Algérie

Barbès, little Algérie de Hassen Guerrar Une certaine vision de la binationalité



Publié le 17.10.2024 dans le Quotidien l’Expression
Présenté dans la section «Red Carpet» au festival International d'Oran du film arabe et enchaînant les avant- premières, en France, le premier long métrage de Hassan Guerrar est, depuis le 16 octobre, en salle de cinéma en France.

Bien avant sa sortie, l'équipe du film n'a cessé de faire la promotion du film, d'autant que son histoire touchante met en avant une véritable association, à travers de vrais bénévoles que le public est invitée à soutenir en venant en aide aux démunis et nécessiteux.
En effet, une des raisons de cette bienveillance qui caractérise le film est tournée vers ces gens-là, sans pointe de misérabilisme, si ce n'est ce goût un peu accentué de la charité et de l'hospitalité tel qu'il est développé tout au long de ces 93 minutes que dure cette fiction.
Une histoire qui tire son essence d'autant plus qu'elle se situe au début de l'avènement de la crise sanitaire du Covid-19, posant ainsi, qui plus est, ses valises dans le quartier bien cosmopolite et animé qu'est Barbes... Synopsis: Malek alias Fianso, la quarantaine, célibataire, vient d'emménager à Montmartre. Il accueille bientôt chez lui son neveu Ryiad fraîchement arrivé d'Algérie. Ensemble ils découvrent Barbès, le quartier de la communauté algérienne, très vivant, malgré la crise sanitaire en cours.
Ses rencontres avec les figures locales vont permettre à Malek de retrouver une part de lui qu'il avait enfouie, de renouer avec ses origines et de commencer à faire le deuil de ses disparus. En effet, tout commence lorsque Malek, est sommé de revenir le lendemain à Barbes pour donner un coup aux bénévoles de l'association du quartier, gérée par Laure, campée par la célèbre comédienne Clotilde Courau. Dans ce chahut communautaire de Barbès, Malek fait connaissance de Nadjib Préfecture, alias Khaled Benaïssa qui a la vanne facile, Hadria alias Adila Bendimerad qui tient un petit resto du coin, mais aussi de la vendeuse de wax qui élève seule son enfant...Le visage toujours sombre, car souffrant d'un problème identitaire lié au rejet de sa mère de la garder en Algérie, c'est un homme «fragile» et «sensible» que croque Hassan Guerrar.
Un portait du binational qu'il est à qui il dédie d'ailleurs ce film. Malek est vite rattrapé par son passé conflictuel quand son neveu de Chlef débarque chez lui pour passer un examen d'entrée à la Sorbonne.
Le film qui s'enlise par moment dans le cliché facile, ose un portait d'un jeune Algérien qui n'est pas vraiment celui dont on se fait d'un gars de Chlef..
L'arrivée de ce garçon tout propre, sûr de lui et un peu niais, suscite l'agacement du voyou et dealer du quartier....S'ensuivent des scènes de bagarres, d'accrochages avec les policiers, de violence et course-poursuite... Si la puissance du film réside dans l'amour que le réalisateur a voulu injecter à ses racines, il finit vite par se noyer dans ce gigantesque flot ghettoïsant d'un communautarisme lyrique qui dessert un peu le propos du film. Pour autant, sa fin inattendue vient basculer toutes ces idées reçues jusque-là toute faites, celle d'un récit cousu de fil flanc dont le happy end était forcièrement attendu. Or, c'est une toute autre direction que le réalisateur a choisi de prendre faisant dérouter le spectateur, jusqu' ici bien engoncé dans des clichés un peu trop oiseux.
Un pari réussi donc pour le réalisateur même si l'aspect social de son film s'avère être un peu trop rose bonbon au goût de certains. «C'est un film sur le vivre ensemble et le regard qu'on porte sue l'Autre. J'espère, qu'en sortant de la salle, vous aurez l'envie de tenir la porte à la personne qui est derrière vous» déclarera le jeune Khalil Gharbia lors de la présentation du film à l'Institut du Monde arabe, la semaine dernière. Pour sa part Adila Bendimerad fera remarquer que «Barbès est un lieu de carrefour où tout le monde passe et repasse mais que Hadria est là! Elle est plantée là comme un pilier. Elle connaît tout le monde par choeur. Forcément, je ne sais pas comment elle ne pourra pas se jeter dans le tas quand il y a des bagarres ou quand il ya des moments de joie. J'ai aimé être Hadriya».
Khaled Benaissa dira quant à lui «avoir été très excité et honoré d'interpréter un rôle où il est drôle» arguant qu' «au cinéma on me propose soit des rôles de méchant, d'un triste ou de traumatisé alors que dans la vie je pense être quelqu'un de drôle. Ça m'a fait plaisir de glisser dans cette équipe, dans l'énergie de Hassan. Ma rencontre avec Fianso était formidable. On est devenu amis en trois minutes. C'était un vrai bonheur».
Enfin, Fianso tiendra à dire solennel que « c'est un point de vue tendre que Hassan donne sur Barbès, sur cette binationalité et cette double culture. À un moment, on n'a pas à s'excuser de venir d'un autre pays, d'être né dans un autre, on ne va certainement pas s'excuser non plus d'être fiers de la culture de nos parents. Au-delà des quelques propos militants qu'on a portés dans ce film, en réalité on a juste essayé d'être honnête et être fidèle à nous, à ce que l'on sait de notre algérianité, de notre marocanité et tunisianité, de notre histoire personnelle qui nous a tous nourris.
Ce film est une fable, un conte, une chronique de Barbès qui est le personnage principal de ce film.
Cet écrin nous a accueilli au même titre que ses murs et habitants, commerçants, ses forces vives avec ses qualités et ses défauts..»
O. HIND



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