Algérie

Avocat de la terreur ou avocat de la cause juste?



L'avocat de la terreur est le titre que choisit le réalisateur français Barbet Schroeder pour retracer la vie du célèbre avocat, Maître Jacques Vergès. Le film documentaire sorti aujourd'hui, le 06 juin 2007, dans les salles de cinéma de l'hexagone, montre que le combat de Maître Vergès était et est pour la protection des plus vulnérables bien que son engagement ne soit pas compris sous cette optique. En effet, même si le parcours de l'avocat est étayé par des images, il n'en demeure pas moins que les commentaires des personnes interrogées sont parfois de nature à offusquer le téléspectateur. Il s'agit, bien entendu, de l'épithète « terroriste » dont on affuble le maître et les combattants algériens qu'il a défendus et soutenus pendant la Guerre de Libération nationale. Il convient, par ailleurs, de définir, ne serait-ce que de façon laconique, le personnage pour que les lecteurs aient une idée sur ce grand ami du peuple algérien notamment pendant la guerre d'Algérie. Il est né au Vietnam en 1925 d'une mère vietnamienne et d'un père réunionnais. A l'age de 17 ans et demi, il adhère aux forces françaises libres pour organiser la résistance contre les nazis d'Hitler. Il devient avocat en 1952 et se consacre à son métier tout en militant au PCF (parti communiste français). Après le déclenchement de la guerre d'Algérie, le maître Vergès a décidé de défendre la cause algérienne en partant du principe que les peuples n'ont pas vocation à être assujettis indéfiniment par les autres peuples. Il s'est consacré à la défense des combattants algériens après qu'il a démissionné du PCF en 1957. Pendant la bataille d'Alger, l'héroïne Djamila Bouhired a été arrêtée par les paras du général Massu. Maître Vergès s'est chargé de la défense de la combattante jusqu'au jugement et la condamnation à mort de Bouhired. Il faut aussi rappeler -c'est un secret de polichinelle- que la combattante algérienne a été durement torturée par les paras avant qu'elle ne soit jugée. Par ailleurs, là où le bât blesse c'est quand on continue 45 ans après l'indépendance de l'Algérie de traiter les combattants de l'ALN (armée de libération nationale) de vulgaires terroristes. Si, à ce moment-là, le terme a été utilisé par les services psychologiques pour remonter le moral des soldats français ; aujourd'hui son emploi n'est ni plus ni moins qu'une insulte à l'égard de tous ceux qui soutiennent que les hommes naissent et vivent libres. Le meilleur exemple a été donné par le président Sarkozy en rendant, le jour de son investiture, un vibrant hommage au jeune Guy Moquet (jeune communiste assassiné par les nazis à l'âge de 17 ans) pour son acte de résistance afin que la France recouvre sa liberté après l'agression nazie. Et aucun démocrate au monde ne dira que l'acte de ce brave jeune était un acte terroriste contre l'armée allemande. Autre constat, pendant toute la durée de la projection le mot qui revient le plus souvent en parlant des Algériens engagés dans la lutte armée pour s'affranchir du système exécrable colonial est celui de terroriste. Les personnes interviewées allaient même jusqu'à se demander si Me Vergès n'était pas terroriste comme ceux qu'il défendait. Mais la question à laquelle on ne répondait pas est d'où vient ce mot et quelle a été son évolution dans le temps? L'origine du mot remonte, en effet, à la révolution française de 1789. Le comité de salut public dirigé par Robespierre estimait que la démocratie « est à la fois terreur et vertu ». Mais lorsque les deux se mélangent, celle-ci est toujours submergée par celle-là. C'est ainsi que les partisans de Robespierre emprisonnaient ou exécutaient les non révolutionnaires parce qu'ils ne pensaient pas comme eux. C'est ce principe qui a prévalu lors de la conquête de l'Algérie en 1830. L'historien François Guihaume nous explique que: « l'idéologie coloniale soutient que l'homme civilisé, évolué, est celui qui se distingue par une attitude moderniste. De fait, on rationalise l'image d'un Arabe francophobe en expliquant que c'est son aversion pour le progrès qui est en cause. Nous pouvons donc dire à ce stade de l'analyse que les notions d'anti-français et d'anti-chrétien se joignent car elles renvoient toutes deux à une attitude anti-civilisatrice. » Grosso modo la notion de démocratie à ce moment là était l'extermination du non révolutionnaire et du non civilisé bien que pour ce dernier jugement ait été plus sévère car les militaires qui ont conquis l'Algérie n'étaient pas plus lettrés que les Algériens.Si à l'époque le terme terroriste désigne celui qui répand la terreur, il va de soi que les Algériens, en 1830, ne rentrent pas dans cette catégorie. En revanche cela ne fait aucun doute des conquérants quand on se réfère à ce qu'écrit Yves Michand à propos d'une instruction écrite par le général Montagnac en 1843 où il écrivit : « comme il faut faire la guerre aux Arabes. Tuer tous les hommes jusqu'à l'age de 15 ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger des bâtiments, les envoyer aux îles marquises ou ailleurs, en un mot, anéantir tout ce qui ne rampe pas à nos pieds comme des chiens ». Par ailleurs, la notion du terme n'est pas restée figée mais a évolué pour désigner, au vingtième siècle, une stratégie de contestation violente dirigée contre une partie de la population pour parvenir au résultat escompté. Mais en 1954 le peuple algérien dans sa quasi-totalité était pour la liberté et la libération du pays tout en considérant que les natifs d'Algérie d'origine française comme des Algériens à part entière. Par conséquent, les combattants n'ont pas exercé un chantage dans le sens où l'on veut changer simplement de régime mais pour recouvrer leur liberté. Par contre l'armée coloniale n'a pas été tendre avec les simples paysans algériens en instaurant la responsabilité collective qui consiste à châtier les habitants des douars. L'historienne Raphaëlle Branche écrit que : « dès 1955 le principe de la responsabilité collective commence à se répandre en Algérie où le général Parlange décrète que le douar le plus proche d'un sabotage ou d'un attentat en sera tenu collectivement pour responsable ». Elle ajoute plus loin en disant : « elle peut aussi aboutir à ce qu'une mission parlementaire appelle une prise d'otages ou des bombardements de villages : la responsabilité collective aboutissant alors à des représailles collectives ». En guise de conclusion, je ne crois pas qu'on puisse légitimer une violence par rapport à une autre quoi que celle des Algériens pendant la guerre soit juste dans le sens où la nomme Frantz Fanon « cette violence est l'intuition qu'ont les masses colonisées que leur libération doit se faire, et ne peut se faire, que par la force ».


c'est pour moi
pascal Mukanya - avocat - kinshasa
11/12/2010 - 9134

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