Algérie

Au nom de l'olivier têtu !



Je suis pluriel et je suis un. Je suis uni et en mille morceaux éclatants, cousus en plaid arc-en-ciel par quelque dentelière aux doigts de fée. Je suis debout, n'en déplaise aux braises voyageuses...... chevauchant les vents mauvais !
La plage ! Je n'y avais pas mis les pieds depuis des lustres et une pandémie ! Chaise pliante. Et orteils aussitôt plongés dans le sable chaud. Fusion ! Je sentais mes ongles, puis mes phalanges, puis jusqu'aux chevilles comme en apnée profonde entre les milliards de grains. Le soleil dardant me jouant sûrement quelque tour pendable, à un moment, wallah que j'ai senti mes jambes comme deux pieds d'olivier. Et je pouvais presque entendre le bruissement nourricier de la pousse rapide des racines vers le centre de la terre. Ah, cette terre ! J'étais chez moi ! Planté de manière millénaire. Je n'avais pas besoin d'ouvrir les yeux. Parce que ne craignant plus rien. Ni l'exil. Ni les rendez-vous aux préfectures. Ni les dates fatidiques d'arrivée à péremption d'une carte de séjour. Ni l'attente chimérique d'une séance théâtralisée de naturalisation. Rien ! J'étais chez moi, sans papiers. Sans avoir besoin de bourrer mes poches, une sacoche et ma tête avec des autorisations de circuler, des mètre-laser pour compter le nombre de pas accomplis depuis mon domicile. Rien de tout cela ! Sur cette plage, seul ou presque, deux ou trois pêcheurs taquinant à quelques mètres les heures et si peu le poisson, j'étais enfin l'olivier ancestral. L'homme-arbre qu'aucun bûcheron autoproclamé gardien de la forêt ne pouvait déraciner. Puérilement, je remarquais jusqu'aux goélands, d'habitude si chahuteurs sur cette plage, téméraires dans leur approche effrontée des estivants, mais qui là, respectaient ma communion avec le sol. Comme si, du noyau profond vers lequel mes jambes ne cessaient de forer, revenait vers ces volatiles, en ondes aériennes, cette sensation de bien-être chez soi ! Bladi ! Bladi ! Bladi ! Au nom de l'olivier partagé et têtu, Bladi ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.


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