Algérie

Au nom de...Fronton



Au nom de...Fronton
Voilà, le nom de «Nedjma» sort de la sphère commerciale, mondialisation oblige. L'opérateur de téléphonie mobile qui le portait doit désormais se refaire une aura et, bien qu'un nom soit a priori symbolique, cela génère un coût important. Cela ne changera rien aux performances et services de l'entreprise, mais sa perception affective mettra du temps à se rétablir, pure problématique de marketing qui est aussi, à maints égards, culturelle, d'autant que les Algériens sont rétifs aux changements de noms.On peut se demander aussi comment une marque automobile peut s'attribuer le nom «Touareg», au point que sur les moteurs de recherche, les images qui en résultent donnent environ dix-neuf photos du véhicule éponyme pour une des êtres qui portent collectivement ce nom ! Explication : les noms de groupes humains, de villes, voire de nations, ne sont pas enregistrés, bien que cela commence à se faire. D'un autre côté, les créateurs de marques et produits, avec le seul lexique des noms communs, pensent qu'ils auraient du mal à y trouver assez de pouvoir d'évocation.
Ces pensées me sont venues en arpentant les allées du dernier Salon du Livre et en tombant sur deux ouvrages. D'abord, la traduction en arabe du roman de Kateb Yacine, Nedjma, que l'on doit à Saïd Boutadjine et aux éditions El-Ikhtilef, belle initiative qui remonte à 2008 et souligne la volonté positive de tendre des passerelles entre les langues de la littérature algérienne et ses lecteurs. Ensuite, «Le nom propre maghrébin de l'homme, de l'habitat, du relief et de l'eau» (CRASC, Oran, 2013), ouvrage collectif dirigé par Ouerdia Sadat-Yermeche et Farid Benramdane, figures de proue de la recherche dans ce domaine, le deuxième étant membre du Conseil des experts de l'Unesco et, incidemment, homonyme d'un joueur du championnat suisse (la confusion étant possible en ces temps de ferveur footballistique). Leur ouvrage est une mine à ciel ouvert de découvertes passionnantes. Ils en expliquent ainsi la dimension régionale : «' nous considérons que le Maghreb, au-delà des Etats politiques, est une unité anthropologique».
Drôles de choses finalement que les noms. Leur utilité pratique est beaucoup moins forte que leur charge symbolique. Les noms de famille, prénoms, dénominations de lieux, enseignes de magasins, etc. sont, au fond, les codes plus ou moins secrets de notre passé mais également de notre présent. Les étudier permet d'élucider bien des mystères historiques et sociologiques.
Mais s'il est un nom qui me frappe aujourd'hui, c'est bien celui des Philippines que Magellan a cru découvrir en 1521 alors qu'elles sont habitées depuis 35 000 ans. Le nom de cet archipel a pris un autre sens : celui de la nature en colère contre les outrages de l'humanité. Ce qui peine et révolte, c'est que ce sont les moins outrageants qui en payent le prix le plus fort. Et il n'y a pas de nom pour cela.


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