S'il se contente du bain de foule qu'il a effectué hier sur la rue
principale de la ville de Tamanrasset pour tester sa popularité, le président
de la République peut se targuer de l'avoir encore intacte. Ou presque.
Tôt le matin, les habitants de la capitale du Hoggar commençaient à
affluer vers le premier point inscrit dans la visite du président. C'est à la
place de Tahagart, au cœur de la ville, que Bouteflika devait commencer sa
virée. Place où a été construite une stèle que les Targuis ont baptisé
«Illamane» (il y a de l'eau). Il devait appuyer sur un bouton pour faire
jaillir l'eau du semblant de montagne qui a été érigée à ce niveau. Il ne l'a
fait qu'à 12h40, l'heure à laquelle il a fait son entrée dans la ville. Les
femmes, les hommes et les enfants qui l'attendaient depuis de longues heures
étaient exténués. Les policiers constituant le cordon sécuritaire ne l'étaient
pas moins à les entendre se lamenter auprès de vieux notamment qui se
cherchaient une place pour s'asseoir. La nature n'a pas été très clémente
envers tous ces petites gens qui semblaient se faire un devoir de marquer de
leur présence la venue d'un président qu'ils disent bien apprécier. Le ciel
était bas à force d'être chargé et le soleil cognait sur les têtes. Le vent de
poussière qui soufflait titillait bien les narines allergiques.
Le président n'avait pas tardé au niveau de «Illamane». A peine le temps
d'écouter les quelques phrases de bienvenue qui lui ont été prononcées par le
président de l'APC. L'élu l'a aussi remercié pour avoir décidé la réalisation
du projet alimentant en eau potable Tamanrasset à partir des eaux albiennes
d'In Salah. «Vous avez participé à faire entrer la joie dans tous les foyers de
Tamanrasset», lui a-t-il exprimé. Il fera son bain de foule qu'il aime tant. Il
sera fortement acclamé par le public qui s'était regroupé tout au long de la
rue principale appelée familièrement des «Houanet» (commerces) et
officiellement l'Emir Abdelkader. Il saluait calmement avec un geste de la
main. Il s'est à peine rapproché d'un enfant habillé en tenue traditionnelle,
et lui a accordé une petite poignée de main avec un large sourire. «Abdelaziz
Bouteflika» scandaient les gens. Sans plus. Pas d'autres slogans.
Il faut dire que cette visite a été effectuée dans un moment creux de
l'histoire nationale. Ceci, même si elle coïncide - à quatre jours près - avec
la deuxième année du troisième mandat présidentiel. L'on s'interroge d'ailleurs
si les habitants de Tam se sont rendu compte que le 9 de ce même mois de l'année
2009 a été le jour de sa réélection à la présidence de la République. Aucune
voix ne s'est élevée pour une «Ouhada» supplémentaire. Aucun slogan politique
n'a été lancé.
Dignité sur fond de misère
Il est évident que depuis 2009, les choses ont beaucoup changé. Ceci, les
habitants de Tam doivent certainement le savoir. De sanglants événements se
passent juste à quelques kilomètres de chez eux, en Libye. Ils vivent aussi les
conséquences dramatiques d'une contrebande de toute nature. Les échos en provenance
du Sahel les inquiètent. Il faut reconnaître que les gens dans ce majestueux
Hoggar gardent une dignité imparable. La tête enturbannée, le regard lointain,
comme si ces hommes bleus veulent disperser leurs souffrances dans ces
immensités lunaires. Pourtant, la misère est bien installée. Elle crève les
yeux. Les enfants déambulent nu-pieds, les vêtements presqu'en chiffons. Les
jeunes traînent les pieds sans trop de convictions. Hommes, femmes et vieux
arpentent les rues en observant tristement les prix de produits de consommation
qui grimpent, grimpent, grimpent… en l'absence effarante des services de
contrôle.
D'une superficie de 557 906,25 km², organisée en 07 daïras et 10
communes, la wilaya de Tamanrasset abrite 205 220 habitants (chiffre 2010).
Elle a bénéficié d'une autorisation de programme dans le cadre du plan
quinquennal 2010-2014 de l'ordre de 243,9 milliards DA, en augmentation par
rapport à celle allouée durant le premier quinquennat de Bouteflika qui avait
équivalu à 118,312 milliards DA. A en feuilleter la synthèse du programme de
développement de la wilaya, les décideurs estiment avoir «pris en charge des
préoccupations des populations et assuré la réalisation et la réhabilitation
des infrastructures de base nécessaires à son développement». Le discours est
pompeux mais la réalité est tout autre.
Une visite d'à peine une heure
S'il est clairement admis que la région a bénéficié d'importants projets
structurels, mais les populations attendent toujours de pouvoir se faire
soigner décemment, de scolariser leurs enfants dans des écoles commodes et de
travailler en contrepartie de salaires quelques peu conséquents. Ils végètent
dans cette ville poussiéreuse aux trottoirs défoncés et aux édifices délabrés.
Après avoir inauguré le mégaprojet de l'eau potable, le président
traversera en toute vitesse la transsaharienne reliant Tam à In Guezam, il fera
vite aussi en inaugurant le nouveau pôle urbain situé à Adriane, du nom de la
montagne qui lui fait face. En dernier, il fera un saut à la station de pompage
du transfert de l'eau potable et de son laboratoire d'analyses. Il a quitté Tam
vers les coups de 14h en direction d'Alger. Sa visite dans la capitale du
Hoggar a été express. Elle lui a pris à peine une heure. A son arrivée hier à
l'aéroport Bey Ag Akhamoukh, il a été accueilli par les notables de la ville et
ses responsables civils et militaires. Il n'a prononcé ni discours, ni fait de
déclarations, ni entrepris des entretiens. Les choses sont allées très vite.
Mais sa virée au Hoggar lui aura permis d'être vu par les populations. Il faut
admettre que la réalisation d'un projet aussi important comme le transfert de
l'eau potable d'In Salah à Tam mérite bien le déplacement d'un président qui
s'est toujours targué d'avoir pris à cÅ“ur les préoccupations du peuple. Il l'a
certainement voulu le prouver à tous ceux qui l'accusent d'être absent alors
que la rue nationale gronde.
La veille de son arrivée, la rumeur d'un discours présidentiel à la
Nation s'est répandue comme une traînée de poudre. Elle a laissé les
journalistes à l'affût du moindre élément d'information à cet effet en
provenance du nord. Les liaisons téléphoniques entre Tam et Alger avaient bien
fonctionné ce jour-là. Des échos d'Alger laissaient entendre que le président
était dimanche en train d'enregistrer un discours pour célébrer la deuxième
année de son 3ème mandat…
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Posté Le : 06/04/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Envoyée Spéciale A Tam: Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com