«Avec la situation au Maghreb, l'UE réfractaire se durcira davantage»

- Quelle est votre analyse sur les rapports Maghreb -Europe '
Évolution anémique comme résultante d'une démarche bâclée par un leadership chancelant, des objectifs peu réalistes, des contours imprécis,des dissensions franco-allemandes et un naufrage de la rive sud.
- Pour vous, le processus de Barcelone aurait-il pu réussir '
Oui ! Tout d'abord, par une énonciation claire et partagée des écueils inhérents à  toute démarche de mobilisation politique d'importance. Le projet semble résulter d'une vision «napoléonienne» de la géopolitique euro-méditerranéenne. Les particularismes et contextes à  la fois européens et sud-méditerranéens se caractérisent dans plusieurs cas par des positions irréconciliables, du moins dans un avenir rapproché. A vouloir courir trop vite, nous rappelle le proverbe... ou mieux encore «Tout valeureux fût-il, il enfourcha son valeureux étalon, mais s'en alla dans toutes les directions» (Leroy Ladurie).

- «L'UPM est un mort-né», dit-on, àªtes-vous d'accord avec ce constat ' Si oui, expliquez quelles sont les raisons '
Tel qu'évoqué dans les deux précédentes raisons, la genèse du projet semblait viciée par des intentions démesurées, un déficit de vrai consensus et des moyens plus rutilants qu'appropriés.
- Qu'est-ce qu'aurait pu apporter de plus le processus de Barcelone comme l'UPM aux pays maghrébins et inversement '
La Présidence française ne rappelait-elle pas à  la Chancellerie allemande, réfractaire, qu'elle s'en réjouirait un jour, ne serait-ce que par les mécanismes de gestion du flux migratoire, des bénéfices économiques, des marchés de travaux publics considérables et une «fidélisation» de consommateurs croissants.

- La situation actuelle dans les pays de la région (rive sud de la Méditerranée), avec les soulèvements dans certains pays et les protestations plus ou moins étouffées dans d'autres, va-t-elle changer la donne dans les rapports Maghreb-Europe '
Des changements inévitables, majeurs et encore très peu prévisibles. Et la Chine est éveillée et veille.
La donne principale porte sur une banalisation des volontés et de la crédibilité de toute démarche d'intégration. Il est pensable que l'UE réfractaire se durcisse davantage.

- Que visent réellement les Européens au Maghreb et dans la région '
A défaut d'entonner «en choeur Nord-Sud», le discours néocolonialiste libérateur est d'admettre que le champ économique sera progressivement labouré par de nouveaux joueurs plus cohérents dans leur approche économique et politique, les visées presbytes d'une certaine Europe sont condamnées. Certes, les visées sont économiques et politiques (quelles qu'en soient les prémices). Si ce n'était que cela, sans doute le processus aurait-il encore quelques chances de succès.