Algérie

Automobile - Reprendre le contrôle du marché algérien



Renault en Algérie ? Les palabres continuent pendant que les finances du pays subissent une véritable hémorragie.

Abdelhamid Temmar a fait des émules. Les multiples promesses de l’ancien ministre de l’Industrie, annonçant le lancement imminent de grands projets dans l’industrie automobile, sont reprises par des successeurs qui semblent tout aussi inconsistants.

De déclaration hasardeuse en sortie médiatique approximative, les responsables du secteur sont en train de discréditer le nouveau projet, en cours de négociation, entre Renault et des parties algériennes difficiles à identifier, alors que les importations algériennes dans ce domaine atteignent un seuil alarmant.

Tel qu’il se présente, le projet en cours de discussion a peu de chances d’aboutir. Non parce qu’il ne serait pas viable ni parce qu’il serait inopportun, mais parce que la démarche engagée est peu convaincante, tant elle accumule incohérences, effets d’annonce mal gérés et absence de visibilité.

Selon le ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement, Mohamed Benmeradi, dont les propos sont rapportés par la presse, le projet bute sur des exigences inacceptables de Renault.

Le constructeur automobile français réclamerait en effet une meilleure protection du marché algérien, avec des restrictions à l’importation, ainsi qu’une participation algérienne à l’investissement, alors que Renault devrait s’occuper tout seul du volet commercial. En parallèle, Renault exigerait une reprise du crédit automobile, qui a permis une explosion du marché algérien durant les dernières années. Qu’exige l’Algérie en contrepartie ?

Que le projet ne se limite pas à une unité d’assemblage mais constitue une véritable usine de fabrication de véhicules, avec un taux d’intégration conséquent et une participation de la sous-traitance algérienne ; il faudrait en outre que Renault s’engage financièrement et « ne se contente pas d’apporter son label», selon la formule de M. Benmeradi.

Ainsi engagée, la discussion va rapidement se transformer en un dialogue de sourds. D’une part, Renault ne peut demander une protection du marché algérien ni une révision de la politique du crédit, car ceci relève de choix politiques du pays, aussi mauvais soient-ils. Si le constructeur français a vraiment présenté ces requêtes, cela signifie que le projet ne l’intéresse pas.

C’est une page qu’il vaudrait mieux tourner tout de suite. Mais le plus inquiétant réside dans l’approche algérienne du projet. D’abord parce qu’on ne sait pas qui va décider. Est-ce le chef de l’Etat ? Le chef du gouvernement ? le ministre ? ou la SNVI qui sera le partenaire éventuel de Renault ? Ensuite, parce qu’on ne sait même plus pourquoi on veut lancer ce projet. La partie algérienne semble attendre les propositions de Renault pour les contrer, les amender ou les accepter.

C’est une démarche qui mène droit à l’échec car, même si le projet est engagé, il sera ingérable pour la partie algérienne, dont l’administration est, de toute façon, incapable d’accompagner un projet d’une telle envergure. A l’inverse, il suffirait de fixer quelques objectifs précis pour définir les contours d’un projet économiquement viable, socialement utile, financièrement supportable et facile à intégrer dans une démarche économique cohérente.

En utilisant au mieux les arguments dont dispose l’Algérie. Et ils sont nombreux. Pour l’heure, l’Algérie a totalement cédé son marché interne aux constructeurs étrangers, sans aucune contrepartie. Une usine en Algérie, qui pourrait satisfaire le quart ou le tiers du marché algérien, serait la bienvenue.

Elle pourrait au moins servir de moyen de pression sur les concessionnaires, en leur imposant un certain nombre de contraintes. L’Algérie est-elle prête à payer pour reconquérir son marché ? Et combien ? La création d’emplois, le transfert de savoir-faire et la maîtrise de la gestion viendraient compléter ce tableau.

A charge ensuite pour les autorités algériennes de créer les conditions nécessaires pour qu’une véritable politique de sous-traitance émerge en Algérie. Si le projet est engagé sous cet angle, le volet financement devient secondaire. L’Algérie dispose de ressources financières dont elle ne sait que faire. Autant les utiliser pour réduire la facture des importations automobiles, qui atteint les trois milliards de dollars par an.

Selon les projections les plus fiables, ce marché devrait atteindre cinq milliards de dollars avant 2015. Tout gouvernement sérieux se doit de s’inquiéter et de faire en sorte qu’au moins la moitié de cette demande soit satisfaite par la production locale, ce qui aura des effets immenses sur le tissu industriel du pays.

Ces seuls aspects devraient inciter à une prise de risque maximale. A moins qu’on ne veuille maintenir une dépendance totale du marché algérien envers les importations. Ou, ce qui est plus probable, que l’administration algérienne soit incapable de concevoir, de piloter et d’exploiter le projet.




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