Algérie

Au refuge des balles perdues, Chroniques des deux Algéries de Sid Ahmed Semiane, Anthologie - Éditions La Découverte, Paris 2005



Au refuge des balles perdues, Chroniques des deux Algéries de Sid Ahmed Semiane, Anthologie - Éditions La Découverte, Paris 2005
L’Algérie, selon SAS

Comment parler de l’Algérie au quotidien ? Par quoi commencer ? Et surtout quel ton adopter ? SAS, Sid Ahmed Semiane pour l’état civil, ne s’est pas posé ce genre de question quand il faisait ses chroniques au quotidien disparu, espérons seulement que c’est momentané, Le Matin.

C’est épidermique. Avec beaucoup d’humour et d’ironie, de rage contenue et de poésie. Et de talent. La révolte gronde dans ses lignes, la colère monte à travers ses mots. L’art de la chronique est périlleux. On peut sombrer très vite dans un ego démesuré, croire qu’on agit sur l’actualité. SAS a su maintenir la distance. Il a pris tous les risques, même linguistiques pour dénoncer l’innommable : la torture.

Il s’est élevé contre la seconde Algérie, celle qui vit entre Club des Pins et avenue Hoche à Paris, la première se contente de s’entasser à 15 dans deux pièces pourries, à El Harrach, dans les faubourgs de Tiaret ou sur les montagnes désolées du Djurdjura. D’ailleurs, c’est quoi être Algérien ? SAS a sa propre définition. « Etre Algérien n’est pas une nationalité. Ce n’est même pas une identité.

C’est un travail à plein temps pour lequel nous ne sommes pas encore payés. C’est une maladie dangereuse dont personne ne s’est jamais relevé. » D’autant plus que l’Algérie appartient « aux généraux à la retraite de la famille révolutionnaire habitant Club des Pins ». En plongeant dans le livre de SAS, Au Refuge des balles perdues, éditions La Découverte, on remonte le temps, celui des illusions d’abord puis, presque fatalement, du combat et de la désespérance. Les chroniques de SAS, publiées entre 1999 et 2002, n’ont pas pris une ride.

La « fraîcheur » de ses chroniques n’est pas due à la lucidité de l’analyse, mais au désastre d’un drame qui se mord la queue sans arrêt. Depuis des années, la tragédie algérienne s’est figée. « Comme les vieux grabataires, elle se répète, produisant inlassablement les mêmes quiproquos, les même atteintes à la dignité humaine, les mêmes crimes d’Etat », analyse lucidement le trublion de la presse algérienne. Et s’il s’en prend quelquefois à ses confrères, c’est pour dire qu’une autre Algérie est possible qu’une autre presse est vitale.

Dur, dur de ne pas s’y souscrire. Au refuge des balles perdues est un acte amoureux. Au sens plein. Pour ne pas désespérer justement. Merci SAS.




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