Algérie

Aux urnes citoyens !



Aux urnes citoyens !
C'est aujourd'hui que les Algériens sont appelés à voter pour élire la future assemblée nationale. Seront-ils au rendez-vous de cette consultation qui selon les dirigeants sera déterminante pour l'avenir démocratique du pays ' Si on se réfère au pronostic du ministre de l'intérieur, le score sera dans les normes. Le taux de participation sera appréciable, a-t-il déclaré. Si en revanche on se fie à la vox populi, les bureaux de vote risquent de ne pas faire le plein. Tout tourne donc autour du nombre de votants qui, aux yeux des observateurs, constitue l'enjeu capital de ce scrutin pas comme les autres. Bizarre quand même qu'on s'intéresse plus au contenant qu'au contenu. Aller voter devient dans ces conditions plus qu'un devoir citoyen, un acte éminemment patriotique. C'est que l'événement électoral depuis son lancement a été sciemment présenté comme un tournant historique qu'il ne faut pas rater. C'est l'événement de tous les dangers qui menacent notre pays et contre lesquels il faut faire face en' se rendant aux urnes massivement.
On ne précise pas la nature du danger qui viendrait aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur, mais on persiste à surfer sur les menaces qui pèsent sur nos têtes si jamais on penche pour l'abstention. Daho Ould Kablia, le ministre de l'Intérieur et superviseur en chef des élections a répondu donc aux détracteurs en prenant le soin d'afficher un optimisme de circonstance qui ne trompe personne. Mais, s'il est dans son rôle de valoriser à l'avance la tendance électorale, il n'est pas sûr que ses prédictions soient suivies à la lettre pour peu qu'on s'attarde sur l'état d'esprit des algériens, toutes couches sociales confondues, à propos de la signification, de l'importance et de l'impact de ces élections sur les masses populaires.
A moins qu'il ne fasse confiance aux vieilles pratiques du système qui a l'expérience et l'art de maîtriser les performances chiffrées, même si elles sont virtuelles, les jeux restent pourtant ouverts à toutes les éventualités. Notamment à celle qui prendrait le contre-pied d'un discours officiel qui semble usé, manquant terriblement d'imagination, et qui fait dans l'émotionnel pour essayer de brasser large. C'est un peu ce qu'a fait Bouteflika à Setif pour faire passer le message de l'obligation patriotique qui doit être au-dessus de toutes autres considérations. A entendre le Président qui annonce solennellement la fin de mission pour sa génération, mais à titre théorique seulement, les algériens en refusant de répondre à l'appel électoral auront plus à perdre qu'à gagner, et le pays avec. Aux urnes citoyens ! Le discours avait des accents pathétiques certes, mais on sentait chez le chef de l'Etat toute la charge d'une appréhension qui pèse d'abord sur sa crédibilité politique personnelle.
Le forcing oratoire avait des allures d'un cri de désespoir pour inciter les foules à sauver son projet de réformes sur lequel il a misé gros. En vérité, si Bouteflika a manifesté des intentions (sincères ou supposées) pour réformer le système politique algérien avant de prendre sa retraite, projet qui commence par la reconstitution de l'APN, il ne s'est jamais donné en vérité les moyens ni la conviction politique pour aller au bout de ses ambitions. Lors de ses deux précédents mandats, il s'est davantage soucié à renforcer son autorité dans un système présidentiel qui supervise tout qu'à vouloir mettre en 'uvre un projet de réforme authentique, constitutionnellement et institutionnellement parlant, orienté exclusivement sur la démocratisation de notre société. D'aucuns diront que le Président, en dépit du fait qu'il a toujours refusé d'être un quart-Président, n'a jamais eu les coudées franches pour diriger le pays comme il l'entendait.
A l'ombre du fameux pouvoir invisible qui n'a jamais cessé d'avoir une influence sur la vie politique nationale, Bouteflika, soutiendront les observateurs, a eu une marge de man'uvre réduite qui l'a amené souvent à faire dans l'improvisation, dont la conséquence a été de laisser prospérer une vie politique anarchique, désuète, mais contrôlable à souhait, autrement dit une activité qui ne laissait planer aucun risque de remise en cause du système. Résultat, pendant ces deux mandats et plus, et à la veille de ces législatives annoncées comme une source de survie, le système dictatorial et donc antidémocratique a trouvé les bons ressorts pour se consolider. Et si finalement le Pouvoir a choisi l'avènement de ces élections pour faire la promotion d'un changement institutionnel limité dans son espace, ce n'est sûrement pas pour engager une vraie ouverture démocratique qui mettrait en danger l'ordre établi auquel tient de toutes ses forces le Président.
Mais plus grave, s'il n'a pas eu la volonté politique de refonder le système par l'émergence d'abord d'une puissante force démocratique qui existe au sein de notre société, Bouteflika a préféré se pencher du côté des islamistes pour un équilibre qui va en réalité au désavantage du courant progressiste du pays. S'il a fait de la réconciliation nationale le principal cheval de bataille de son programme, il reste qu'avec lui le mouvement islamiste s'est régénéré et se trouve même en pole position pour être aux commandes. L'APN étant un excellent tremplin pour s'exercer au pouvoir, les barbus b.c.b.g. se préparent à investir l'enceinte avec une ambition dévorante de ne pas se laisser conter. Pourquoi cette tendance de Bouteflika qui était apparu aux Algériens comme un Président moderniste, capable de hisser le pays encore plus dans la modernité universelle '
A Sétif, son discours était ressenti comme un désaveu à sa propre politique, signe d'impuissance de n'avoir pas pu aller au-delà de l'idée qu'on pouvait se faire de l'idéal républicain. C'était en tout cas un peu tard de vouloir, pas de simples mots, passer le relais à une jeunesse que le système à longtemps désabusée et écartée des sphères de responsabilités.




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