Fraîchement primé au Festival du film amazigh de Tizi Ouzou, Banc public, de Djamel Allam, a été projeté à la Cinémathèque de Béjaïa pour faire découvrir ou redécouvrir un court métrage muet aux images esthétiques et parlantes.
Djamel Allam se met désormais derrière la caméra face à des personnages qu'il a voulu, pour sa première expérience, colorés. Il met en scène des comportements algériens autour d'un personnage féminin. Des scènes de vie caricaturées, où une femme, inamovible, imperturbable, impeccablement vêtue sans être provocante, occupe un coin d'un banc public, tournant le dos à la mer. Elle est là à exercer son droit à être seule dans un espace public, dans toute la candeur de l'innocence, droite sur le banc, le regard perdu derrière le noir de ses lunettes de soleil, les mains sur son sac posé sur ses genoux, le visage ombragé par un large chapeau blanc.
Elle voit défiler, le long d'une journée, des personnages de tous les âges qui rivalisent de feintes, chacun son cinéma, pour accrocher son regard. Un pêcheur inaugure le défilement. Lui succèdent, tous aussi inintéressants les uns que les autres aux yeux de la jeune femme, un vieux sportif, un jeune frimeur, un camé à l'allure de rasta avec du reggae à fond les baffles, un virtuose de la guitare (un vrai cette fois-ci en la personne de Yuva Sid), dont les notes font à peine bouger les doigts de la voisine, un intellectuel à la tête hirsute, sur une musique d'Erik Satie, et un homme à la démarche ostensible, faisant étalage de sa fortune (dans le rôle de Fawzi Saïchi).
Neuf personnages viennent partager le banc public, dont les derniers sont des femmes partageant un ultime voisinage qui ne sera pas moins déplaisant que celui provoqué par le défilé des hommes. Première arrivée : une femme en haïk, plutôt jeune, alerte et aussitôt pressée de partir, chassée par une intruse qui vient envahir les lieux et se faire une place entre les deux jeunes femmes. Voisine de trop,
l'envahisseuse est en djilbab, encombrante, indésirable. L'accoutrement fait contraste avec l'habit blanc de la jeune femme à la robe, qui ne cède pas sa place. Elle quitte les lieux comme elle les a rejoints: sereine.
Un message fort contre une culture importée et qui donnera la substance politique de ce court métrage muet. Pourquoi muet ' «C'est un film universel. C'est la musique qui a servi de langue», répond Djamel Allam qui invite à prendre son produit «au deuxième degré». L'idée de ces «images mises sur des musiques» a été d'abord celle d'une chanson que Djamel Allam dit n'être pas arrivé à écrire. L'idée a germé depuis le jour où feu Bouguermouh, se souvient l'auteur de Djawhara, «m'a dit que tes chansons sont de petits scénarios». Tourné en dix jours, à la brise de mer de Béjaïa, Banc public sera en lice dans des festivals étrangers, dont celui de Saint-
Denis et le trophée de la francophonie de Dakar.
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Posté Le : 14/04/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kamel Medjdoub
Source : www.elwatan.com