Algérie

Avant-projet: Le code communal, un casse-tête



L'avant-projet portant code communal fait l'objet de réunions successives en vue de l'alléger de ce que des hauts fonctionnaires qualifient de «mesures antidémocratiques et autoritaristes». «Le code communal a été fait par des fonctionnai- res qui n'ont rien à voir avec la locale», nous affirme un haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales à propos de l'avant-projet actuellement en examen. Notre interlocuteur fait remarquer qu'avant de décider à élaborer les deux avant-projets portants code communal et code de wilaya, le ministère de l'Intérieur était plongé dans une profonde inertier. C'est d'ailleurs, nous dit-il, «ce que le président de la République a relevé lorsqu'il a auditionné Zerhouni ».

Avant-projet: Le code communal, un casse-tête. Une fois élaboré, ce code semble cependant loin de faire l'unanimité des spécialistes des collectivités locales. C'est du moins ce qui nous a été rapporté par des hauts fonctionnaires du secteur. «Le code de wilaya ne pose pas de problème puisqu'il n'a pas été profondément remanié et nous savons tous que les Assemblées populaires de wilaya (APW) activent sous les commandes des walis», note l'un d'entre eux. «Ce qui en pose véritablement, c'est l'avant-projet portant code communal, parce qu'il a été fait par des personnes qui ne savent pas comment doit fonctionner l'Assemblée populaire communale (APC) dans un système démocratique et décentralisé », ajoute-t-il.

Pour notre interlocuteur, «l'on ne sait pas s'il s'agit d'une réforme territoriale ou d'un aménagement spécifique du code qui est toujours en vigueur ». Il tient d'ailleurs à faire savoir que «le président de la République n'aime pas quand on parle de réforme territoriale, parce qu'il craint à ce titre qu'il lui soit reproché des histoires de régionalisme. Il déteste qu'on lui fasse ce genre de remarque ».

Ce qui est clair, dit le haut fonctionnaire de l'Etat, c'est que «le ministre de l'Intérieur a voulu, par ce nouveau code communal, créer des pouvoirs de substitution à l'APC et notamment à son président ». L'on précise que «l'APC dans le projet de Zerhouni devient 3 fois rien : seul le wali décide». Ainsi, est-il expliqué, une fois le nouveau code communal entré en vigueur, le wali aura l'autorité absolue sur toutes les affaires des communes afférentes à sa wilaya. «Sous l'autorité suprême du wali, l'APC devra procéder à plus de 14 délibérations pour qu'enfin il lui soit donné ou pas l'autorisation d'agir», affirment nos sources. Pourtant, «il faut que les APC apprennent à gérer dans un régime qui se veut démocratique et décentralisé», est-il dit.

«Celui qui paiecommande!».

Il semble que le recentrage des pouvoirs entre les mains des walis, à la faveur de la nouvelle loi Zerhouni, n'inquiète pas le président de la République. Dans le communiqué sanctionnant l'audition qu'il lui a faite lors du mois de ramadhan dernier, Bouteflika a, lit-on, tenu à rappeler «la pertinence des réformes engagées par la consolidation de l'autorité de l'Etat, précisant qu'une administration publique solide et plus efficiente est une condition impérative pour que l'Etat s'acquitte de sa mission de garant du respect des lois de la République au bénéfice de tous les citoyens». Il a indiqué qu'il est nécessaire de «passer à une autre étape dans l'organisation, le fonctionnement et l'administration de la commune et de la wilaya, pour leur permettre de mieux assumer leur rôle d'acteurs dans la mise en oeuvre des réformes engagées et d'intégrer efficacement les dynamiques qu'elles impriment régulièrement au développement local, dans un climat de sécurité retrouvé».

Cela, a-t-il souligné, «est un impératif pour que le développement, qui a permis de faire partager le progrès dans les zones les plus reculées du pays et qui est encore porté par l'Etat dans tous les domaines, puisse bénéficier en toute transparence à tous les citoyens, là où ils se trouvent ». Le Président dira même qu'à travers l'amendement du code communal, «il s'agit non seulement de renforcer davantage la décentralisation de la sphère décisionnelle qu'est la commune, mais également de s'atteler à conforter ses compétences managériales et financières ».

Hors communiqué, il est attesté que le président de la République a lancé, à cet effet, que «celui qui paie commande !». C'était, nous dit-on, à propos de l'utilisation et de la distribution d'une dépense locale de 150 milliards de dinars pour le financement annuel des plans communaux de développement.

Bouteflika a refusé, selon nos sources, que la commune décide de son budget. Ce qui signifie que le recentrage des pouvoirs au niveau des walis, excluant ainsi de la gestion des collectivités locales les démembrements élus de l'Etat, ne gêne en rien la vision que se fait le chef de l'Etat de l'exercice du pouvoir. A moins que les réunions successives, qui sont consacrées à l'examen du code en question, le soient expressément pour tenter de corriger «le caractère antidémocratique et autoritariste» de ses dispositions. C'est ce que soutiennent nos sources, qui pensent qu'«il faut encore des réunions pour l'en alléger».

Le coup de gueule de Gaïd Salah.

Bouteflika a aussi, selon nos sources, reproché à Zerhouni les lenteurs de ses services à mettre en oeuvre les projets portant sur la modernisation de l'état civil et des documents d'identité et de voyage. «Le ministre a promis que le passeport biométrique électronique sera délivré en avril 2010 et la carte d'identité nationale biométrique en 2011 », nous dit notre interlocuteur.

Seulement, à en croire les cadres du ministère, les choses ne semblent pas tout à fait claires à cet effet. Il est affirmé que Zerhouni veut (re) utiliser des méthodes policières de premier ordre pour l'obtention notamment de la carte d'identité nationale. «Si vous avez le malheur de la demander, vous devez apposer les empreintes de vos dix doigts après avoir rempli une dizaine d'imprimés, tout ça pour que vous deveniez un numéro identifiant qui diluerait votre nom dans la paperasse exigée par des pratiques bureaucratiques d'un autre temps», expliquent les cadres. «La mise en place d'un numéro d'identification nationale unique (NIN) pour chaque citoyen ou ressortissant étranger, régulièrement installé sur le territoire national, garantira à moyen terme l'interopérabilité avec l'ensemble des systèmes de gestion», a cependant expliqué Zerhouni au Président qui, dans le communiqué de l'audition, s'est abstenu de tout commentaire sur la question. A moins que les unes dans les autres, ces nouvelles mesures confirment à Zerhouni un redéploiement de ses propres pouvoirs auquel Bouteflika aurait déjà donné son feu vert. Le recentrage des services de sécurité dans leur volet renseignement au sein d'une même autorité qu'il dirigerait semble prendre forme très doucement mais sûrement, même si de hauts responsables estiment que le projet de création d'un super ministère de la sécurité de l'Etat n'est plus d'actualité. L'on apprend que lors d'une réunion du Conseil de sécurité tenue il y a quelques semaines, le général de corps d'armée, chef d'état-major, Gaïd Salah, s'est quelque peu emporté lorsque le Président s'est plaint de l'inefficacité de la lutte antiterroriste. «Il n'y a pas que le terrorisme et l'armée aujourd'hui, on a aussi et surtout le banditisme. C'est à la police et à la gendarmerie d'agir efficacement !», aurait-il lâché sur un ton coléreux. Ce qui a poussé, nous dit-on, le Président à sortir de la réunion en claquant la porte.

Reste à savoir si c'est la colère du chef d'état-major ou ses critiques de la police, un corps sous le commandement de Zerhouni, et de la gendarmerie, un autre corps qu'il veut récupérer totalement, qui ont amené Bouteflika à se fâcher.




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