Algérie

Banques



La séparation des fonctions, les confusions du ministre Le monde bancaire algérien continue ses mutations par soubresauts vers l?inconnu ; le ministre des Finances a pris, il y a quelques jours, la décision de séparer les fonctions de président de conseil d?administration et de président-directeur général des banques. Cette décision a été rendue publique par le biais d?un bureau d?études privé appelé Stratégica. Cette décision est insolite au moins par trois aspects : sa teneur, son auteur et son diffuseur. La teneur : il faut savoir que les banques sont des sociétés par actions d?un type spécifique régies par deux corps de règle :  1- Le droit bancaire constitué par la loi bancaire fondamentale, à savoir la loi sur la monnaie et le crédit complété par les règlements de la Banque d?Algérie.  2- Le droit commercial, c?est- à-dire le code de commerce, notamment ses dispositions sur les sociétés par actions  Aucune disposition de ces deux corps de règle n?interdit le cumul des fonctions de président du conseil d?administration et de directeur général de la société. Le ministre des Finances a pris cette décision qui a, comme diraient les juristes, un caractère « général et impersonnel ». Sa portée n?est pas uniquement individuelle, elle est donc de nature réglementaire.  Une pareille restriction devrait être édictée dans le cadre d?une modification du code de commerce ou dans celui des règlements bancaires de la Banque d?Algérie. Disons au passage que le dernier texte relatif à la question est le règlement 92-05 du 22 mars 1992 concérnant les conditions que doivent remplir les fondateurs, dirigeants et représentants des banques et établissements financiers (Journal officiel n°8 du 7 février 1993), ce règlement est signé par le gouverneur de la Banque d?Algérie. Le ministre des Finances n?est habilité qu?à prendre des décisions dans les arrêtés individuels touchant des personnes soumises à son autorité hiérarchique et non à édicter des règles applicables au monde bancaire. Dans le système algérien, le ministre des Finances n?est pas la tutelle des banques . M. Benachenhou entend ainsi s?ingérer dans un domaine réservé au législateur d?une part ou au gouverneur de la Banque d?Algérie, seule autorité compétente pour édicter des règlements bancaires. En agissant comme il l?a fait, c?est-à-dire en promulguant une nouvelle règle applicable aux conditions et modalités de désignation des gestionnaires de banques, le ministre piétine les plates-bandes du législateur et celles du gouverneur et la Banque d?Algérie dans ses fonctions normatives. On ne sait pas pour le moment si le ministre entend faire appliquer cette décision sans texte de loi, parce que tel est « notre bon plaisir », ce qui constitue une illégalité ou bien s?il entend envoyer une circulaire qu?il appliquera là où seuls les règlements bancaires sont applicables. Dans l?un comme dans l?autre des cas, la loi et la réglementation sont bafouées. Ceci pour la forme, quant au fond Le ministre motive sa décision par l?intérêt de la séparation des fonctions de contrôle dévolues au président du conseil d?administration qui exercerait des fonctions de surveillance, de contrôle et de supervision et celles du président-directeur général qui sont des fonctions d?exécution et de mise en ?uvre. Le cumul de ces deux attributions constituerait un dédoublement de fonctions de surveillance et celles de l?exécution. Et ce n?est que maintenant qu?on s?est rendu compte d?une confusion aussi préjudiciable ? Ce en quoi M. Benachenhou se trompe, c?est que le conseil d?administration n?est pas un organe de surveillance des sociétés par actions. Le droit commercial algérien, comme celui des autres pays du monde, a prévu « un organe de surveillance », dont les missions sont le contrôle de l?activité des structures et la gestion des sociétés par actions. Il s?appelle « le conseil de surveillance ». M. Benachenhou confond le conseil d?administration et le conseil de surveillance, structure prévue pour les sociétés par actions qui atteignent un certain volume. Par ailleurs, la séparation des pouvoirs est sans doute bénéfique en politique et pour la démocratie, mais elle peut avoir des effets pervers en matière de gestion de commerce et dans le management des affaires. Il n?y a pas forcément d?inconvénients à cumuler des fonctions de conception d?une politique ou d?une stratégie d?entreprise et de veiller en même temps à son exécution et à sa mise en ?uvre. Ce n?est pas par hasard que tous les droits du monde tolèrent et même encouragent que dans une société par actions, le conseil d?administration soit présidé par le directeur général. Il faut ajouter à cela que dans les sociétés par actions, les décisions sont prises à la majorité des voix qui sont proportionnelles à la majorité des actions. Il est tout à fait logique et tout aussi inévitable que le conseil d?administration et la direction de la société soient cumulés entre les mains d?une même personne ou d?un même groupe. On ne réécrit pas le droit commercial et celui des sociétés par actions avec autant de légèreté. Le diffuseur privé d?informations publiques :  Le diffuseur choisi pour l?annonce de ce projet de décision, projet de règlement ou projet de loi, est un bureau d?études privé dénommé Stratégica qui se retrouve porte-parole du ministre des Finances. Il semble d?après Le Soir d?Algérie qu?il soit basé au Canada, qu?il dispsoe d?une installation à Alger, qu?il rafle la mise et qu?il est l?heureux bénéficiaire de contrats juteux ; mais le problème n?est pas là cependant il est peut être là. Pourquoi le ministre des Finances est-il passé outre les canaux de communication traditionnels, notamment, une conférence de presse, Algérie presse services ou une publication de communiqués. Le procédé choisi est pour le moins qu?on puisse dire bizarre. Une décision à la teneur illégale et contestable, à la nature imprécise (projet de loi, projet de règlement ou que sais-je), prise par une autorité outrepassant ses compétences, diffusée par une structure privée porte-parole d?institutions publiques. Bizarre !


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