Algérie

" Avec une seule télévision étatique,nous n'irons pas très loin' "



C'était une star de la télé algérienne. Mais commed'autres, elle a préféré partir dans le privé à l'étrangerpour donner de l'élan à sa carrière. A la tête d'unenouvelle émission sur Médi 1 Sat, elle se confi e sur seschoix, ceux de la chaîne marocaine et jette un regardsans concession sur le paysage audiovisuel algérien. Vous avez récemment eu unepromotion au sein de la chaîne detélévision Médi 1 Sat : uneémission pour vous toute seule !De quoi s'agit-il ' Cette émission s'appelle « Lesdeux rives ». J'ai proposé ce conceptà la direction de la chaîne qui l'aaccepté. Tanger, où se situe le siègede notre chaîne, est une interfaceentre ces deux mondes : le Maroc,le Maghreb, et la rive nord,l'Espagne... l'Europe. L'occasionm'était donnée d'aborder tous lessujets économiques, politiques,sociaux et culturels concernant cesrégions. Nous avons abordédifférents thèmes sans tabou : ledialogue entre les religions, lesproblèmes de l'émigrationclandestine. L'émission consiste enun petit reportage accompagnéensuite d'un débat avec des invitésvenus des quatre coins du globe. Entout, 52 minutes d'émission endirect diffusée tous les jeudis à20h30. L'Algérie est bien entenduau coeur de nos émissions. Nousavons récemment discuté de la criseéconomique pour savoir si elletouchait Alger, et du devoir derepentance de la France vis-à-visdes crimes commis pendantguerre de Libération en invitant deprestigieux avocats algériens. Votre chaîne se veut lapremière chaîne du grandMaghreb. Honnêtement, en a-telleles moyens avec un budget dixfois moins important que celuid'une chaîne comme France 24 ' I l y a e u b e a u c o u p d echangements ces derniers temps. Ily a d'abord une réelle volonté duroyaume de faire de cette chaîne lagrande chaîne du Maghreb ; unenouvelle équipe dirigeante vientd'être mise en place, avec unnouveau directeur marocain,Mustapha Mellouk. L'ancienpatron, Pierre Casalta, a étédébarqué. Les moyens existent.Pour mon émission, quand jedemande un invité résidant auxEtats-Unis, le billet et l'hôtel luisont payés par la chaîne. A chaqueémission, j'ai deux directs enprovenance de l'étranger. Notrechaîne n'a pas les moyens d'AlJazeera ou d'Al Arabya, mais nousvoulons être aussi professionnels.D'ailleurs, notre chaîne est trèsregardée en Algérie, notammentdans sa partie ouest. Nous avons des correspondants en Tunisie, enLibye, en Mauritanie' I l v o u s m a n q u e u ncorrespondant en Algérie' Quese passe-t-il avec les autoritésalgériennes ' Lui reprocheraientellesd'être une chaîne antialgérienne ' On ne peut pas dire cela. Nousn'avons aucune plainte de la partdes autorités algériennes concernantnotre couverture rédactionnelle.D'ailleurs, nous avons couvertl'élection présidentielle d'avrildernier en Algérie. Certes, desdirects ont été interrompus pendantnotre couverture, mais on nous arépondu qu'il s'agissait deproblèmes techniques et non d'unevolonté de censure. Je ne mets pasen doute ces paroles. Notrecorrespondant en Algérie, BoualemZiani, fait les démarches auprès duministère de la Communicationpour être accrédité. On ne lui atoujours pas répondu. Mais nous nedésespérons pas. Si nous recevonsune réponse négative, alors onpourra parler d'un problème entreMedi 1 Sat et les autoritésalgériennes. Lorsqu'il y a unattentat en Algérie, toutes leschaînes en parlent. Pourquoi Medi1 Sat serait la seule à ne pas enparler ' Je vous indique que lesjournalistes algériens travaillantp o u r l a c h a î n e p r o p o s e n trégulièrement des sujets positifssur l'Algérie, notamment sur lesgrands projets économiques dupays. Mais nous ne sommes pasl'ENTV ! C'est sûr, on ne va pasparler pendant quinze minutes desactivités officielles de tel ou telministre. Les relations entre l'Algérieet le Maroc sont souvent tendues.Vous, en tant que journalistevedette algérienne d'une chaînemarocaine, n'avez-vous pasl'impression d'être utiliséecomme « Algérienne de service »pour des considérations qui vousdépasseraient ' Sincèrement, si j'avais eu cetteimpression, j'aurais démissionnésur-le-champ. J'ai choisi detravailler au Maroc car c'est unpays très proche de l'Algérie danstous les sens. Je peux rendre visite àma famille régulièrement. LesMarocains, malgré les idées reçues,adorent les Algériens. Ils veulent laréouverture des frontières entre lesdeux pays. Ce sont des peuplesfrères, et le temps des retrouvaillesapproche, je le sens. Pour ma part,sur le plan professionnel, on ne m'ajamais mis de barrières' Même sur la question duSahara Occidental, qu'on appelleau Maroc le Sahara marocain ' En tout cas pas à Medi 1 Sat ! Onne parle pas de Sahara marocain nide Sahara Occidental mais deSahara tout court. C'est uneconsigne de la direction pour bienmarquer notre indépendance vis-àvisdes autorités marocaines. Leschaînes marocaines RTM et 2 Mparlent de Sahara marocain maispas nous, et j'en suis fi ère car touten étant marocaine, la chaînedéfend sa neutralité. Vous étiez une journalistetrès connue en Algérie grâcenotamment à l'émission surl'ENTV « Min el hayat », uneémission de reportages quitraitait des maux de la sociétéalgérienne comme le viol, ladrogue' Pourquoi avez-voustout quitté pour vous exiler ' Je suis fi ère de ce que j'ai fait àl'ENTV. Grâce à la chaîne, je mesuis fait un nom, je m'y suis formée,j'ai pu traiter de sujets tabous'J'avais la vingtaine et je me donnaisà fond. Tout allait bien jusqu'aujour où Hafi d Derradji (à l'époquedirecteur de l'information) acensuré une de mes émissions surla violence en Algérie, jugeant lesimages trop choquantes. Alorsqu'elles ne refl étaient que la réalitéque l'on n'osait pas montrer ! Cetépisode m'a véritablement cassée.Je regarde l'ENTV et je remarquequ'aujourd'hui le niveau a baissé.Rien ne sort vraiment du lot. Je laregarde simplement pour avoir desnouvelles de mon pays. Le paysage audiovisuel enAlgérie vous déçoit, alors' Vous savez, je vante au Maroc laliberté d'expression de notre presseécrite, plus intense qu'au Maroc ouqu'en Tunisie, c'est une fi erté. Maissans libéralisation de l'audiovisuel,il n'y aura aucune avancée. Sanschaîne privée, avec une seuletélévision étatique, nous n'irons pastrès loin' La concurrence stimule etfait monter le niveau. En Algérie, noscarrières sont bloquées. On ne peutpas progresser avec une seule chaîne.Sans parler du salaire ridicule ! Enpartant à l'étranger, nos salaires sontmultipliés par vingt. La qualité devie au Maroc est intéressante, lesgens sont très gentils, je pense avoirfait le bon choix. Mais Leila Bouzidi de retourdans une télévision algérienne,est-ce possible un jour ' Peut-être. Pour l'instant, je suisbien à Medi 1 Sat. J'ai refuséplusieurs propositions dont celle dela chaîne américaine Al Horra.D'ici un an, j'envisage de travaillerpour une chaîne arabe en Europe.En Algérie, j'y reviendrai un jour.Mais sur une chaîne privée uniquement.Bio expressA 34 ans, Leila Bouzidi a déjà reçu des awards (récompenses) dans le journalisme : trois en Egypte, un en Tunisie et unautre à Bahreïn. Licenciée en histoire, l'animatrice fait ses premières armes cathodiques à l'ENTV en offi ciant dans larédaction, présentation et conception d'émissions culturelles. Elle se forgera un background dans l'émission alors phare,« Min el hayat », un magazine de société et de proximité qui avait explosé l'audimat de 1998 à 2000. S'ensuit la présentationdu JT de 13h et en même temps, une correspondance avec la chaîne TV Al Horra. En 2004, elle se rendra à Dubaï,pour y présenter le journal télévisé sur la chaîne économique CNBC Arabya. Depuis 2007, Leila Bouzidi présente le JT enarabe sur la chaîne de télévision basée à Tanger (Maroc), Médi 1 Sat, soeur cadette de radio Médi 1.


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