Les auditions traditionnelles de Ramadhan sont «menées» cette année dans
un moment où l'économie se bat contre des lois sans esprit et les finances du
pays se perdent dans un dédale de fautes de gestion.
C'est ce qui est rapporté en substance dans le communiqué sanctionnant le
contenu du rapport remis lundi dernier à la présidence de la République par le
ministre de l'Energie et des Mines. Le rapport de Youcef Yousfi consigne les
grands «faits» du secteur qu'il gère depuis à peine trois mois, depuis qu'il a
remplacé Ckakib Khelil à la faveur du remaniement ministériel opéré par
Bouteflika le 27 mai dernier. C'est ce que la présidence de la République
qualifie de «bilan de réalisations du secteur pour la période 2000-2009 ainsi
que les perspectives de son développement à moyen terme, à travers les
programmes pour 2010-2014». En terme de perspectives, le secteur devra, selon
le rapport, enregistrer «une croissance de la production primaire
d'hydrocarbures, accompagnée par le confortement et l'expansion des grandes
canalisations de transport, notamment du gaz naturel, pour répondre à la forte
hausse attendue de la demande intérieure et à l'augmentation des capacités
d'exportation». L'activité avale connaîtra «la réalisation de nouvelles
centrales électriques pour une capacité globale de plus de 4.000 mégawats».
Il est noté «une augmentation du taux d'électrification du pays à plus de
98% et celui de raccordement au gaz naturel à plus de 44% des foyers». Au titre
du programme quinquennal, il est prévu la réalisation de 1.400 km par an de
lignes d'électricité et de 9.300 km de canalisations de gaz naturel. Les
énergies renouvelables et la promotion de l'efficacité énergétique sont
classées dans «un axe important» de la politique énergétique. Le programme «à
moyen terme» de l'électricité d'origine renouvelable d'une capacité globale de
près de 200 mégawats, prévoit la réalisation de 3 centrales solaires «dont une
en voie d'achèvement». En matière de rationalisation de la consommation
d'énergie, les responsables du secteur tablent par ailleurs sur «notamment une
introduction plus significative de la lampe basse consommation (LBC) au niveau
des ménages, la promotion du chauffe-eau solaire ainsi que la réalisation de
logements à haute performance énergétique».
Les garanties financières du président
Au «davantage d'efforts et de ressources dans la valorisation de nos
potentiels en hydrocarbures» qu'il réclame au responsable du secteur, le
président de la République en a déjà garanti les moyens financiers. A son
annonce, le 24 mai dernier, des grands axes de son programme quinquennal
2010-2014, Bouteflika a en effet affirmé réserver plus de 350 milliards DA au
secteur de l'énergie et des mines sur les 21.214 milliards DA qu'il alloue au
programme en question. Il veut que ce montant soit consacré au raccordement d'1
million de foyers au réseau de gaz naturel et de 220.000 foyers ruraux à
l'électricité. Il accorde aussi au secteur 300 milliards DA pour la réalisation
des centrales électriques et plus de 800 autres pour le développement de
l'industrie pétrochimique. Sans compter la somme de 1.000 autres milliards DA
qu'il alloue «à la relance et à la modernisation des entreprises publiques
industrielles et de réalisation qui disposent d'un marché» et dans laquelle le
secteur de l'énergie aura aussi sa part.
«Le développement des énergies nouvelles et renouvelables doit aussi
mobiliser fortement notre attention et j'en attends la présentation d'un
véritable programme d'action, tout en précisant dès à présent que les
propositions qui en seront retenues bénéficieront d'un appui financier public
approprié», a affirmé le président. «Nous devons relancer fortement la
prospection de nos richesses minières qui est une mission de service public»,
indiquera-t-il encore. Il appelle en outre «à la mobilisation des financements
nationaux et encourager l'apport de partenaires étrangers de haut niveau, pour
l'exploitation de nos importantes réserves de fer et de phosphate». En
conclusion, Bouteflika instruira le gouvernement «de veiller à la
revalorisation des entreprises publiques ou mixtes chacune dans son domaine de
compétence».
Des auditions au temps des scandales
Il estime ainsi que «cette responsabilité qui ne saurait souffrir
d'aucune exception, nécessite que le développement de l'entreprise et l'usage
de ses ressources soient étudiés et agréés par son actionnaire, l'Etat. De la
même manière, la sauvegarde de la viabilité de l'entreprise publique commande
que son produit soit rémunéré objectivement pour lui éviter des difficultés
financières et pour repousser les trafics et contrebande nourris par des prix
sous-évalués.»
S'il est vrai que les auditions qu'il veut traditionnelles de Ramadhan,
ne peuvent être ni le lieu ni l'occasion pour évoquer les scandales financiers
qui secouent l'économie nationale, elles ne sont pas non plus des moments de
grande franchise que les règles de la gouvernance exigeraient des premiers
gestionnaires de ses secteurs d'activité. Le ministre des Finances s'abstiendra
ainsi de rendre compte au président des conséquences induites par la mise en
Å“uvre de la LFC 2009 que l'ensemble du monde économique a décriée. Celui de
l'énergie n'évoquera pas les scandales qui ont secoué la Sonatrach, pilier de
la politique énergétique nationale. Encore faudrait-il que Bouteflika lui-même
cherche à en savoir plus et véritablement sur le fonctionnement des secteurs
d'activité et leur gestion.
Les rapports des ministres sont calqués sur le canevas des discours
officiels creux. Ils ressemblent aussi «aux fiches techniques» que le pays
remet à l'occasion aux institutions internationales, en particulier au FMI. Ils
sont sans âme et sans esprit. C'est d'autant vrai que le président ne fait même
pas l'effort, selon des sources de la présidence de la République, de recevoir
«physiquement» ses ministres. Ce qui est appelé auditions n'est autre, selon
nos sources, qu'un dépôt par les différents ministres d'un rapport classique
sur leurs secteurs respectifs, au niveau du secrétariat de la présidence, qui,
lui, se charge de la rédaction d'un communiqué consignant des recommandations
tout aussi classiques énoncées par les conseillers de Bouteflika. Un jeu
d'enfant. L'on note au passage que Djoudi et Yousfi sont passés le même jour à
la présidence de la République.
Instaurées depuis près de 12 ans, les auditions ainsi «menées» ne
changeront rien à la situation tant que le gouvernement ne sera pas tenu comme
responsable de ses fautes de gestion. «Chaque secteur rendra compte
annuellement de l'exécution diligente de son propre programme et nous
procéderons annuellement à l'appréciation de la situation financière du pays
pour, le cas échéant, tenir compte de nos moyens financiers, car nous excluons
par avance tout recours à l'endettement extérieur», s'est contenté de dire
Bouteflika à la fin du Conseil des ministres qu'il a tenu le 24 mai dernier.
Ces auditions semblent constituer l'acte de foi qui fait de cette promesse
solennelle des propos volatiles.
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Posté Le : 18/08/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com