Algérie

Avant-projet de loi sur la protection des personnes âgées Le dinar et le troisième âge



Sanctionner les enfants qui abandonnent leurs parents ou les maltraitent. C?est ce que projette le gouvernement de faire à travers une loi qui contraint les enfants à assumer leurs devoirs à l?égard de leurs parents. Voilà un projet si moral qu?il ne trouvera pas beaucoup de contradicteurs. On n?a pas besoin de trop fouiller dans l?arsenal des lois pour savoir que la maltraitance à l?égard des personnes âgées ou des enfants est clairement condamnable. Ce sont des actes vérifiables et passibles de condamnations. C?est une affaire de justice. Celui qui jette ses parents à la rue sans aucune forme de procès est coupable, au moins, de mise en danger de personnes en situation de précarité. On s?étonnerait plutôt d?apprendre qu?il faille faire une loi spécifique pour punir de tels actes alors qu?ils relèveraient en toute logique du code pénal. Mais attention aux formulations floues. La notion d?abandon s?applique-t-elle aux enfants qui font leur vie loin des parents ? A plus forte raison quand on ne limite pas cette notion d?abandon à l?aide matérielle (qui peut s?exprimer en argent) mais qu?on l?étend à la nécessité de leur « procurer l?affection et la chaleur familiale ». Qui pourrait d?ailleurs être contre ces impératifs moraux, religieux ? Peut-être le regard froid du sociologue qui constate que la société évolue et que les familles éclatent et que ce n?est pas nécessairement faute de bonne moralité des enfants. Dans l?étude rendue publique sur la « problématique de la société civile en Algérie », publiée dans Le Quotidien d?Oran, Lahouari Addi souligne « qu?aujourd?hui, l?échange monétaire, l?urbanisation et le salariat ont libéré les logiques de l?intérêt individuel. La famille élargie (?ayla) où cohabitaient trois, voire quatre générations s?est désintégrée pour laisser apparaître des espaces domestiques limités au père, à la mère et aux enfants. Si ce n?est pas le cas, faute de logement ou de travail, c?est une tendance lourde portée par les aspirations des jeunes générations ». On est, explique-t-il, dans une transition d?une sociabilité à une autre et c?est le « dinar qui aujourd?hui remplace l?affabilité de l?oncle, la générosité du cousin, la disponibilité du voisin et la solidarité des gens anonymes ». C?est sobre et cela explique mieux que toutes les envolées moralisantes pourquoi les personnes âgées sont devenues aujourd?hui un « problème » alors qu?elles ne l?ont jamais été auparavant. Et le problème deviendra de plus en plus pressant avec le vieillissement de la population puisque l?Algérie compte actuellement plus de 3,7 millions de retraités. Il sera difficile à la loi d?imposer aux individus de donner de « l?affection et de la chaleur familiale » à moins de les formuler de manière objective. Elle peut par exemple imposer que les enfants apportent une aide financière aux parents qui sont dans le besoin et qu?ils veillent à ce qu?ils aient un logement décent. Les images dures des vieillards abandonnés dans des hospices, fort mal adaptés au demeurant, montrent que la structure familiale traditionnelle est bien en voie de désintégration. Et que désormais se pose la question de la prise en charge publique et sociale des personnes âgées. Le nombre de personnes âgées abandonnées augmente indéniablement et cela constitue une vraie alerte pour l?avenir. Il faut néanmoins noter une large persistance d?une relation affectueuse forte entre les parents et les enfants. C?est peut-être dans ce domaine seulement où l?on résiste encore au « dinar ». Le « chibani » continue de passer en général avant le dinar et malgré les contraintes d?une vie chaotique. Ils sont en effet très nombreux à faire ce qu?ils considèrent être leur devoir naturel, moral ou religieux sans avoir besoin qu?une loi les y contraigne. C?est rassurant quelque part même s?il faut bien admettre que la logique de l?intérêt individuel avance...
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