Algérie

Au secours !



Le ministre de la Communication l'a bien compris, qui n'a pu faire l'économie d'une réalité qu'il a tout de même exprimée avec euphémisme, en affirmant que les entreprises de presse ne roulent pas sur l'or.Après M. Laâgab, on ne peut qu'aller plus loin en affirmant que la presse, à son corps défendant, est sinistrée et financièrement indigente au point qu'il est indécent de prétendre vouloir la regarder comme une source de fiscalité, de valeur commerciale ou de richesse autre qu'intellectuelle, informative et culturelle.
Au jour d'aujourd'hui, il faut considérer le mécanisme publicitaire porté par l'ANEP comme un levier insuffisant pour viabiliser la corporation, tant il est vrai qu'à force d'attribuer des agréments et de vouloir aider tout le monde par le biais de ce mécanisme, on a entretenu la vulnérabilité de tout le monde.
Il nous faut aller vers d'autres mécanismes essentiels qui ne consistent pas à donner directement de l'argent, mais plutôt à subventionner, voire financer certaines activités des journalistes qui pourraient être d'ordre culturel et social. On pourrait faire bénéficier les titres du payement du fil de l'APS, de l'Internet, du téléphone fixe, voire aussi du loyer. On pourrait également soutenir un certain niveau de tirage, et pourquoi pas supporter la circulation gracieuse du journal.
Quoi qu'il en soit, la réalité du secteur fait qu'il est devenu impossible de maintenir le statu quo, autrement dit, il est impossible de continuer à considérer le titre de presse comme une entreprise commerciale, impossible de viabiliser davantage l'activité d'impression en faisant augmenter les tirages en l'absence d'un système de distribution efficient, d'autant que cela ne ferait que nourrir les invendus et par là-même les parts des revendeurs qui finissent par écouler les invendus au gros, rendant, à leur tour, impossible toute justification de ces invendus face aux services des impôts et du commerce qui espèrent tous les deux obtenir la même chose des journaux, dont la réalité d'activité sinistrée semble leur échapper.
Qu'on ne s'y trompe pas ; malgré ce qui a été dit, c'est l'entreprise de presse qui subit la plus grande pression fiscale. Après que l'ANEP prélève sa commission, au demeurant légitime et dûment justifiée, bien qu'elle mérite un réaménagement dans le sens de sa fixation au prorata du nombre de pages attribuées à chaque titre, il faut payer la TVA. Est-il concevable de reverser la TVA sur une pub légale ' Il s'agit d'appels d'offres institutionnels. Où est la valeur ajoutée ' Il faut par ailleurs supprimer la taxe sur le cinéma, la taxe sur le chiffre d'affaires, la taxe sur la formation et l'apprentissage. Il faut rappeler à ce dernier titre que ce sont les journaux qui forment et nulle autre instance n'assume cela à leur place. Quant à l'IRG, ne faudrait-il pas mieux passer de 15 à 10% d'IRG pour la presse ' Cela serait plus décent, car nous parlons d'un secteur pauvre qu'il ne s'agit pas de renflouer économiquement ou financièrement, mais d'un secteur structurellement non viable qu'il s'agit de soustraire à la sphère de commercialité à laquelle il n'aurait jamais dû appartenir, pour le mettre dans la sphère intellectuelle, politique et culturelle.
Autre pression injuste qui s'exerce sur la presse, celle de la sécurité sociale à travers la double cotisation qui nous impose d'être solidaires avec la Sécurité sociale, car cette double cotisation ne profite nullement aux pigistes qui sont tous déclarés ailleurs, encore moins aux journaux qui ont déjà du mal à assurer leurs employés permanents.
En ce qui concerne le fonds d'aide, il faudra réfléchir au moyen idoine pour assurer en permanence son alimentation. Des grands groupes économiques publics et privés pourraient y contribuer, l'importance de leur nombre permettant d'optimiser la part de leurs contributions.
Au lieu de s'occuper de fiscaliser la sphère informelle visible qui brasse des centaines de milliards de dinars et qu'on laisse braconner dans des zones franches tout aussi informelles au vu et au su de tout le monde, l'on préfère s'occuper des broutilles qui se comptent en centimes dans les entreprises de presse, comme si celles-ci allaient renflouer les caisses ou le budget de l'Etat. A comparer les centaines de milliards de dinars du manque à gagner récupérable dans la sphère informelle et les quelque 500 milliards de centimes potentiels qui constituent le chiffre d'affaires de l'ensemble de la presse privée, il y a lieu de se poser des questions sur le sens des priorités qui anime l'actuel argentier du pays, et sa méconnaissance du rôle et de la place de la presse dans la moralisation de la vie publique, dans la sensibilisation des citoyens autour des enjeux et des défis auxquels est confronté le pays, et dans la défense et la promotion de la souveraineté du pays tout en assumant une mission de service public. Nous rétorquons, face à la logique qui inspire les décisions de ce responsable, qu'un journal, ce n'est pas une Pizzeria et que l'argent est à chercher ailleurs et que la loi est susceptible d'être adaptée à toute situation aussi particulière qu'elle puisse être, pour peu qu'on fasse un effort de réflexion et de créativité, sans toutefois accentuer les difficultés qu'endurent les médias, et ce, au nom de dispositions légales. Cela dans une conjoncture marquée par le déclin de la presse papier, et deux années de pandémie vécue sans un accompagnement de la part des pouvoirs publics, contrairement à ce qui a été constatée sous d'autres cieux où l'Etat continue à payer 80% des salaires de la presse écrite, y compris des périodiques. L'enjeu financier qui sous-tend l'action des Finances vis-à-vis de la presse est tellement dérisoire en comparaison au risque qu'il fait courir à celle-ci, à savoir celui de la disparition des titres, qu'il faut savoir raison garder surtout quand on est ministre de la République, car, c'est avant tout un poste politique qui suppose une perception susceptible de voir au-delà des limites administratives.
Il y a lieu d'imaginer une fiscalité spéciale qui respecte les spécificités de la presse, dont la particularité qui la distingue des entreprises commerciales qui créent de la valeur économique, et qui la place dans la sphère nationale où se mesurent les enjeux politiques, car l'Algérie est grande par son histoire, par sa géographie, par sa richesse humaine et culturelle, et on n'a pas le droit de la rendre petite en déconsidérant, aujourd'hui, le rôle de la presse dans l'accompagnement de la marche de l'Algérie vers le progrès social et économique, comme le confirme d'ailleurs l'intérêt particulier qu'attache le président de la République au secteur de la Presse qu'il a hissée au rang de partenaire. Ce secteur est d'abord le lieu d'un engagement indéfectible au service de la défense des intérêts de l'Etat, loin des considérations à connotation mercantile que personne ne peut reconnaître à la presse, sauf quand on fait des calculs d'épicier. La dimension commerciale est très marginale, car elle n'est pas une finalité. C'est tout juste si elle est un moyen, à peine gérable, pour pérenniser une activité essentielle. C'est ce que le fisc serait judicieusement inspiré à retenir avant d'entreprendre une quelconque démarche pour d'hypothétiques redressements.
Par Ahmed Rehani
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