La dynamique du
développement local en Kabylie a souffert du printemps noir de 2001. Depuis six
ou sept ans, c'est clairement l'insécurité qui bride l'activité économique dans
la wilaya de Tizi-Ouzou. Pour la seule année 2010, 177 enlèvements ont été
enregistrés en Kabylie et des dizaines de faux barrages et des attentats à la
bombe se sont produits. Les ripostes des forces de l'ordre, sur les nerfs, peuvent
déraper comme à Azazga avec la mort de l'ouvrier
Mustapha Dial.
Grèves et
paralysie sociale. Les investisseurs apprécient peu. Enquête.
A zazga, deuxième pôle urbain et économique et de la wilaya
de Tizi-Ouzou, vit toujours sous l'onde des deux derniers
attaques terroristes qui ont ciblé un convoi et un campement militaires en
l'espace de deux mois seulement. Le second, le 24 juin dernier a conduit à une
bavure des éléments de l'ANP et a provoqué un mouvement de riposte citoyenne
pacifique. Grèves générales et marches de protestation se sont succédé
plusieurs jours et une tension reste perceptible dans les rues de la ville. Les
gens ne cachent pas leur scepticisme. M. Hami, enseignant
à l'université de Tizi-Ouzou habite un des villages limitrophes du chef lieu de
Daïra : «Azazga, situé sur l'axe Alger-Tizi-Bejaia,
est un comptoir commercial très important. Le commerce dans la région a
d'importantes vertus touristiques. Les produits proposés, notamment sur l'axe
routier reliant Azazga à Yakouren,
sont des produits d'artisanat fabriqués au niveau local : céramique
traditionnel, ustensiles en bambou, etc. Du coup, lorsque ce genre de commerce
stagne à cause de l'insécurité, c'est tout simplement l'artisanat et ceux qui
en vivent, généralement des familles très modestes, qui payent les frais». Le
commerce de l'artisanat n'est pas le seul à pâtir d'évènements comme celui du 24
juin et ses suites. «Il y a les éleveurs traditionnels qui, faute de sécurité, n'osent
plus s'aventurer dans les pâturages forestiers et finissent par renoncer à
l'élevage. Même chose pour les apiculteurs et les tailleurs de pierres qui
travaillent en pleine forêt, notamment dans la commune de Yakouren,
et qui, petit à petit, vont tous finir par céder. L'insécurité risque de coûter
trop cher à la région » épilogue l'universitaire. Même son de cloche chez des
citoyens de la ville d'Azazga. Lynda,
rencontrée au niveau de l'agence locale de la BNA ouverte récemment, pense qu'Azazga, perd de plus en plus de son attractivité. «Les gens,
particulièrement les commerçants et les industriels qui désirent s'installer à Azazga, nous a-t-elle dit, risquent de renoncer à leur
projet si cela continue comme ça. A Yakouren, cela a
déjà commencé : les gens ne viennent presque plus comme avant.»
«Les émigrés vont
peut-être hésiter à venir»
Tout le monde à Azazga ne partage pas la morosité ambiante. Le directeur
d'un important centre commercial relativise l'incidence de l'insécurité sur le
court terme : «Il est vrai que la sécurité est un élément indispensable pour
que les affaires prospèrent. C'est même vital. La situation nous oblige au
niveau local à penser plus à maintenir l'acquis qu'à réfléchir à notre
développement. C'est un peu de la gestion au jour le jour. J'estime cependant
que les résultats sont très satisfaisants. On ne peut pas dire qu'il y a eu une
dégradation de notre activité comparée aux dernières années». Le directeur du
centre commercial redoute cependant un contrecoup cet été après les évènements
qu'a connus Azazga et ses environs. Les émigrés
pourraient être moins nombreux à faire le voyage s'ils prêtaient beaucoup
attention aux couvertures médiatiques des attentats dans la région de la
mobilisation citoyenne qui a suivi la mort de Mustapha Dial,
l'ouvrier originaire du village de Souamâa. «Mais, s'empresse
de se rassurer le directeur, à présent, rien n'est encore sûr. Des bilans
partiels seront faits après l'été et un bilan global la fin de l'année. A ce
moment là, on pourra évaluer objectivement la situation. Au niveau de la région,
je pense que les gens ne vont pas céder facilement à la psychose. Je suis …
optimiste.»
Délocalisation d'entreprises
et migration des élites
C'est finalement
la vision des élus de la région qui est la plus empreinte d'amertume dans le
contexte économiquement déprimé de la région. Ces derniers, conscients des
enjeux sociaux de la situation sécuritaire dans la région, n'arrêtent pas de
tirer la sonnette d'alarme. M. Boukhtouche Mohand, maire de Souamâa, commune
d'où est originaire Mustapha Dial, fait part de son
inquiétude profonde quant aux dimensions atteintes par la situation
d'insécurité en Kabylie. «Les retombées de la situation d'insécurité sur le
secteur économique sont évidentes. Depuis un certains temps, certains
investisseurs ont déjà commencé à délocaliser leurs entreprises et, à l'avenir,
d'autres peuvent suivre. Cela va entraîner une baisse des recettes fiscales
d'une part, et l'augmentation du chômage d'autre part». Le cycle vicieux
s'alimente des faits de violence. «On sait très bien qu'à chaque fois qu'il y a
attentat ou kidnapping, les gens ont recours à la grève, ferment les routes… et
bien évidemment, lorsque ceci se produit, c'est sans nul doute l'économie qui
subit les conséquences.» La dépression sur l'activité est loin d'être
conjoncturelle. Elle se poursuit depuis plusieurs années et révèle un
désinvestissement inquiétant aux yeux du maire de Souamâa.
« Ce qui me fait le plus peur, c'est l'exode des élites locales vers le reste
du pays et à l'étranger. Quand on sait, en fait, que c'est cette élite qui
montre le chemin en matière de développement, d'éducation, et d'ouverture, il y
a vraiment lieu à s'inquiéter. La réalité est en effet là : depuis un certain
temps, on constate un retour du tribalisme, une sorte de repli communautaire
ainsi que l'émergence de l'informel et d'un banditisme de masse qui gagne de
plus en plus de terrain, ce qui constitue un vrai obstacle au développement
économique, notamment le tourisme».
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Posté Le : 05/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Amar Ingrachen
Source : www.lequotidien-oran.com