Algérie

Bachir Messaitfa. Economiste : «L'issue du dossier Renault déterminera la perception du risque Algérie» Economie : les autres articles



-Comment pourrait-on décrire les investissements directs étrangers en Algérie du point de vue de leur apport à l'économie nationale et aux capitaux qu'ils mettent en jeu '
Depuis 2002, date à laquelle l'Algérie est entrée dans une dynamique d'investissement étranger réel, le pays a attiré 21 milliards de dollars de capitaux étrangers avec une moyenne de 2,1 milliards par an. Selon l'agence nationale de développement des investissements, Andi, l'Algérie a attiré entre 2002 et 2009 quelque 985 milliards de dinars soit l'équivalent de 15 milliards de dollars d'investissements étrangers. Ce montant représente 694 projets, dont 272 originaires des pays européens. Quant aux secteurs concernés, on peut citer l'énergie et l'industrie (56%), les services (21%), le bâtiment et les travaux publics (14%) et l'agriculture (1,4%). Je pense que la contribution des investissements directs étrangers dans la croissance économique de l'Algérie demeure faible en comparaison avec d'autres pays comme l'Afrique du Sud ou l'Egypte où la moyenne des IDE annuels a dépassé les 15 milliards de dollars. Ils sont également faibles en comparaison avec les investissements publics qui avoisinent les 40 milliards de dollars annuellement sur la période 2000-2014.
Ainsi, à titre de comparaison et si on prenait l'année 2011, on constate que l'Algérie a enregistré des IDE de l'ordre de 415 milliards de dinars (6,3 milliards de dollars) couvrant 23 projets, alors que les investissements nationaux se sont chiffrés à 1793 milliards de dinars, soit l'équivalent de 25% du PIB. Les IDE restent ainsi en deçà, en comparaison avec l'effort national et ce qui se passe dans des pays voisins, du fait notamment de la règle des 51/49, de la faiblesse de l'environnement des investissements et du niveau du risque pays, calculé par les agences de notion comme la Coface qui lui attribue la note A4.

-On reproche souvent aux investisseurs étrangers d'utiliser les ressources financières des banques nationales et de ne transférer vers l'Algérie que peu de capitaux par rapport aux dividendes qu'ils rapatrient. Est-ce vraiment le cas '
Cela est vrai parce que le législateur algérien ne fait pas de distinction entre l'investisseur national et étranger en ce qui concerne les avantages accordés, notamment les facilitations bancaires et la concession du foncier industriel, agricole et touristique, à l'exception de ce qui peut être dicté dans les lois de finances. C'est peut-être ce qui explique la faiblesse des capitaux étrangers par rapport au nombre de projets acceptés par l'ANDI ou le conseil de l'investissement et qui ont représenté depuis 2002 quelque 720 projets en partenariat avec des étrangers. Par ailleurs, le laxisme de la loi algérienne sur l'investissement à une certaine période a permis aux entreprises étrangères opérant dans le secteur de l'énergie et les services de transférer des sommes d'argent considérables avant que le gouvernement n'impose le principe de réinvestissement d'une partie des bénéfices. En tout état de cause, les mécanismes comptables et de contrôle actuels ne sont pas en mesure d'empêcher la poursuite de ce genre de pratique. Les autorités ont d'ailleurs relevé les derniers cas de corruption touchant des investisseurs étrangers, à l'image d'ArcelorMittal.
-Quid des IDE ailleurs dans le monde ou près de nous, chez nos voisins '
En matière d'investissements directs étrangers, la différence avec nos voisins est évidente sur au moins deux points. D'abord, la règle des 51/49 introduite par la loi de finances complémentaire 2009, qui a suscité les réserves de l'Union européenne et retardé la renégociation de l'Accord d'association. Ensuite, les préférences des investisseurs étrangers sont centrées en Algérie sur les secteurs rentiers : les hydrocarbures, les services et les grands chantiers de l'Etat : les routes, les barrages, le bâtiment, et ce, en raison de la faiblesse du risque dans ces secteurs. En revanche, dans les pays voisins comme le Maroc et la Tunisie, il y a un plus grand intérêt des investisseurs étrangers, l'exemple de Renault à Tanger ou d'autres investissements dans les énergies renouvelables du fait d'un environnement des affaires plus propices.
A titre de comparaison, le stock des investissements français en Algérie a atteint à la fin de 2009 quelque 2,7 milliards de dollars dont 2 dans le secteur des hydrocarbures, ce qui confirme la nature rentière de l'économie algérienne aux yeux des entreprises étrangères. Nous attendons encore de savoir ce qu'il va advenir des discussions avec Renault concernant l'investissement dans une usine de véhicules en Algérie. Cela est important, car c'est ce genre d'investissement qui pourra ajuster chez les entreprises étrangères la perception du niveau de risque de l'économie algérienne.
-Les investisseurs arabes ont souvent été critiqués parce qu'ils investissement dans des projets spéculatifs et qu'ils concrétisent peu. Ces critiques sont-elles fondées '
A partir de 2007, les investisseurs arabes ont commencé à s'orienter vers l'Algérie en raison du succès de l'expérience égyptienne d'Orascom et saoudienne de Sidar. En 2011, les investissements arabes dans le seul secteur des médicaments ont atteint 380 millions de dollars. Ces chiffres restent toutefois faibles en comparaison avec les engagements arabes dans d'autres régions dans le monde. A titre d'exemple, l'organisation arabe de l'agriculture a fait savoir que les investissements arabes dans le domaine de l'agriculture atteindraient 27 milliards de dollars à l'horizon 2016. La réalité est que les investisseurs arabes redoutent le climat des affaires en Algérie, particulièrement l'instabilité sur le plan législatif, les complications administratives, le problème du foncier qui rendent nécessaire de faire appel à l'intervention du président de la République.
A cela il faut ajouter les lenteurs du conseil de l'investissement qui tarde à délivrer les autorisations d'investir aux entreprises arabes en particulier, ainsi que la concurrence des pays voisins comme le Maroc et l'Egypte où les opportunités d'investissement sont plus faciles à saisir. C'est pour toutes ces raisons que les investisseurs arabes préfèrent s'engager dans des projets à court terme, qui ne nécessitent pas de gros capitaux comme les médicaments ou qui bénéficient de gros avantages fiscaux comme les complexes touristiques ou encore dans les gros projets de l'Etat dans le bâtiment ou les travaux publics, car le rendement sur investissement est garanti et considérable.


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