Algérie

Bains maures et restaurants morts



Occupant la place centrale de Hammam Bouhadjar, au sud-ouest d'Aïn Temouchent,l'incontournable restaurant de Said Bentata est devenu emblématique du décor austère qui domine la mythique ville des stations thermales.Vissé à sa chaise, Saïd Bentata a le regard fixé sur son restaurant au rideau baissé et la tête perdue dans des pensées cauchemardesques. En cause,son restaurant qui tournait à plein régime est à l'arrêt. Sur la façade extérieure, plus de traces de ses deux rôtissoires et leurs tourne-broches exposés avec leur infini pivotage de poulets. L'endroit jadis très fréquenté par les visiteurs, en majorité des curistes, est désert. L'ombre du coronavirus est passée par là.
Sur tout le long du large boulevard principal Mohamed-Khemisti, la police n'arrête pas d'effectuer des tournées de contrôle des commerces pour s'assurer que la mesure portant sur la fermeture des commerces est bien respectée. Cela n'empêche pas certains cafetiers de violer cet interdit en jouant au chat et à la souris pour servir clandestinement du café dans des gobelets sous le rideau en métal à peine baissé.
Occupant la place centrale de Hammam Bouhadjar, au sud-ouest d'Aïn Témouchent, l'incontournable restaurant de Saïd Bentata est devenu emblématique du décor austère qui domine la mythique ville des stations thermales. La vie est comme suspendue.
Les moteurs des bus qui arrivaient de plusieurs régions du pays se sont tus depuis l'annonce de leur interdiction de circuler sauf pour ceux qui ont été réquisitionnés pour transporter le personnel médical et paramédical. "Cela fait près de quarante jours que mes fours sont éteints et que les marmites géantes cessent de dégager les bonnes odeurs. La poussière recouvre les tables", décrit avec tristesse Saïd Bentata.
S'il a jugé nécessaire les mesures de préventions prises par les pouvoirs publics pour protéger les citoyens des risques de contamination au coronavirus, il estime par ailleurs "injuste" que d'autres mesures d'accompagnement ne soient pas prises.
"C'est bien d'imposer le confinement, mais il serait encore mieux de penser aux petits commerces. Il faut nous indemniser. Si les fonctionnaires de l'Etat ne sont pas inquiétés par le chômage technique, il pèse lourdement sur nous restaurateurs", s'indigne -t-il. Il regrette que les autorités concernées n'aient pas tenu compte des petits commerçants. Il risque de tout perdre.
Il refuse de se faire à l'idée de voir son cher coin définitivement fermé. Ce serait triste pour ce restaurant qui est devenu un label en raison de la qualité des repas fournis et recevait une nombreuse clientèle composée généralement de curistes, de touristes et de visiteurs, des habitués de la station thermale à longueur d'année. Mais ce restaurateur peut bien pousser un ouf de soulagement avec le Ramadhan. L'arrivée du mois sacré est une aubaine pour son commerce.
À la suite des récentes mesures décidées par le gouvernement, il peut transformer son restaurant pour préparer des gâteaux très demandés en cette période. Son registre du commerce lui permet d'exercer l'activité de la préparation de gâteaux traditionnels pendant le mois de Ramadhan. Il sauve ainsi ses deux employés. "Mon restaurant est fermé depuis plus d'un mois alors que mes employés en charge de familles qui tentaient de survivre, sont sans le sou.
Nous avons cru que quinze jours de non-activité pour cause de confinement auraient suffi pour éradiquer cette épidémie, or les choses se sont corsées. La situation s'est compliquée sur le plan financier. Mes employés, qui n'ont pas d'autre source de revenus, commencent à ressentir les effets financiers de cette inactivité", redoute Saïd, père de trois enfants.
Ce restaurateur ne sait plus à quel saint se vouer pour exposer sa situation pour apaiser ses craintes et trouver des solutions aux contraintes auxquelles il fait face. ??Heureusement que le local est mon bien personnel. Qu'en est-il de ceux qui louent des locaux à 30 000 DA/mois. Qui payera l'impôt forfaitaire unique (IFU) trimestriel et la cotisation trimestrielle auprès de la Casnos si la situation perdure au-delà du mois de mai.
Les autorités vont-elles penser à prendre des mesures de soutien en faveur des commerçants et les petites entreprises et quels en seront les mécanismes ''', se demande-t-il encore. L'inquiétude est d'autant plus grande surtout avec l'annonce de l'aide de 10 000 DA au profit des citoyens qui ont perdu leur emploi et dont la gestion de cette opération a vu des bousculades devant les sièges des APC avec toutes les conséquences que cela suppose quant à la propagation de l'épidémie de coronavirus.
Saïd Bentata regrette cependant l'absence d'une quelconque association qui prendrait en charge ce genre de doléances, loin du syndicat des commerçants, à même de pouvoir revendiquer la création d'un fonds de solidarité qui puisse au moins prendre en charge les impôts et les cotisations sociales. Aussi, d'habitude le mois de Ramadhan est mis à profit pour vendre des gâteaux traditionnels afin de garantir uniquement le salaire des employés.
En attendant que l'orage passe et que la vie revienne de nouveau à Hammam Bouhadjar, Saïd peut bien rentabiliser sa période de passage à vide. Il a une idée. "Je vais en profiter pour effectuer quelques travaux en prévision de l'après-confinement pour rendre mon restaurant encore plus attractif", prévoit-il. En attendant, le rideau ne sera pas levé de sitôt.

M. LARADJ


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