Algérie - A la une


Averse de vers
Malek Alloula, disparu en février 2015, laisse une ?uvre poétique rare et exigeante. Un recueil posthume intitulé Dans tout ce blanc est publié chez Barzakh avec les éditions Rhubarbe.Ces textes ont été rédigés à Berlin, où l'auteur animait une longue résidence d'écriture. Les trois parties partagent un verbe débarrassé de ponctuation. Un verbe torrentiel et limpide.Dès l'abord de la première partie, Dans tout ce blanc, une voix se fait entendre : «? je te dis». Tel est le premier vers d'un poème, précisément sous-titré «récitatif» par l'auteur. Modulant sa voix sur les tons de la confidence, de la plainte et de l'extase, le poète nous promène sur les sentiers d'un paysage intérieur et naturel à la fois.Dans le premier texte c'est une mer déchaînée qui fait bruire les vers : «Je te dis il y a la mer/ il y a oui il y a elle/ et moi/ comme sourde à ce/ à ce qui n'est pas elle». On pourrait presque parler de la théâtralisation d'une voix haletante qui tente de se faire entendre à travers le grondement des vagues. C'est finalement un message d'amour vers un personnage invoqué à la deuxième personne. Personnage muet qui se dessine en creux.La deuxième partie, intitulée Il vient, est une sorte de poésie pastorale moderne et nord-africaine. Les saisons y défilent en attendant la pluie. «Cette eau du ciel nous chantions/ jusqu'à l'enrouement pour sa venue», lit-on comme un écho des croyances animistes ancrés dans l'imaginaire maghrébin. Du «je» l'on passe au «nous» et la voix bégayante acquiert une stabilité tellurique. Stabilité des cycles météorologiques et de la transmission des conceptions cosmologiques.Le poète solitaire parle désormais à l'unisson des voix ancestrales : «La pensée d'une immémoriale fidélité/ nous enracinant dans cette terre précisément/ cette terre que nous parlons que nous parlerons/ et que nous sommes devenus.» C'est l'espace-temps de la terre de l'enfance, de la terre primordiale, que l'auteur recrée à Berlin, très loin de son Oranie natale.Le dernier texte, intitulé Les Pluies du miracle, est un court poème où l'averse tant attendue arrive en fracas comme un évènement surnaturel. Des pluies de fin du monde, selon les mots de Alloula. Et finalement, des pluies de résurrection.A chaque fois, les paysages nous parlent aussi d'humanité. Non par simple métaphore ou comme reflet de l'âme. Par la sensibilité du poète, cette nature devient signifiante et l'homme retrouve sa place dans la phrase cosmique. En abandonnant toute fioriture, tout intellectualisme, en creusant dans les tréfonds de son enfance bercée de croyances ancestrales, Malek Alloula parvient au seuil d'une poésie véritablement universelle.Né à Oran en 1936, Malek Alloula est le frère du dramaturge Abdelkader Alloula. Il a publié six recueils de poèmes ainsi que des essais et nouvelles. Après une thèse sur Denis Diderot à la Sorbonne, il s'installe à Paris et travaille principalement dans l'édition.


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