Algérie - Parutions de livres de littérature

Aurès insoumis de Messaoud Nedjahi, Poésie - Éditions Publibook, Paris 2005


Aurès insoumis de Messaoud Nedjahi, Poésie - Éditions Publibook, Paris 2005
Présentation

L’auteur semble se jouer des mots, ils deviennent sous sa plume tableaux et jouent sur la page afin de donner à voir au lecteur les tourmentes de l’Algérie contemporaine.

Lui faire écouter L’Algérie
Aujourd’hui
Cette Algérie qu’emportent les éléments
Cette Algérie qui se noie dans la crue des larmes
Cette Algérie qui psalmodie son deuil au milieu de mille regards hagards perdus en ma chevelure millénaire.

Extrait

Pour commencer

En vérité quand j’écris, je ne veux rien dire du tout. Seulement voilà, les mots qui noircissent mes pages blanches se révoltent contre moi, s’organisent au mieux et composent selon une logique propre, une esthétique, un poème, une prose et lui donnent un sens onirique et profond que je découvre bien après, après maintes et maintes lectures et relectures. Au fond je suis plus lecteur qu’écrivant, bien plus, bien plus.

Bien souvent, les mots se répètent d’eux-mêmes pour se donner consistance, consistance. Certaines personnes me disent alors : « Tu te répètes ! Tu te répètes ! » A ceux-là, je dis : « C’est juste, c’est juste, je me répète, je me répète, mais c’est dans l’état des choses de la rose en ma prose, je suis poète moi, messieurs, mes dames, je suis poète ! »

« Pourquoi es-tu francophone ? » Me demande la malicieuse nommée, nominée aux oscars, aux césars il y a un si et clé un nom avant de devenir un nounours berlinois. A elle, je réponds : « Je suis polyphone et un peu francographe. »

Obscur sire

Quand la prose se veut poésie
Je voudrai par ce chant par ces mots par ce cri obscurcir le soleil les étoiles et le ciel en l’œil de l’obscur sire
Les murs ont tremblé effondrés comme s’effondre la vie
La sorcière qui chevauche son roseau se rit de mes sombres pensées et la lune qui écume au fond d’une bassine me dit ses souffrances

Promesses
J’aimerai vous ânonner ces mots abandonnés par le vent sur le sable de ce désert qui brûle en mes yeux les dernières larmes pour que s’éteigne à jamais ma foi en les dieux en les hommes en la vie

Promesses

On me promet moult récompenses mais on me laisse dans la douloureuse angoisse du lendemain famélique
On me sacrifie ici-bas et me jure merveilles dans l’après
Je ne cherche pas le beaucoup de l’incertain mais veux le tout petit peu du certain

Promesses

Ne puis-je emprunter un peu de cette abondance qui m’attendrait dans l’après de l’ici-bas
Ne puis-je emprunter à l’éternité promise pour vivre un petit plus ici

Promesses

Me promet-on ce trop juste pour me faire accepter le peu d’ici

Promesses

Chacun sait pourtant que les promesses sont faites pour ne pas être tenues

Promesses

C’est une immensité vaste qui envoûte qui charme qui défie le jour qui accueille la nuit Indifférente elle voit passer les nuages poussés par le vent vers des ailleurs incertains
Les arbres y rivalisent en hauteur en nombre avec les étoiles qui s’accrochent désespérément à la voûte du ciel où elles scintillent fières libres inaccessibles
C’est un monde où la nature invite abrite les secrets les plus tendres les mystères les plus sombres
La sorcière nue la survole légère insouciante
Les pèlerins s’y relayent s’y recueillent
Les amoureux s’y cachent confiants y laissent leur cœur leur empreinte
Les poètes oisifs tristes amers s’y retrouvent s’y reposent
Les fils de la toussaint morts parmi les morts y ramènent à la vie leur rêve impossible
Une branche qui remue
Un bruit indéfini
On marche sur les feuilles les brindilles
Des brindilles qui se laissent écraser
Une flore silencieuse qui écoute le vent
Une faune qui s’éveille qui s’endort
C’est un cœur qui bat
Un danger qui guette
Un être qui respire
Un lieu qui inspire
Mezbel est son nom
.

On torture les enfants pour en faire des fidèles
On emprisonne la jeunesse pour la faire vieillir
On viole les filles pour en faire des femmes blettes bien mûres
Les aînées recueillent leurs larmes pour la soupe du soir
Quant aux vieux quant aux vieilles ils ont tout oublié
On a fait de l’homme un cruel primitif
On a fait de l’écrivain un ignare plumitif
On a fait du journaliste un piètre préservatif
L’horreur au quotidien est un doux apéritif
Quant au poète il se cache dans la césure
L’appel à la prière n’est plus qu’une musique de fond
Le jeûne est une excuse pour la faim les cœurs qui s’assèchent
Le pèlerinage rend plus riches les commerçants
La profession de foi est une plus que rentable profession
Quant à l’aumône quel plaisir quelle jouissance de la refuser à la main qui se tend
.

Médiseurs hypocrites Ecoutez notre musique élémentaire simple C’est un chant triste que jouent nos guitaristes Elle a toujours fait notre bonheur
Pourquoi venir nous l’interdire
Mais diseurs hypocrites
Entendez ma langue désagréable et laide
Clic
Elle claque et claquotte
Cric
Elle craque et craquotte
Elle reste toujours notre bonheur
Pourquoi vouloir la proscrire
Mes diseurs hypocrites Voyez notre repas pauvre archaïque Il est je le confesse notre bien notre richesse Il a toujours suffi à notre bonheur
Pourquoi venir nous en priver

Mes dix heurts hypocrites
Regardez notre Dieu incapable lamentable
Il ne peut exaucer le moindre vœu
Il fut notre grand bonheur
Pourquoi venir nous l’enlever
Mais dix heurts hypocrites
Que me reste-t-il
Certes pas grand chose
Un passé incertain clairsemé douteux
Une culture enterrée arrosée
Ce peu qui nous reste dans vos cœurs je le sais est une plaie c’est là notre total bonheur
Une plaie est un plaid qui nous plait
Plait-il
.

Un vrai berbère éclaire les passants du soir aventuriers de la nuit
Seule le tient encore debout sa fierté alors que sa dignité le rend silencieux.
Chaque soir il se bat contre les ténèbres
Un chien arrive soulève la patte l’arrose et l’inonde de sa chaude pisse mais le digne et fier vrai berbère reste impassible
Il ne bouge pas
Il ne dit rien
Il ne soupire pas
Il reste absorbé dans ses sombres et lointaines pensées
Sa lumière éclaire le passant qui passe l’aventurier qui s’aventure dans la nuit la femme qui les attend
Le vrai berbère sait désormais que son glorieux passé n’est plus le sien
Il ne lui appartient plus
Il se laisse pénétrer par la langueur le froid avant de succomber à une pane
Le vrai berbère s’est éteint
Il s’est offert à la nuit à l’oubli
C’est un rendez-vous insalubre un bidonville un ghetto où se côtoient la peste l’inceste l’et cætera le reste
L’ados y joue au proxénète l’adulte au délinquant
L’étranger le pauvre s’y cachent
Ils fuient la lèpre bleue quand ce n’est pas le sida vert
La faim seule les y retrouve les en débusque les offre au
Social Holocauste qui vite s’empresse de les érémiser dans l’indignité l’indifférence
C’est un jardin insalubre une LEP-roserie
On y agresse le jour y viole la nuit
Le passant passe sa bourse trépasse
La fille s’y croit vierge rosière mais les sous-sols les caves témoignent de ses précoces ébats
C’est aussi un lieu où naissent les poètes ceux-là même qui rêvent encore de liberté
.

J’aime à marcher dans les rues les ruelles de la ville impassible tranquille en admirer la blancheur mais en ce jour cette pureté immaculée est entachée par de rouges éclaboussures
Ecarlates blessures
Je suis le Numide cavalier à l’œil humide comme je suis cet hybride ce sanguinaire qui débride qui déride monture ligature
Je suis la ciguë personnage ambigu au cœur exigu acteur ambivalent qui parcours ma prose la rend morose comme ce cadavre qu’on expose rose éclose dans les rues de la terreur
Tremble limace populace qui grimace le jour s’efface la nuit s’étend prend place
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