Algérie

Avis de crise sur la Tunisie où la Banque centrale défend son indépendance



La Banque centrale de Tunisie s'est inquiétée la semaine dernière de la dégradation de la situation économique du pays, appelant au retour dans les plus brefs délais au fonctionnement normal des rouages de l'Etat, qui demeurent en suspens plus d'un mois après les élections de l'Assemblée constituante. L'argentier tunisien a aussi affirmé son attachement à son indépendance.

La Banque centrale de Tunisie (BCT) a tiré la sonnette d'alarme, jeudi dernier, lors d'un conseil d'administration exceptionnel, soulignant la persistance, depuis près d'un an, des difficultés économiques dans le pays. La crise n'est pas loin, dit-elle en substance dans un communiqué.

Une mise en garde qui intervient alors que l'Assemblée constituante, élue le 23 octobre, doit voter ce mardi un texte relatif à l'organisation provisoire des pouvoirs publics, qui tend à soumettre l'argentier tunisien à l'autorité du futur gouvernement provisoire. « L'indépendance des Banques centrales et des autorités de contrôle et de régulation, demeure l'une des principales orientations et évolutions à même d'assurer la stabilité financière et de consacrer les principes de la bonne gouvernance », souligne la BCT. Depuis le 14 janvier, elle jouit d'une « marge importante d'indépendance », qui lui a permis, selon Mohamed Haddar, président de l'Association des économistes tunisiens (Asectu), de « remplir sa mission avec un maximum d'efficacité ». Une autonomie d'autant plus cruciale que les paramètres de l'économie tunisienne sont dans le rouge, plus de dix mois après la révolution qui a mis fin au régime de Zine el-Abidine Ben Ali. A la persistance des grèves et des sit-in, qui affectent plusieurs secteurs vitaux de l'économie, en particulier celui des phosphates, s'ajoute la mauvaise passe que traverse l'économie mondiale, notamment l'Europe, principal partenaire de la Tunisie (80% des échanges).

LA TENTATION DE LA PLANCHE A BILLETS

Samedi, le gouverneur de la BCT, Mustapha Kamel Nabli, a prévu une croissance nulle à la fin de l'année 2011, ce qui entraînera une baisse du rythme de la création d'emploi et une hausse du taux de chômage, qui atteignait 18,3% en mai dernier, selon l'Institut national des statistiques (INS). Selon les chiffres publiés en novembre par l'Office national du tourisme tunisien (ONTT), les entrées touristiques ont chuté de 33,3% sur les 10 premiers mois de 2011 par rapport à la même période de 2010, et les recettes associées ont reculé de 36,2%. L'investissement, intérieur et étranger, s'est contracté et ne donne aucun signe de reprise.

Enfin, le ralentissement des exportations a entraîné un accroissement du déficit commercial courant, qui a atteint 5,7% du PIB fin octobre.

Des réalités qui se conjuguent pour imposer une forte pression sur les réserves en devises. Leur niveau a progressivement baissé depuis janvier, atteignant 10,551 milliards de dinars (environ 5,3 milliards d'euros) au 14 novembre, soit 114 jours d'importations, contre 13,06 milliards de dinars (6,54 milliards d'euros), soit 147 jours d'importation au 29 décembre 2010. « On s'approche du seuil critique des trois mois, en dessous duquel la situation devient très dangereuse », commente Mohamed Haddar. Si l'indépendance de la BCT est remise en cause, « la tentation de faire marcher la planche à billets sera grande pour le prochain gouvernement », note Mohamed Haddar, qui souligne les dangers d'un telle politique. « L'inflation exploserait, ce qui perturberait toute l'économie », explique-t-il.

Les marges de manÅ“uvre en matière de politique monétaire pour relancer l'activité économique « sont désormais limitées », indique la BCT, qui a déjà eu recours à la planche à billets cette année. Le taux d'intérêt directeur a par ailleurs été ramené de 4,5 à 3,5%, et le taux de réserve obligatoire (RO), de 12,5% à 2% en quelques mois. Mohamed Haddar remarque que « le gouvernement a quant à lui utilisé sa marge de manÅ“uvre de politique budgétaire ». Le déficit budgétaire, qui s'élevait à 2,5% fin 2010 est officiellement de 4%, mais l'économiste estime « qu'il approche plutôt des 5% ».

2012, ANNEE DELICATE

La BCT appelle à accélérer la formation dans les plus brefs délais du nouveau gouvernement provisoire, pour que les institutions de l'Etat retrouvent un fonctionnement normal. Plus d'un mois après les élections, les tractations se poursuivent pour mettre en place les structures dirigeantes, générant un climat d'attentisme défavorable à l'investissement. L'adoption rapide du budget de l'Etat et de la loi de finances pour 2012, permettrait aussi, souligne la BCT, d'assurer une meilleure visibilité en matière de politiques économiques. « Cela aurait dû figurer en première ligne dans l'agenda de l'assemblée constituante, dit Mohamed Haddar.

Il faut de toute urgence un signal fort sur la stratégie économique ». Il estime qu'un « plan de rigueur » sera nécessaire pour surmonter les difficultés actuelles, et préconise la formation d'un « gouvernement resserré », composé des ministères de souveraineté, et de ceux liés aux affaires économiques et sociales. Pour Fadhel Abdelkefi, président de la Bourse de Tunis, le pays n'échappera pas à « une année 2012 délicate »




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