Algérie - A la une


De palabre en palabre, nos trois comparses d'un certain âge ouvrent le débat sur un sujet qui sans nul doute suscitait leur révolte. Le ton s'élevait, les joues devenaient pourpres ; ils n'y allaient pas avec le dos de la cuillère. La cause de leur discussion enflammée : la fameuse question que leurs tuteurs leur posent en les voyant quitter la demeure sans autorisation : «Où tu vas comme ça'»- Tu imagines, en sortant de la maison, après avoir tout récuré, je croise mon petit frère à l'angle de la rue, et devine ce qu'il me lance ' «Alors khtitou (petite s'ur), tu vas où comme ça'»
Tu sais, mon sang n'a fait qu'un tour ! Je l'ai fusillé du regard, en lui signifiant qu'il ferait mieux de s'occuper de ses oignons. Tu te rends compte, à cinquante ans il continue à surveiller mes déplacements '
- Tu as raison, il ne faut pas se laisser faire. Moi, c'est clair, quand je sors, je ne dis jamais à mes fils où je me rends. J'ai su dès le départ leur donner le pli. D'ailleurs, pour l'anecdote, j'ai reçu des invités surprise hier, eh bien il leur a tout bonnement répondu qu'il ne savait même pas où j'étais et à quelle heure je rentrais. Tu te rends compte si je m'amusais à 60 ans à rendre des comptes de tous mes faits et gestes' C'est ma liberté que je perdrai. Et à la longue, c'est leur autorisation que je devrais demander ! Le seul qui avait le droit de savoir, c'était mon époux, que Dieu ait son âme, et personne d'autre.
La troisième, un peu plus jeune, renchérit :
- Moi, ce qui me fait sortir de mes gonds, c'est lorsque tu te lèves tous les matins aux aurores pour aller trimer, qu'il pleuve ou qu'il vente, pendant que tout le monde ronfle encore, y compris le dernier avorton d'à peine 25 ans, chômeur de luxe, alors que toi tu en as 45, et que tu rentres le soir exténuée, on te fait un interrogatoire sur dix minutes de retard. Ils zappent complètement que tu pars à l'autre bout de la ville et que tu galères dans les bus. Là, ils te rendent chèvre. Mais je ne me laisse pas piétiner.
Je le remets à sa place et croyez-moi, je ne mâche pas mes mots, bien que ma mère lui donne toujours raison, sous prétexte qu'il est le garçon unique. Parfois, quand elle est excédée, ça tourne à l'esclandre. Elle essaye de me calmer en sortant la phrase magique : «Ton père n'est plus là, c'est lui l'homme de la maison.» Alors elle me pique au vif : «Et bien, désormais, c'est lui qui nous nourrira !»
En fait, tu te bas seule, et ce n'est sûrement pas ta maman qui te soutiendra, elle qui ne franchissait pas la porte sans le laissez-passer de mon père. Elle veut passer le flambeau à son fils. Je bataille tous les jours, car en plus, en dehors des journées de travail, je n'ai pas le droit de sortir. Je leur fais du chantage en menaçant de quitter mon emploi. Je te prie de me croire que ça les fait trembler, alors ils me laissent tranquille quelque temps. En fait, c'est un combat quotidien. Il ne faut pas lâcher, sinon tu es cuite ! n


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