturelle chronique, être présents là où la vraie culture brille par son absence. Ils seraient donc, non pas l’arbre qui cacherait la forêt, mais celui qui cache le vide.

La population de Béchar est assoiffée de culture, de loisirs et de distraction. A telle enseigne qu’à la moindre et rare manifestation, les salles publiques et les stades font le plein. Souvent on n’est même pas regardant quant à la qualité du spectacle. Les musiciens et chanteurs locaux sont appréciés, tout comme les nationaux et les maghrébins : ceux qui daignent faire le déplacement sont toujours bien accueillis et le regrettent rarement parce que souvent, ils ont affaire à un public connaisseur et qui a du goût et du répondant.

Nous avons vu dernièrement l’0rchestre Philharmonique National se déplacer à Ouargla. Il serait heureux que cette bonne initiative se multiplie au profit d’autres wilayas, notamment celles du Sud, qui ont rarement l’occasion d’apprécier la musique classique en temps réel et directement et par des musiciens nationaux qui ont la réputation d’être excellents.

Comme l’indigence culturelle a élu domicile dans ces contrées déshéritées et désertiques, ici plus qu'ailleurs, le bon livre a également fuit cet espace parce que n’ayant plus sa place dans les mentalités et encore moins sur les étagères des meubles bibliothèques. Les bibliothèques confondues avec les argentiers, exhibent désormais dans les salons, de la vaisselle à la place des livres. A Béchar les vraies librairies ont pratiquement disparues depuis longtemps. Quelques unes des plus anciennes se sont converties à la papeterie et à la vente des fournitures scolaires et de bureau, créneaux plus lucratifs que le livre. Cependant, il se produit de temps en temps quelques événements insolites qui sont qualifiés de « culturels ». C’est ainsi qu’il se tient actuellement au chef-lieu de la wilaya et en grande pompe, le « 2ème Salon National du Livre de la wilaya de Béchar ». Il y a grande affluence devant les stands, on s’y bouscule même. Devant "ce succès de librairie" il est question de prolonger le temps d’ouverture de ce "salon". Pourquoi pas, les affaires vont bon train. Mais ce salon aurait pu très bien s’appeler autrement, par exemple : « 2ème Salon du Livre Religieux d’origine Moyen-orientale avec quelques autres titres accessoires ».

A Béchar on peut déplorer le manque d'implication des intellectuels du cru pour le fait culturel. Les rares manifestations où leur présence est indispensable pour le débat d'idées, ils brillent par leur absence. Sauf, exceptionnellement pendant le mois de ramadan où sont organisées quelques conférences-débats sur des sujets divers mais surtout religieux : ferveur ramadanesque oblige. En fait, la présence de quelques intellectuels (toujours les mêmes d'ailleurs) à la maison de la Culture de Béchar pendant les nuits du ramadan, s'expliquerait plus par le vide provoqué par les horaires nocturnes du mois sacré, entre les prières des tarawouih et le repas du s-hour , vide qu'il faut combler d'une façon ou d'une autre. Mes ces derniers ont le méritent de venir et de s'impliquer d'ailleurs par des interventions d'un haut niveau. Ce qui fait que la maison de la culture connaisse une certaine effervescence nocturne. Après l'Aïd El Fitr, le vide reprend ses droits. Il est vrai que sur le plan pécuniaire de telles implications dans le domaine de la culture ne rapportent rien à leurs initiateurs (conférenciers et autres) et relèvent du volontariat pur. Aussi, l'institutionnalisation d'activités pérennes en matière de culture impose autre chose que la médiocrité pitoyable qui sévit actuellement dans le secteur.

Il n’existe pas de troupes de théâtre à Béchar. Mais quelques unes des autres wilayas (très rares) qui ce sont produites ici, quand bien même leurs moyens et la qualité du spectacle laissent parfois à désirer, sont bien accueillies par le public. Les acteurs connaissent des applaudissements nourris dans les bons moments. Beaucoup déploient des efforts louables afin de faire honneur à leur art et le public généreux, le leur rend bien. En plus, ces troupes ont le mérite d'exister et de se déplacer même si leurs moyens sont insuffisants et le rendement sur le plan pécuniaire dérisoire.

Dernièrement, à la salle des spectacles de la Maison de la culture, une pièce de théâtre y a été jouée. Il s’agissait d’un one-man-show qui se voulait une satire humoristique. Or, ce fut en réalité un pamphlet machiste qui frise la misogynie la plus crasse. Méchamment sexiste, l’acteur pendant presque deux heures, va vitupérer, ridiculiser, railler à satiété, la femme algérienne instruite. Cette femme dont l’homme algérien, dont l’homme arabe et musulman a peur. Cet acteur en solo sur la scène, jouait le rôle d’un mari qui a eu « le malheur » de se marier avec une femme plus instruite que lui. L’acteur décrivait toutes les misères imaginables mais surtout imaginaires que cette femme lui fait subir. Au lieu de faire rire la pièce était plus qu'affligeante.

Beaucoup parmi nous hélas ne veulent pas que la femme algérienne se libère du carcan de la tradition. Dans notre société, globalement machiste justement, il est très rare qu’une femme même instruite, puisse jouir dans son couple d’un tel pouvoir, en particulier celui décrit pas la pièce. Si celle-ci a eu quelque succès (?) ailleurs c’est parce qu’elle correspond quelque peut à l’air du temps où les idées de l’intégrisme religieux misogyne font encore recette. Il parait évident que dans l’esprit fantasmatique de l’auteur, la place de la femme est dans sa cuisine, avec ses marmites, car dès qu’elle s’instruit "elle devient dangereuse et veut prendre le dessus". C’est l’éternel problème de l’homme maghrébin qui a peur de la femme. Une femme qui menacerait sa virilité, son pouvoir de domination. Il a peur de cette femme qui risque de devenir, un jour, réellement son égale et perdra du même coup, ce statut avilissant de "bonne à tout faire" et en premier des enfants. Une « bonniche » qui toujours s’écrase non seulement devant son mari, mais devant son père, sa mère et tous les mâles de sa fratrie. Il y a une rupture urgente à faire avec les traditions négatives et tout ce qui produit et perpétuent l'obscurantisme. Car avec une telle « culture » nous n’irons pas très loin.




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