Algérie

Au secours, les melons grignotent nos dunes



Au secours, les melons grignotent nos dunes
Défrichées au profit de cultures, sans que les agresseurs soient sanctionnés, les dunes d'El Tarf sont plus que jamais menacées.Loin des yeux mais au su de tous, l'irréparable est en train de se commettre dans l'une des régions affichée comme la mieux protégéedu pays. Le massif dunaire de Bouteldja, qui borde au nord la wilaya d'El Tarf sur 35 km, large de 4 km, s'étirant par endroits jusqu'à 20 km pour frôler le chef-lieu, est depuis deux décennies le siège d'un saccage dont rien ne semble venir à bout. C'est devenu l'illustration même d'un mal profond contre lequel l'Etat ne peut plus rien, sinon de lui déclarer une guerre impitoyable et sans concession.La végétation des dunes, combien précieuse parce qu'irremplaçable vous diront tous les experts du monde, est systématiquement arrachée pour faire place à des cultures de cucurbitacées, c'est-à-dire des pastèques et des melons. Pour avoir une idée précise de l'ampleur du phénomène, les internautes peuvent comparer les images satellites historiques de Google et constater que ce vaste ensemble naturel de près de 20?000 ha, en grande partie inexploré, qui alimente et protège un aquifère d'excellente qualité, qui approvisionne en eau potable Annaba, El Kala et les petites localités aux alentours, est rongé sur plus de la moitié par des parcelles agricoles irriguées à partir des petites zones humides qui parsèment le massif et qui sont en fait l'affleurement de la nappe souterraine.ComplicitésDepuis au moins vingt ans, les défrichements déchaînés et insensés de part et d'autre de la RN 84A, partant des localités de Berrihane, de Sebaâ et de Gariâtes, décapent les dunes vers le rivage au nord et vers Aïn Khiar au sud-est. Ce sont ainsi près de 7000 ha de végétation naturelle qui sont partis en fumée dans le plus grand des silences, car les complicités sont solides, nombreuses et le réseau tissé autour complexe. Le saccage s'est accéléré depuis 2009, encouragé par l'impunité et une nouvelle génération de prédateurs qui ont transformé en désert de sable de magnifiques peuplements de chênes, de genévriers, de lentisques et de splendides pinèdes.Ils ont asséché toutes les petites pièces d'eau bordées d'aulnes et de saules et recouvertes de nénuphars restées si longtemps à l'abri pour abreuver les animaux qui ont trouvé refuge dans cette contrée. La recherche du gain facile, la proximité de l'eau, de la route, de riverains complices, d'élus et de responsables intéressés ou laxistes ont permis l'édification de fortunes colossales au détriment d'un patrimoine national inestimable et irremplaçable.BusinessUn trésor qui nous est volé sous notre nez et que nos enfants devront faire l'effort d'imaginer au-dessus des dunes de sable qui finiront par envahir les riches plaines de Aïn El Assel, El Tarf et Bouteldja et qui ne connaitront jamais le goût de l'eau des dunes, appelé Bouglez, polluée à jamais par les pesticides et les engrais. Inutile de pointer le doigt vers les forestiers. Trop facile. Le phénomène a pris des proportions qui dépassent largement les prérogatives de cette administration. Un véritable business s'est mis en place dans lequel chacun trouve son compte. Avec la bénédiction rémunérée des élus du clan, des riverains indiquent, contre une association dans l'affaire, les emplacements aux défricheurs-cultivateurs disposant de moyens matériels et financiers. Une parcelle défrichée passe rarement inaperçue.Les forestiers déposent plainte, mais le recours à la justice est inefficace et loin d'être dissuasif. Les amendes sont ridicules et les récidivistes - on cite des cas de multirécidivistes - ne sont jamais allés en prison pour une parcelle défrichée. En revanche, et c'est admis par tous comme une évidence, une condamnation par la justice est exhibée comme un droit de propriété sur la parcelle dont le prix de location augmente puisque son exploitation est devenue si «légale».Dans les années 1980 et celles qui ont suivi, l'Algérie a perdu de la sorte près de la moitié des seules forêts d'aulne d'Afrique du Nord qui sont situées au sud du massif dunaire. Au moment où la commission nationale des forêts se réunit pour la lutte contre les incendies, elle devrait se pencher sur ces feux sans flamme qui sont encore plus destructeurs lorsqu'ils ravagent des zones naturelles aussi sensibles autant pour l'écologie que pour l'économie.




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