«Dans tous les
partis, plus un homme a d'esprit, moins il est de son parti». Stendhal
Combien
d'Algériens s'inquiètent réellement sur le sort du régime syrien ? Sont-ils
nombreux dans ce pays à s'intéresser sérieusement à la Ligue arabe, à prendre en
compte ce qu'elle dit depuis que les régimes qui constituent cette «coquille»
ont lâché la Palestine
et que la majorité d'entre eux sont devenus de simples sous-préfectures qui
gèrent des intérêts américains et européens ? Ces questions ont leur importance
pour apprécier plus ou moins correctement la politique étrangère algérienne, si
souvent brocardée, à tort, par des partis et des commentateurs. Parmi ces
derniers, en dehors de la détestation excessive de M. Bouteflika,
beaucoup s'expriment, avec des exigences au sommet comme si le pays était une
redoutable puissance militaire et une économie susceptible de faire de l'ombre
aux exportations industrielles de l'Allemagne et de la Chine. Même la Palestine et le Sahara
Occidental qui étaient porteurs dans les années du
parti unique ne disent pratiquement rien aux jeunes Algériens. Le monde arabe
qui ne suscite que de l'indifférence n'intéresse que durant les phases
violentes et spectaculaires exposées par les TV qui disent la folie criminelle
de dirigeants arabes qui suicident leur pays.
Les mutations
sanglantes en Tunisie (au début de la «révolution»), en Libye, en Syrie, au
Yémen, en Egypte, à Bahreïn ne sont évoquées que par leur mise en perspective
avec le statu quo local. Pour de nombreux appareils, optimistes béats, «cela
n'arrive qu'aux autres». Pour d'autres, cela peut être évité à condition
d'aller rapidement à de profondes réformes. A la base, la lucidité impose de
voir l'Algérie comme elle est : un gisement d'hydrocarbures exportables et un
gigantesque importateur sans industries ni services performants. De fait, le
pays, revenu à sa véritable taille depuis que le Maghreb et le monde arabe sont
devenus des «feuilles de route», n'a aucune influence sur les politiques
intérieure et extérieure des monarchies «pétroleuses» (sous protection
américaine), des pays voisins, sur l'avenir d'un éventuel Etat palestinien, hormis
celle qui consiste à participer à la lutte antiterrorisme. Le nouveau
Moyen-Orient, le Maghreb new-look, l'Afrique «nouvelle» sont, pour beaucoup,
dépendants, sous l'emprise directe de l'empire et de sa périphérie, surtout
parce que leurs dirigeants et classes politiques y ont contribué et y
contribuent avec cynisme, force et discipline. Par conséquent, faire semblant
de «dénoncer» la faiblesse de la diplomatie algérienne, qui est surtout lucide
et réaliste, relève de la posture et du spectacle virtuels.
Au contraire, le
réalisme et la discrétion choisis par l'Algérie sont exactement proportionnels
à la pointure algérienne. Seuls les hydrocarbures assurent les rentes, les gros
et petits salaires, les importations d'aliments, de médicaments, de véhicules,
de tonnes de rames de papier (pour légaliser des millions de documents par
année) et même des pétards et des allumettes. Or ces mêmes hydrocarbures
changent petit à petit de statut et de propriétaire. Déclarés «biens de
l'humanité», ils peuvent être pris par la force s'il le faut (Irak, Libye,
Afrique) et/ou pour assurer et garantir le maintien de familles au pouvoir dans
la «Oumma» dont les capitales sont
Washington, Paris, Rome, Londres et Pékin. Accessoirement La Mecque, place forte de
«bizness».
Au moment même où
des pays, y compris l'Algérie, sont considérés comme des équations dans des
logiciels qui traitent toutes les hypothèses, des ministres s'amusent à vider
de toute substance les réformes présidentielles. Dans l'avant-projet de loi
organique relative à l'information, le nombre de fois où il est écrit
«s'interdire» laisse pantois par rapport aux libertés et ouvertures inscrites
pourtant dans la
Constitution. Dans une loi, on parle «l'honorabilité»,
«atteinte à l'histoire nationale (confiée au collège d'historiens-monuments
qui siègent au gouvernement), de s'interdire l'apologie du colonialisme (sic
!), «la vie privée des personnalités publiques»… L'infantilisme, la médiocrité
et les réflexes nés de la belle époque du PCUS témoignent de la descente aux
enfers du pays… le plus parabolé de la planète. Au plan culturel, le cinéma
algérien qui a, selon le journal officiel plus de centres dédiés au 7ème art
que Hollywood et la France
réunis, n'en finit pas d'être ligoté (article 5 de la loi sur le cinéma) et de
faire rire à cause de la guerre des salles, si peu nombreuses. La tutelle «ne
veut pas gérer les salles de cinéma mais plutôt mettre en place des mécanismes
d'encadrement et de contrôle adéquats, etc., etc.». Vous avez bien lu
«contrôle» et «encadrement». Des lois, des règlements, des décrets, des
obligations, sans aucune planification pour dire la montée en cadence d'une
production (privée) disons de 15 longs métrages à
partir de 2012.
Les organigrammes
hérités du parti unique et de l'économie administrée, les lois et règlements
staliniens font florès et le nombre de «commissaires» culturels est de très
loin supérieur au nombre de films réalisés ou simplement prévus sur les 3
années à venir. La «tutelle» veut produire, gérer les salles qui relèvent du
registre de commerce et du cahier des charges, censurer toute création locale
par « l'outrage à la révolution ou à l'histoire» sinon par le FDATIC qui
échappe à tous les centres du cinéma algérien et… de l'audiovisuel réduit à un
seul diffuseur (EPIC) et à des « programmes» clonés, confondus avec des
institutions.
En fait, les
véritables enjeux, avant les élections de 2012, ne sont pas dans le bilan des
activités, les mêmes depuis des décennies. Ils sont dans les réformes, leur
esprit et dans les capacités supposées de la seule majorité pour les conduire,
alors qu'elle s'y oppose et freine des quatre fers. Sans le FFS et d'autres
oppositions crédibles, ancrées avec des discours cohérents, la future APN peut
être le tombeau des réformes et un tapis déroulé pour toutes les perturbations
différées par le coût du baril et l'aisance financière actuelle qui n'est pas
éternelle. La légèreté soutenue de départements ministériels, la cacophonie du
législatif majoritaire, les «feuilles de route» bel et bien établies devraient
inciter à l'audace, au courage politique, à l'intégration patriotique de
l'opposition pour réformer le pays par ses propres élites, de tous les bords.
Bricoler des chasses aux chrétiens, considérer la presse comme l'ennemi et le
parti éventuel du colonialisme, envoyer les citoyens vers les chaînes
satellitaires et faire diriger la culture et les festivals par des
fonctionnaires au garde-à-vous, c'est vouloir le tsunami qui « n'arrive qu'aux
autres».
Louiza Hanoune pense que M. Bouteflika va demander une deuxième lecture pour certaines
lois, déterminantes pour la démocratie, des consensus internes, les réformes et
pour crédibiliser les soutiens futurs et réduire l'abstention. Des ministres
font assaut de bureaucratie, des walis dénoncent le code des marchés et pensent
en douceur que la régionalisation serait une option à étudier, et des membres
de l'exécutif se piquent de commercialité et ne rêvent que d'encadrer, de
contrôler pour mieux faire le lit des archaïsmes. En réalité, la qualité des
partis et des candidats pour la future APN, le nettoyage en profondeur de
certaines lois seront des indicateurs précieux qui diront où sera l'Algérie
dans les 20 prochaines années, dans un monde où les amoureux du statu quo sont
éconduits dans l'humiliation, le sang par une recolonisation téléguidée de
loin.
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Posté Le : 24/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com