Algérie

Bachir Hadj Ali



Mémoire fracassée, mémoire vivante ! Jamais Bachir Hadj Ali n?est si algérien que dans la majesté de ses poèmes. Dans ses poésies, il fait la part du destin plus que du tempérament ; et c?est ce qui explique le passage abrupt (comme chez tous les militants de la cause nationale) d?un thème à l?autre à l?intérieur du même poème dont la structure, si souvent heurtée, n?est pas sans rappeler les rues intestinales d?Alger aux enchevêtrements tourmentés : « Il crée un message Brouill?artDans du figuierFulgurance des zgharits« Des sons et des sensSans voixCris souterrainsMémoire disloquéeAttente attendueTombeau libérateur. »(Son)Tombeau libérateur, la mort, la puissance obscure qui met fin à la souffrance de« la mémoire disloquée », dans l?attente qu?on dirait éternelle du? bourreau !« Coulée de bronze et de plombSur de fragiles esquissesL?incandescence surgitCorps aux espaces ouvertsLes doigts verts palpitentPapillons pulvérisés« Agonise la respirationS?étiole le soupirMémoire fracassée. »(Ouverture)Encore la mémoire ! Et pourquoi le poète parle tant de la mémoire ? Parce que, effectivement, sa mémoire a été « fracassé » par « les puissances des ténèbres ».Elle est devenue « disloquée » et Bachir Hadj Ali a eu le mérite suprême de décrire « la dislocation » qui ronge la vie même, dévaste le présent et ravage l?avenir de son feu qui le dévore lentement mais sûrement ; le grand « sommeil » n?est pas loin, il faut se consoler avec les mots :« Gratter les mots« Déjouer leurs sensIl suffirait d?une étincelleEt d?une flot tumultueuxEtouffant nos voixPour écouterLe sommeil ! »(Rouille)Malgré cette souffrance, la musique est là. Car, en musicologue averti(1), Bachir Hadj Ali n?a pas affaire avec le froid, le marbre du « Medrane »(2) ; qui ont pour champ « l?obscurité de la tombe » mais avec le verbe et la musique qui ont pour champ la durée, l?éternité ! Et le poète est éternel !(1)- Bachir H. Ali était un grand amateur, critique et historien de la musique andalouse.(2)- Le mot vient de « madrier » : plaques de pierres ou de marbre avec lesquelles on protège les morts des retombées de? la terre !


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