Algérie

Aznavour à Serkadji


Le geste est fort. La parole pas assez. L'ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, a surpris son monde en se rendant à la prison de Serkadji (ex-Barberousse) pour visiter le lieu où était installée la guillotine de Mitterrand. Un geste qui semble obéir davantage à un calendrier électoral qu'à un agenda de la repentance.
Il y a eu le fameux 'massacre inexcusable' d'Hubert Colin de la Verdière, prononcé à Sétif en 2005, sur les massacres des dizaines de milliers d'Algériens le 8 Mai 1945. Il y a eu également le retentissant 'le temps de la dénégation est terminé' de Bernard Bajolet, prononcé à Guelma en 2008 sur le fait que la France ne peut plus 'occulter' ses crimes coloniaux en Algérie. Pour 2011, l'ambassadeur de France a choisi l'ancien quartier des condamnés à mort algériens pour lancer : 'Nous reconnaissons les faits.'
En six ans, trois ambassadeurs français ont posé des actes symboliques qui repoussent encore plus loin les limites de l'autisme de Paris sur la guerre d'indépendance algérienne. Mais, cette fois-ci, le contexte paraît autrement plus révélateur de l'idée que se fait la France du devoir de mémoire.
Il ne serait pas honnête de minimiser la visite de l'ambassadeur à Serkadji. Les gestes valent plus que des paroles, dit-on, à condition que la parole ne dénature pas le geste. Car Xavier Driencourt a tenu à préciser qu'il ne s'agit pas de repentance ou d'une chose de ce genre, qu'il s'en tenait à la ligne fixée par le gouvernement Sarkozy et aux dernières déclarations d'Alain Juppé.
Et c'est précisément cette ligne de conduite qui pose débat. Nicolas Sarkozy se veut décomplexé sur la colonisation au point de heurter les Turcs sur le cas arménien et se retrouver en porte-à-faux sur celui de l'Algérie. On avait accusé le président français d'aller à la pêche aux voix de l'électorat arménien de 500 000 âmes, on serait facilement tenté de penser que celle du 1,5 million de binationaux algériens (ou des 6 millions de musulmans de France) pèse bien plus lourd dans la balance électorale. Si tant est que le geste de l'ambassadeur de France n'était pas assorti de tant de précautions.
Ainsi, et s'il a un mérite, c'est celui de répondre à Claude Guéant qui expliquait que le dossier de la mémoire avec Alger était soldé. Ce qui a fait chauffer les esprits en Algérie, surtout après l'abandon du projet de loi criminalisant la colonisation française. Enterré par Bouteflika sans contrepartie palpable. La France semble de ce point de vue avoir son propre calendrier de la mémoire qui risque de converger avec le timing électoral. Car la difficulté est de concilier aussi bien l'aile droite de Sarkozy qui ne lâche rien sur la question du pardon, et l'aile du rassemblement qui milite pour que 2012 ne soit pas une date de confrontation symbolique algéro-française. Surtout qu'on fêtera le 50e anniversaire de l'indépendance.
En attendant, ce n'est qu'une histoire de bonnes intentions. Pour Paris, reconnaître la guillotine du socialiste François Mitterrand est un message à double objectif. S'ouvrir aux voix arabes et affaiblir un ralliement de ces derniers à une candidature PS. Pour Alger, elle a compris depuis un moment que Sarkozy ne sera pas l'homme de la repentance et qu'il pourrait même prendre sienne la chanson de Charles Aznavour qui disait : 'Je quittais le présent pour aller vivre au temps de l'héroïque histoire.' Le grand souci de cette histoire coloniale est qu'elle n'est héroïque en rien pour nous autres.
M. B.
CeCe 13-10-2011 09:04
Rabah 12-10-2011 20:56
yacin blaha 12-10-2011 20:05
amine 12-10-2011 16:47
Ben 12-10-2011 16:03
Omar 12-10-2011 15:10
amine 12-10-2011 13:09
dane 12-10-2011 12:42
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